Yves Gauthier, directeur exécutif de Mobinil
(Photo: Nader Ossama)
Al-Ahram Hebdo : Mobinil a longtemps été considéré comme le « réseau du peuple ». Cette formule est-elle encore valable aujourd’hui ?
Yves Gauthier : Mobinil se place en seconde place sur le marché de la téléphonie mobile égyptienne. L’opérateur détient 34 % des parts du marché en Egypte. Lors des quinze dernières années, le marché est passé de 0 à 100 millions d’abonnés. Selon l’office de régulation des télécommunications, on est le meilleur réseau en termes de qualité. Mais, malheureusement, les gens ne le savent pas. La priorité est d’attirer de nouveaux clients. Une tâche difficile quand on sait que le marché de la téléphonie a atteint un taux de pénétration avoisinant les 100 %. Quasiment chaque Egyptien possède son propre téléphone. Il faudra donc diversifier nos offres. Pour cela, nous nous inspirons de ce qui se passe en Europe. Là-bas, la majorité des clients utilisent les services de messagerie vocale et d’informations. Si on réussit à négocier ce virage en Egypte, on sera les meilleurs.
— Au cours des 9 premiers mois de l’année 2012, Mobinil a perdu 93 millions de L.E. Comment justifiez-vous cette dégringolade ?
— C’est vrai que les résultats du groupe sont négatifs. Selon nos prévisions, nous n’avons dégagé aucun profit sur toute l’année 2012. Mais ces « pertes » ne peuvent pas être considérées comme de vraies « pertes ». Nous démantelons, en ce moment même, les anciens réseaux. Ces travaux entraînent une baisse de la valeur de nos actifs. Il s’agit d’une perte comptable que l’on appelle une dépréciation accélérée. Mais même avec l’existence de ces « pertes », nos chiffres sont meilleurs qu’avant, car notre réseau se modernise. C’est un pari qui remettra Mobinil dans le positif courant 2013.
— Aujourd’hui, 17 % des Egyptiens ont accès à Internet sur leurs téléphones ou chez eux. Comment comptez-vous conquérir ce marché encore jeune ?
— Nous allons lancer des packages d’Internet simples d’usage et bien moins chers que sur le marché actuel. On vient de certifier nos offres, et on peut dire qu’elles sont très compétitives. Nous espérons ainsi grandement augmenter notre clientèle Internet, estimée aujourd’hui à 9 millions d’utilisateurs. L’autre point essentiel c’est l’innovation. Le plus important pour moi c’est d’être plus performant en offrant des services diversifiés aux clients. Prenons comme exemple notre partenaire France Télécom qui possède des applications sur le mobile Else, comme Mobile Money.
— Le gouvernement égyptien a annoncé le lancement de la licence universelle au premier trimestre 2013. Chaque opérateur pourra proposer de nouveaux services, tels que la téléphonie fixe. Comment Mobinil, en pleine crise financière, va-t-il acquérir cette licence ?
— S’il est vrai que l’année passée a été difficile autant pour Mobinil que pour notre partenaire, France Télécom a encore les moyens d’investir en Egypte. Les dettes de Mobinil auprès des banques restent inférieures à 7 milliards de L.E., on peut donc encore emprunter.
— Ce lancement va-t-il amener les opérateurs à se livrer une guerre des prix, comme ce fut le cas en 2005/2006 après l’arrivée d’Etisalat sur le marché égyptien ?
— Le schéma qui s’est déroulé pour la téléphonie pourrait éventuellement se dérouler pour le data. Mais s’il y a des baisses de prix, nous ferons tout pour ne pas courir à la catastrophe. En effet, une guerre des prix est néfaste pour tous les opérateurs. Quand on baisse les prix, on réduit nos revenus. Or, aujourd’hui, le prix de la minute rapporte moins que ce que nous coûtent les investissements. Dans le passé, quand on investissait 2 milliards de L.E., les revenus augmentaient de 30 %. Le chiffre atteint difficilement les 3 % aujourd’hui. J’espère donc que nous suivrons un autre chemin avec le data, dont les contours sont tracés par les erreurs du passé.
— Le lancement de cette licence signifie aussi la rentrée de Telecom Egypt en tant que 4e opérateur de téléphonie mobile. Comment envisagez-vous cette nouvelle concurrence ?
— Avec l’arrivée d’un nouvel opérateur, on risque de perdre des parts du marché déjà existantes. Il faudra alors chercher d’autres segments tel que les appels internationaux, la ligne fixe ou Internet. Tout ce que j’espère, c’est que la licence comprenne aussi l’installation de nos propres infrastructures. Aujourd’hui, nous sommes obligés de louer celles de Telecom Egypt. Cela nous fera une économie importante sur le long terme, avec plus de flexibilité. Mais je n’ai pas peur. Mobinil est un opérateur ayant un actionnaire, France Télécom, très fort. Nous sommes bien armés pour faire face à la concurrence.
— Lors de la vente de Mobinil à France Télécom, il a été décidé que 15 % des actions seraient placées à la Bourse du Caire. Quand cette mesure sera-t-elle adoptée ?
— France Télécom est en pleine négociation avec les actionnaires pour effectuer le meilleur choix : soit le lancement d’une part en Bourse, soit à un investisseur stratégique. Je conseille d’avoir au moins 5 % sur la Bourse du Caire. C’est une part importante qui jouit d’un beau niveau de liquidités en Bourse. Cependant, la décision finale revient à France Télécom .
Les trois sociétés de téléphone portable en chiffres
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Mobini
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Vodafone
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Etisalat
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Date d’accès sur le marché
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1998
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1998
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2006
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Nombre d’abonnés (en millions)
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33,8
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39,8
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23,2
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Part du marché de portable
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34,9 %
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41 %
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24 %
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Source : Ministère des Télécommunications
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