Jeudi, 12 décembre 2024
Al-Ahram Hebdo > L'invité >

Amal Amélia : Il existe une nouvelle vision, et c’est ce qui m’a encouragée à entrer en politique

Inès Eissa, Mercredi, 21 juin 2017

Amal Amélia Lakrafi vient d’être élue aux récentes législatives fran­çaises en tant que candidate de La République en marche. Lors d’une table ronde tenue à Al-Ahram en présence de plusieurs journalistes, elle est reve­nue sur la politique étrangère du président français, Emmanuel Macron, et sur la lutte antiterroriste.

Amal Amélia Lakrafi

Al-Ahram : Vous êtes désormais députée de La République en marche de la 10e cir­conscription des Français de l’étranger. Que représente cette circonscription ?
Amal Amélia Lakrafi : La 10e circonscription regroupe 49 pays. Il y a le Moyen-Orient, les pays de l’océan Indien, l’Afrique, à l’excep­tion du Maghreb, et l’Afrique de l’Ouest. Cela représente 150 000 Français, dont la moitié sont des binationaux.

— Comment et pourquoi êtes-vous entrée en politique ?
— A vrai dire, je n’ai jamais milité pour un parti politique parce que je n’ai jamais senti que ces partis me représentaient. Mon aventure politique a commencé au mois de décembre dernier. J’ai été contactée par le responsable des Français à l’étranger de La République en marche. Il m’a dit qu’ils étaient intéressés par mon profil de chef d’entreprise et de chef d’association. Nous avons parlé pendant un heure. Je n’ai pas répondu immédiatement. Le 8 mars à l’occasion de la Journée mondiale de la femme, le président Macron a prononcé un discours au cours duquel il a appelé les femmes à s’engager davantage dans la vie publique. Il a dit qu’il souhaitait la parité hommes-femmes. Ce dis­cours m’a vraiment touchée, et j’ai voulu jouer le jeu. Je ne connais­sais ni Macron ni son entourage. J’ai clairement été choisie sur CV et ça, à mon avis, c’est nouveau. On ne choisit plus les candidats en fonction de leur proximité avec les instances du parti, mais en fonc­tion de leurs capacités. Il existe aujourd’hui une nouvelle vision, et c’est ce qui m’a encouragée à entrer en politique.

— Lors d’une récente ren­contre entre le président fran­çais, Emmanuel Macron, et la première ministre britannique, Theresa May, les deux respon­sables se sont mis d’accord sur le principe de renforcer la lutte antiterroriste, notamment sur la toile. Comment cela peut-il se faire ?
— Le président Macron et le gouvernement français souhaitent mettre en place un dispositif opéra­tionnel en ce qui concerne Internet très rapidement. Cela peut même se faire dès les prochaines semaines. Le gouvernement veut proposer une loi en vue d’imposer aux grandes entreprises sur la toile, comme Google, Amazon, Facebook, etc. de supprimer tout contenu de propagande terroriste afin de lutter contre l’expansion des idées terroristes sur la toile et surtout contre le recrutement de djihadistes. L’objectif est de ren­forcer les engagements et les obli­gations des opérateurs en ligne afin de supprimer les contenus qui pro­meuvent la haine et le terrorisme.

Le problème, c’est qu’en France, nous avons un arsenal de lois qui protègent la vie privée et qui, mal­heureusement, empêchent qu’un travail conjoint soit fait entre, d’un côté, les services de sécurité et de renseignements, et de l'autre, les grandes entreprises, en vue d’im­poser un arrêt de la propagande sans délais, ou d'éviter que cer­taines données ne soient livrées. En même temps, il est nécessaire d’améliorer les moyens d’accès aux contenus cryptés dans des conditions qui préservent la confi­dentialité. En outre, comme l’a dit Emmanuel Macron, la France veut accentuer la coopération interna­tionale pour améliorer l’accès aux preuves numériques dans les enquêtes où que soient localisées ces données. Et il y a déjà des pas franchis, un centre international contre le terrorisme qui va dépendre directement de l’Elysée a été créé le 7 juin dernier.

— Le président français a dit qu’il allait déclencher une guerre contre le terrorisme. Mais concrètement parlant, comment cela va-t-il se faire ? Quel terro­risme ? Quel pays ?
— A mon avis, il veut combattre toutes formes de terrorisme. Au cas par cas pour neutraliser toutes sortes de terroristes. Le tout en coopération avec les pays qui, eux aussi, combattent le terrorisme.

— L’expansion du terrorisme islamiste ne représente-t-elle pas un danger pour les relations avec le monde arabo-musul­man ?
— M. Macron fait partie d’une équipe nouvelle, jeune, différente, qui croit au rapprochement des civilisations. Il est loin de l’idéolo­gie qui consiste à donner des leçons. Il a une vision pragmatique qui consiste à dire que l’Occident et le monde arabo-musulman ne sont pas des ennemis, ils ont au contraire une histoire commune et se partagent tellement de choses. Emmanuel Macron est un libéral, il a une culture profondément ouverte sur tous les peuples et toutes les religions.

— Outre la lutte antiterro­riste, quelles sont les grandes lignes de la politique étrangère de M. Macron, notamment en ce qui concerne le processus de paix, un dossier aujourd’hui complètement bloqué, mais auquel la France a toujours voué un intérêt particulier ?
— Macron a un regard euro­péen, il pense que la France, à elle seule, n’est pas capable de régler le conflit israélo-palestinien, le plus vieux conflit du Moyen-Orient. Mais la France est capable de jouer un rôle important, d’avoir une parole forte, conjointement avec l’Allemagne et au sein de l’Union Européenne (UE). Le pré­sident Macron préfère travailler avec l’UE, ce qui rendra sa poli­tique proche-orientale plus effi­cace.

Par ailleurs, l’Egypte est un pays central dans le processus de paix, et le président Macron compte tra­vailler avec l’Egypte pour relancer ce processus de paix. Il faut noter que, par rapport à ses prédéces­seurs, M. Macron est davantage partisan d’un rôle plus accru et plus actif de l’UE au Proche-Orient.

Amal Amélia Lakrafi
Amal Lakrafi en compagnie de Magued Mounir (à droite), rédacteur en chef d'Al-Ahram Al-Massaï, Fouad Mansour, rédacteur en chef d'Al-Ahram Hebdo, et Thibaud Weick, vice-président de la Chambre de commerce française au Caire, et porte-parole de La République en marche en Egypte.

A 39 ans, Amal Amélie Lakrafi commence tout juste ses premiers pas en politique. Officiellement investie par La République en marche, le parti de M. Macron, elle est désormais une députée enga­gée auprès du renouveau politique initié par le président français dans la 10e circonscription, à savoir Afrique et Moyen-Orient. Après des études supérieures d’expertise comptable, Amélia occupe un poste de directeur administratif et financier dans une grande société française. En 2010, elle cofonde et dirige pendant 5 ans une société spécialisée dans le management de l’innovation, le financement de la recherche et l’évaluation du capital immatériel des entreprises. En 2012, elle crée l’Institut Doctorium dont elle concentre l’action sur la promotion et l’insertion des chercheurs et doctorants dans les entreprises privées.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique