Al-ahram hebdo : La révolution du 25 janvier 2011 a révélé une rage populaire résultant d’une injustice sociale et des dures conditions de vie pour la grande majorité de la société égyptienne. Où s’est situé l’échec du gouvernement ?
Richard Banks :Le cabinet de Nazif s’est souvent trompé en se félicitant d’un taux de croissance dépassant les 5 %. Il a toujours refusé d’admettre que les fruits de cette croissance ne touchaient qu’une petite tranche de la société. Les conditions de vie de la grande majorité devenaient de plus en plus difficiles. La détérioration des conditions de vie allait de pair avec une régression des ressources de l’Etat. Le déficit budgétaire et la dette ne s’arrêtaient pas de gonfler. La raison en est claire : le groupe économique est longtemps resté les bras croisés face aux décisions urgentes, vu l’opposition et les craintes des autres éléments militaires du régime.
— A quoi faites vous référence?
— Le dossier des subventions est l’exemple le plus flagrant. En Egypte, le gouvernement a choisi de subventionner quelques produits de base pour faciliter la vie des classes démunies. Riches et pauvres se partageaient les subventions, et parfois même les plus riches en ont profité le plus. Le gouvernement s’est rendu compte du gaspillage de ses ressources en subventionnant des familles qui ne le méritaient pas. Il a réalisé la nécessité d’une restructuration urgente, et il l’a annoncé dès 2002. Mais malheureusement, à ce jour, aucune décision n’a été prise à cet égard.
— Quelles sont alors les leçons à tirer ?
— Il faut trancher différents dossiers rapidement, il ne faut pas remettre les décisions. N’attendez pas que le peuple soit convaincu. Présentez-lui les réalités capables de le convaincre. Une telle décision est importante et améliorera la vie. Le nouveau gouvernement doit être plus courageux à prendre des décisions rapides et effectives. Le climat des affaires a actuellement besoin d’une série de décisions pour regagner la confiance. Il est mieux, dans les circonstances actuelles, d’adopter une décision à 80 %, au lieu de remettre les décisions. Les indices économiques sont inquiétants, et le mot-clé d’une telle impasse est l’investissement. Or, l’investissement étranger nécessite du temps pour retrouver confiance. Seul le gouvernement est capable d’exécuter le travail rapidement. J’ai vraiment de la peine pour le nouveau gouvernement qui fait face à des dossiers majeurs et critiques dont il n’est pas responsable.
— Vos propos jettent la responsabilité sur le cabinet de Nazif alors que vous avez déclaré, lors d’une visite avant la révolution, que c’était le meilleur cabinet de l’histoire égyptienne. Expliquez-nous cette contradiction ...
— C’est vrai. Je l’ai dit et je le répète aujourd’hui. Le cabinet de Nazif, plus précisément le groupe économique, était l’un des meilleurs cabinets de l’Egypte. Peut-être qu’il a commis quelques fautes, mais cela est normal. Les ministres du Commerce, de l’Investissement et des Finances, Rachid, Mohieddine, Ghali, formaient un trio parfait. J’aimerais bien que Boutros-Ghali soit le ministre des Finances de mon pays (la Grande-Bretagne).
— Vous venez de mentionner que l’Egypte a besoin d’investissements pour dépasser la crise actuelle. La mission sera-t-elle facile face à une telle inquiétude de la part des investisseurs ?
— Il est vrai que les investisseurs sont tous inquiets. Ils attendent tous une stabilité politique et sécuritaire. La relation entre les ouvriers et les propriétaires de sociétés et les différents procès lancés contre quelques anciens investisseurs en Egypte les inquiètent également. Mais ils savent aussi que l’Egypte est un terrain fertile pour les investissements car elle a besoin de tout : projets dans l’infrastructure, la santé, l’enseignement, l’énergie ... Et le gouvernement a clairement dit qu’il ne possédait pas les ressources pour les financer. Le secteur privé est donc la bouée de sauvetage, ce qui veut dire que le gouvernement égyptien sera sérieux dans son offre d’opportunités d’investissement.
— Avez-vous rencontré des difficultés dans la promotion de cette conférence. Les investisseurs étrangers ou arabes ont-ils montré du désintérêt à y participer ?
— Pas du tout. Il est vrai que les investisseurs sont inquiets vis-à-vis de l’investissement en Egypte. Mais comme je l’ai déjà dit, ils estiment que l’avenir est prospère. C’est ainsi qu’ils ont tous intérêt à connaître le bilan du nouveau gouvernement. Les domaines d’investissement prioritaires, les facilités accordées aux investisseurs, le coût de l’énergie, tout. Alors que les investisseurs du monde entier auront les yeux rivés sur les déclarations du gouvernement lors de cette conférence. Le nouveau gouvernement, qui a longtemps annoncé soutenir une économie libre et l’activité du secteur privé, aura à le prouver lors de cette conférence. Bref, le gouvernement n’a pas eu de vrai examen lors de sa nomination, et c’est lors de cette conférence que se situera l’épreuve.
— Quelles sont les décisions attendues par les investisseurs ?
— A part celles aidant le milieu des affaires, il y a les facilités accordées pour procéder à un investissement et celles pour y mettre fin. Le coût de l’énergie est également une question importante. Ils n’éprouvent pas d’inquiétude face à une hausse des prix, mais veulent les connaître à l’avance. Ils exigent de la transparence. De même, des lois contrôlant la relation entre les patrons et les ouvriers sont aussi importantes. Enfin, protéger le travail des investisseurs en Egypte semble être une nouvelle garantie que les investisseurs recherchent actuellement. Plusieurs investisseurs sont en ce moment mis en cause en justice. Le gouvernement doit intervenir et résoudre ces conflits. Les différends ont beaucoup traîné et cela envoie un message négatif aux investisseurs.
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