Mohammed Mohsen Abo El-Nour
Al-Ahram Hebdo : Depuis 2013, l’Egypte semble considérer la Russie comme un meilleur allié que les Etats-Unis. Est-ce vraiment le cas même avec le dégel de l’aide militaire américaine ?
Mohammed Mohsen Abo El-Nour : La Russie est actuellement l’allié le plus proche de l’Egypte, surtout après les différences de vue entre l’Egypte et les Etats-Unis quant à la lutte contre le terrorisme dans la région, en particulier en Syrie et en Iraq. En même temps, les points de vue du Caire et de Moscou ont été identiques quant aux deux dossiers les plus importants et les plus dangereux : la position internationale quant à la crise syrienne et la guerre de la coalition internationale contre l’organisation de l’Etat islamique (Daech). En effet, ni l’Egypte, ni la Russie n’ont participé à la coalition. De plus, les points de vue de Poutine et de Sissi vont dans le sens de soutenir l’Etat syrien.
— Selon vous, l’Egypte hésite-t-elle à choisir entre la Russie et les Etats-Unis ?
— Je pense que l’Egypte n’est pas dans une situation où elle doit choisir entre l’une des deux grandes puissances. L’Histoire ne va pas se répéter comme dans la période des années 1950 et 60. Car l’Egypte n’est pas obligée de rompre ses relations avec les Etats-Unis à cause de leur position soutenant Israël, ce point ayant fait l’objet de différends dans le passé. Maintenant, je pense que la politique étrangère égyptienne envers la Russie et les Etats-Unis semble aller dans la direction de l’intérêt national, en bénéficiant des deux parties sur les plans politique et économique.
— Dans quelle mesure le recours de l’Egypte à la Russie a-t-il contribué à la reprise de l’aide américaine à l’Egypte ?
— Il semble que l’orientation égyptienne vers la Russie a soulevé des craintes à la Maison Blanche que ce rapprochement mène à la perte de l’allié égyptien. L’Egypte étant considérée comme le pilier principal de la sécurité dans la région. Car sans l’Egypte, il n’y a ni guerre, ni paix dans le Moyen-Orient. Je crois que Washington a été conscient qu’un traitement du dossier égyptien de manière nuisible à la politique égyptienne après le 30 juin 2013 ferait en sorte que l’Egypte quitterait complètement la liste des alliés des Etats-Unis. C’est pourquoi elle a réinstauré l’aide et le dialogue stratégique.
— Les relations égypto-russes atteignent-elles ce niveau stratégique avec les Américains ?
— Je pense que les relations égypto-russes passent par l’une de leurs phases les plus importantes, dépassant la nature et la forme des relations durant la période nassérienne, et reposant sur une diversification dans l’échange d’intérêts, tels que les préparatifs pour que l’Egypte rejoigne le groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), la potentielle création de deux centrales nucléaires à Dabaa avec l’expertise russe, l’importation de gaz naturel liquéfié de Moscou, l’accord d’armement russe (le système des missiles S-300, les avions MIG-29, le navire lance-missiles projet offensive P-32 Molniya « Eclair »), les besoins russes en productions agricoles égyptiennes suite à l’embargo international imposé à la Russie (pommes de terre, oignons, légumes), les investissements russes dans l’Axe du Nouveau Canal de Suez. Tous ces facteurs confirment que la période actuelle est celle des relations les plus solides dans l’histoire des deux pays.
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