Al-ahram hebdo : Il semble que l’Egypte, comme d’autres pays en voie de développement, est dans un cercle vicieux formé de dettes, d’engagements envers ses partenaires étrangers et d’un manque de fonds pour financer les projets publics. Comment peut-elle en sortir, d’après vous ?
Benedict Cléments : Trop d’endettement exige de grands moyens financiers pour le remboursement, ce qui envoie un message négatif aux investisseurs étrangers et ne les encourage pas à placer leur argent en Egypte. Le manque d’investissement obligera, à son tour, le gouvernement à s’orienter vers le monde extérieur et à s’endetter encore plus, soit en ayant recours à des obligations à long terme et à un taux élevé d’intérêt et d’autres à court terme à un taux d’intérêt inférieur, soit à travers des crédits à des taux encore plus bas. Le gouvernement doit choisir parmi les moyens disponibles, ce qui convient le plus avec son économie. Citons entre autres, les bons du trésor, les obligations internationales à long ou à court terme, les crédits auprès des institutions internationales ... Le gouvernement égyptien doit adopter une bonne répartition entre ces moyens pour pouvoir répondre à ses engagements.

« La réduction des subventions de l’énergie a envoyé un message de confiance aux investisseurs ».
(Phoyo:Reuters)
— Le gouvernement égyptien en est-il conscient ?
— L’Egypte a entrepris de bonnes démarches pour répondre à ses besoins financiers. Par exemple, le gouvernement actuel, quelques jours après sa nomination, a annoncé la réduction de subventions de l’énergie et a révélé un plan pour leur annulation complète d’ici quelques années. Une mesure capable d’envoyer un message de confiance aux investisseurs et cela a été clair au cours de la conférence économique de Charm Al-Cheikh en mars dernier. En outre, la mise en place d’un système fiscal équilibré et juste est tout aussi indispensable. Il est temps d’adopter une politique financière capable de soutenir une croissance continue en Egypte.
— Comment l’Egypte peut-elle augmenter les taxes sans porter atteinte aux pauvres et sans nuire à la croissance ?
— Le moyen adéquat pour aider les pauvres serait de réaliser la stabilité économique. Or, le lourd fardeau d’engagements financiers rend une telle stabilité improbable. En revanche, une relance économique est capable de créer des offres d’emploi et d’améliorer le niveau de vie des citoyens. Mais, c’est une chaîne complète de mesures que le gouvernement doit adopter pour assurer la justice sociale. Le gouvernement, par exemple, doit consacrer une somme des revenus récupérés des taxes à l’amélioration des services dont profitent les pauvres, comme la santé, l’enseignement, le transport, etc. C’est important, pour que la population accepte les aspects les moins plaisants de sa politique. Le gouvernement doit adapter les taxes à la situation économique.
— Quels types de taxes conviennent-ils à la situation économique de l’Egypte ?
— La taxe sur la valeur ajoutée constitue l’un des meilleurs outils pour accroître les recettes du gouvernement, sans mettre davantage de pression sur les plus pauvres. Ce genre de taxe, appliqué avec un système de surveillance correct, a réussi dans la grande majorité des pays. Mais je dois souligner qu’un contrôle de la part du gouvernement est nécessaire pour assurer une stabilité des prix. Autre exemple, l’impôt foncier qui ne touche pas aux pauvres.
— Dans l’une de vos études, vous avez souligné l’importance d’instaurer des taxes sur les produits pétroliers. Quel est ce genre de taxe et comment l’Egypte peut-elle en profiter ?
— Pour le secteur privé, le prix de l’énergie ne doit pas seulement refléter le coût de celle-ci, mais aussi le coût des dégâts qui résultent de son utilisation, notamment la pollution qui affecte les citoyens. Il faudrait imposer une nouvelle taxe sur l’énergie que consomme le secteur privé, pour compenser ces dégâts. C’est la moindre des choses. C’est l’une des rares taxes qui ne pèsent pas sur les pauvres. Mais elle doit intervenir après la libéralisation complète du prix de l’énergie et la suppression des subventions .
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