Hanan Morsy : Le flottement est un choix positif
Al-Ahram Hebdo : Comment jugez-vous la décision du 3 novembre de libéraliser le taux de change ?
Hanan Morsy : La BERD soutient la décision du gouvernement égyptien de laisser flotter la libre égyptienne. Nous considérons cette mesure comme un choix positif. Cela va permettre d’améliorer les performances du marché de change égyptien et de supprimer l'un des obstacles qui ont récemment entravé l’activité du secteur privé. Celui-ci ne pouvait plus importer les matières nécessaires à son activité et était donc dans l’incapacité de planifier, d’investir et de réaliser des profits. Une telle décision va augmenter la flexibilité de l’économie, renforcer les réserves de change et redonner confiance aux investisseurs locaux et étrangers.
— Quelles vont être les conséquences d’une telle dévaluation de la L.E. ? Et quelles sont les mesures que le gouvernement devrait mettre en place afin d’aider les classes défavorisées à surmonter cette étape ?
— Le premier impact de la dévaluation de la L.E. est une nette hausse des prix. Nous prévoyons une inflation d’environ 18 % pour l’année fiscale 2016-2017. La Banque Centrale d'Egypte (BCE) a commencé à mettre en place quelques mesures pour contrer cette inflation, en faisant passer le taux d’intérêt de 3 % à 14,75 %. Cela pourra aider à freiner la hausse des prix. Mais le gouvernement doit prendre des mesures parallèles pour protéger les classes défavorisées et mettre en place des programmes de protection sociale.
— Quel sera l’effet d’une telle décision sur le déficit budgétaire et le service de la dette du pays ?
Le flottement du dollar doit être accompagné de mesures de protection sociale pour protéger les classes pauvres.
— L’effet de la décision du flottement sur le déficit budgétaire dépend de plusieurs facteurs. Il est vrai que la hausse des taux d’intérêt entraîne une augmentation du service de la dette qu’assume le gouvernement. Un taux de change flottant, lui aussi, engendrerait une augmentation du fardeau de la dette en devises étrangères. Or, cet effet est bien limité, puisque la majorité de la dette publique de l’Egypte est en monnaie locale. La part de la dette extérieure représente moins de 10 % de la dette totale. La décision de laisser flotter la L.E. devrait avoir un impact positif sur les recettes publiques à court terme, et ce, à travers la hausse de la compétitivité de la L.E. et le retour de devises étrangères sur le marché. Quant au déficit budgétaire, le gouvernement pourrait y remédier à travers d’autres mesures telles que la libéralisation des subventions accordées à l’énergie et certaines réformes fiscales et administratives.
— Cette décision de faire flotter la L.E. était-elle une exigence de vos clients ?— Les investisseurs considèrent cette mesure comme une étape essentielle à la reprise des investissements sur le marché égyptien. Cette décision envoie un message de confiance aux investisseurs étrangers, lésés ces dernières années en raison de la crise du marché de change. Les entreprises vont bientôt être en mesure d’importer leurs produits depuis l’étranger, et de reprendre une activité normale. En vue de la hausse de la valeur des devises étrangères, on s’attend également à une reprise rapide de l’activité des entreprises travaillant dans le secteur de l’exportation. Cette libéralisation du taux de change a aussi contribué à l’arrivée d’une partie du prêt du FMI. Un ensemble d’éléments qui a permis à la Bourse égyptienne d’enregistrer une hausse importante. Cependant, il ne faut pas oublier que cette mesure est la première étape d’une réforme économique plus large et plus complète. L’avenir de l’économie égyptienne dépendra de la capacité du gouvernement égyptien à mener à bout cette réforme dans son intégralité.
— Que pensez-vous de l’augmentation du prix des hydrocarbures, annoncée quelques heures après celle du flottement de la L.E. ?
— La réduction des subventions accordées à l’énergie est également une étape positive et importante dans le programme de réforme économique du gouvernement égyptien. Les subventions accordées à l’énergie sont l’un des éléments ayant contribué à l’aggravation du déficit budgétaire au cours de ces dernières années. Elles représentaient plus de 20 % des dépenses du gouvernement avant juillet 2014, un budget équivalant à celui qui est accordé à des secteurs importants tels que la santé, l’éducation ou l’investissement intérieur.
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