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Abdallah Khalil: « Le dialogue de Morsi ...une rencontre d’alliés »

Propos recueillis par Aliaa Al-Korachi, Mardi, 11 décembre 2012

L’avocat et expert juridique Abdallah Khalil estime que les islamistes ont un agenda déterminé pour fonder un Etat religieux.

Abdallah Khalil

Al-Ahram Hebdo: Comment analysez-vous la nouvelle déclaration constitutionnelle de Morsi ? S’agit-il d’un pas vers une sortie de la crise ?

Abdallah Khalil : A mon avis, cette seconde déclaration n’est qu’une nouvelle manoeuvre politique de la part du régime. Elle a dévoilé que l’objectif de la déclaration qui vient d’être « annulée » et qui a causé un tollé dans la société était un piège qui ne visait dans le fond qu’à détourner l’attention des forces politiques, jusqu’à ce que le régime politique puisse faire passer son projet de Constitution contesté. Il s’agissait aussi d’épuiser les forces d’opposition en les laissant lutter contre cette déclaration pour en fin de compte la retirer après que celle-ci aura réalisé ses fins. D’ailleurs, le premier article de son nouveau texte a été rédigé de manière corrompue, « gardant toujours en vigueur les conséquences provoquées par la déclaration annulée ». Ces conséquences ne sont que catastrophiques, telles la destitution du procureur général de manière illégale et la nomination d’un autre d’après un décret présidentiel. De plus, il a fait passer « la loi de la protection des acquis de la révolution » qui ne rappelle que les lois martiales, donnant au procureur général des pouvoirs exclusifs. Sans bien sûr oublier le fait d’annuler tous les appels en justice qui ont été intentés contre Morsi.

Cette déclaration a été le fruit d’un « dialogue national ». Comment évaluez-vous cette rencontre ?

— Les représentants qui ont assisté à cette rencontre ne représentent pas de près ou de loin les réelles forces politiques du pays. Il s’agissait d’un rassemblement d’alliés à Morsi et de ceux qui ont des intérêts communs à faire passer ce projet de Constitution. D’ailleurs, le communiqué a été lu par Sélim Al-Awa, membre de la constituante dont la légitimité est toujours en question. Il n’a d’ailleurs pas été le seul à s’y trouver. Tout le monde a pu observer la présence massive d’autres membres de la constituante.

— Et pourquoi selon vous cette insistance sur le fait de tenir le référendum à sa date fixée ?

— Ils ont un agenda fixe : fonder un Etat religieux, et ils refusent que quiconque vienne leur couper le chemin. Depuis la déclaration de mars 2011, ils insistaient sur le fait que les élections passent avant la Constitution. Ils ont aussi planifié pour s’emparer des deux Chambres parlementaires, afin de parvenir à une majorité dans la constituante. Il s’agit pour eux d’une question de survie.

— Et qu’en est-il des garanties évoquées concernant les amendements sur les articles controversés ?

— Il s’agit d’une promesse qui pourra être réalisée ou pas. Ils ont dit que ces articles allaient être discutés lors de la première séance du nouveau Parlement. Mais il faut savoir que le sort de ces amendements est lié à l’approbation des deux tiers de cette Chambre. Donc, en cas de présence d’une majorité islamiste comme c’était le cas avec le Parlement dissous, on doit s’attendre à un refus total de ces amendements. Dans ce cas, le président sortira de l’impasse et le jeu de mots recommencera : « la démocratie, la volonté du peuple, etc.».

— Pour certains cette déclaration vise dans le fond à satisfaire les juges, qu’en pensez-vous ?

— Oui, en ce qui concerne l’annulation de l’article imposant une immunité sur les décision du président contre tout appel judiciaire. Mais il faut savoir que les juges ont toujours des objections concernant le chapitre du pouvoir judiciaire au sein de la Constitution. Les articles n’ont pas réalisé les ambitions des juges en les privant de certaines de leurs attributions. Pire encore, la formation de la Cour constitutionnelle a été modifiée et réduite.

— Donc, pensez-vous que les juges aillent maintenir leur boycott concernant la supervision du référendum ?

— Je ne peux pas parler de cette décision. C’est une affaire qui reste toujours dans les mains des juges. Mais en cas de boycott, il y a une impossibilité qu’il ait lieu car il existe 15 000 circonscriptions qui exigent en parallèle un juge pour chacune d’elles. Si cette condition ne se réalise pas, donc ce référendum sera considéré comme invalide. Je veux souligner que, dans ce cas, il s’agirait d’une sortie convenable de l’impasse pour reporter le référendum à une date plus lointaine comme il a été le cas avec le référendum des Egyptiens de l’étranger.

Avec tous ces différends, où va l’Egypte ?

— Il faut savoir que le chemin est maintenant plus clair que jamais. Actuellement, certains veulent aller vers un pays de milices et mettre fin à l’Etat de droit. Le prochain défi sera la capacité d’un Etat civil à combattre et à faire face aux tentatives d’effacer ces traits.

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