Al-Ahram Hebdo : Vous avez été nommé président de la commission des arbitres de l’EFA dans l’une des périodes les plus difficiles de l’histoire de l’arbitrage du football égyptien. Vous avez depuis réussi à redonner confiance aux clubs qui étaient sceptiques sur l’arbitrage égyptien. Comment avez-vous procédé ?
Gamal Al-Ghandour : Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que la période qui a précédé mon arrivée était l’une des plus difficiles dans l’histoire de l’arbitrage égyptien. Notamment après la diffusion, avant mon arrivée, d’un entretien téléphonique entre un responsable influent de l’EFA et un autre cadre de la commission des arbitres concernant la désignation de l’arbitre d’un match de Ligue 1. Cela a conduit à la perte de confiance en cette commission et en les arbitres eux-mêmes. J’arrive donc en plein milieu d’une saison qui a connu beaucoup de problèmes concernant les arbitres égyptiens. Ma mission n’était pas du tout facile. J’avais l’impression que je courais après un train qui menace de dérailler, sautais dans la cabine pour le conduire dans le bon sens pour empêcher un accident. Et cela sans freinage, puisque nous étions en pleine saison. Je n’ai fait qu’adopter le même système que j’avais mis en place lorsque j’étais président de la commission des arbitres entre 2005 et 2008. J’ai fait appel à deux anciens arbitres internationaux : Yasser Abdel-Raouf et Tamer Dorri, pour faire partie de la commission. Et j’ai commencé la mise en application de mon système de travail.
— Quelle est votre méthode de travail ?
— Elle est fondée surtout sur la mise en place d’un certain nombre de choix dans la désignation des arbitres du Championnat national et de la Coupe d’Egypte. Nous avons déjà 42 arbitres capables d’officier pour le Championnat et la Coupe. C’est vrai qu’ils ne sont pas tous du même niveau, ils ne sont pas tous des « super » arbitres, mais ils peuvent arbitrer les matchs locaux. J’ai décidé de ne pas donner à un même arbitre l’arbitrage de plusieurs matchs d’un même club, pour éviter les problèmes et les rumeurs. Ainsi, j’ai donné la chance à un grand nombre d’arbitres. Depuis le 14 janvier dernier, aucun arbitre n’a dirigé plus de 2 matchs pendant les 9 dernières journées du Championnat. J’ai aussi profité de la confiance mutuelle et du respect des clubs envers moi. C’est vrai qu’il y a toujours des clubs qui critiquent les arbitres, surtout en cas de défaite ou de match nul, mais ces critiques ont beaucoup diminué depuis mon retour aux affaires. Je pense que les choses s’améliorent aujourd’hui, et l’arbitrage égyptien est sur la bonne voie.
— N’étiez-vous pas inquiet de la délicatesse de votre mission en travaillant dans des conditions aussi périlleuses et durant une période si critique ?
— C’est normal. Nous devons tous être inquiets lorsque nous assumons une responsabilité, quand nous avons une mission à accomplir. L’inquiétude est un aspect positif dans le travail. Mais je n’ai pas eu peur d’accepter la responsabilité. Lorsque la Fédération de mon pays a eu besoin de moi, je dois accepter immédiatement, sans hésiter. Je n’ai pas eu peur, car j’ai rencontré durant ma carrière d’arbitre des situations pires que celle-là. J’ai une grande confiance en moi que j’avais gagnée tout au long de ma carrière. J’ai fait l’expérience de grands matchs très difficiles que j’avais arbitrés, soit à l’échelle nationale ou internationale. Je dois remercier mon équipe de travail au sein de la commission qui m’aide beaucoup dans ma mission. Il suffit de savoir que nous travaillons en moyenne 18 heures par jour, afin d’améliorer l’arbitrage du football égyptien.
— Quels sont les problèmes les plus graves que vous avez rencontrés à votre nouveau poste ?
— Hormis la nécessité d’améliorer la performance des arbitres et d’actualiser leurs connaissances, il y avait deux grands problèmes. Le premier était le fait que certains arbitres travaillaient pour le compte de clubs. Du coup, il y avait un conflit d’intérêts qui allait à l’encontre de leur objectivité. Le deuxième hic est le fait que certains arbitres écrivaient des détails concernant l’arbitrage sur leurs pages Facebook ou Twitter. A un certain moment, Facebook affectait l’arbitrage et la désignation des arbitres à cause de cela. A mon arrivée, j’ai interdit tout cela. J’ai mis les choses en ordre. Maintenant, un arbitre de football n’a pas le droit de travailler dans un club. Il doit faire son choix, soit travailler comme arbitre soit travailler dans un club. Il ne peut pas concilier les deux tâches à la fois pour éviter les conflits d’intérêts. En plus de cela, aucun arbitre n’a le droit de publier sur les réseaux sociaux les détails des matchs qu’il arbitre. Toutefois, ils peuvent y publier des postes personnels n’ayant aucun lien avec les matchs qu’ils arbitrent.
— Ne pensez-vous pas que le niveau des arbitres égyptiens ne soit plus le même que dans les années 1980-90 et 2000 ? Nous ne voyons plus assez d’arbitres égyptiens dans les grandes compétitions africaines et internationales …
— C’est normal. L’arbitrage, comme tous les autres domaines, a été affecté par ce qui s’est passé en Egypte ces dernières années. J’essaie de créer de nouveau une génération d’arbitres sur de bonnes bases scientifiques et techniques. Ils doivent avoir un bon niveau culturel et maîtriser des langues étrangères. Nous devons accorder une grande importance aux aspects psychologiques et comportementaux. Nous devrons travailler sur les arbitres égyptiens dès leur jeune âge, à partir de l’âge de 16 ans, sur les plans physique, mental et psychologique. Nous devons reconsidérer les critères et les conditions d’admission des arbitres et donner plus d’importance non seulement au physique, mais aussi aux traits personnels et au niveau culturel. Un bon arbitre doit avoir un niveau culturel remarquable, avoir une bonne culture générale et parler des langues étrangères. Il doit avoir une grande confiance en lui-même, afin de pouvoir travailler dans les pires conditions sans être affecté par la pression. Ce sont les traits caractéristiques indispensables pour avoir de bons arbitres de football. Auparavant, le travail se concentrait malheureusement plutôt sur le volet administratif que sur l’évolution du niveau de l’arbitre.
— Que pensez-vous de la démission en pleine saison de Essam Abdel-Fattah, ancien président de la commission des arbitres et ancien membre du conseil d’administration de l’EFA pour aller travailler dans un pays du Golfe ?
— Je ne veux pas commenter son acte. Tout ce que je peux dire est que, quand je dirigeais cette commission en 2008, j’avais reçu une offre de la Fédération émiratie de football, mais je ne suis pas parti en pleine saison. J’ai attendu la fin du championnat pour quitter la fédération.
— En tant que l’un des meilleurs arbitres de l’histoire du football égyptien, arabe et africain, quels sont vos objectifs et vos rêves pour demain ?
— Je rêve de prendre ma place normale, celle que je mérite au sein du comité d’arbitrage de la CAF et de la FIFA. Les arbitres de ma génération occupent actuellement des postes dans ces comités d’arbitrage de la CAF et la FIFA. Pour des raisons que je ne connais pas, je suis complètement écarté. Alors que j’ai travaillé dans le domaine des analyses techniques de l’arbitrage lors des matchs télévisés. Lorsque la Fédération de football d’Egypte m’a contacté en janvier dernier pour diriger la commission des arbitres, j’ai accepté sans hésitation, car j’étais l’homme de la situation pour résoudre les problèmes d’arbitrage. Je rêve de prendre un jour la place que je mérite à l’échelle continentale et mondiale, et je pense que cela a beaucoup trop tardé.
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