« Renforcer le développement des richesses minières et de la valeur ajoutée afin de réaliser les Objectifs de Développement Durable (ODD), ainsi que la Vision minière en Afrique (AMV) ». Tel était le thème de la première Conférence sur le développement des ressources minérales en Afrique, organisée au Caire sous le patronage de Kamel Al-Wazir, vice-premier ministre chargé des Affaires industrielles et ministre des Transports. Cet événement a été co-organisé par le Conseil des entreprises africaines, en collaboration avec l’Union africaine, des représentants des Nations-Unies et divers gouvernements africains. Il a rassemblé des délégations africaines issues des différents secteurs de l’industrie minière, ainsi que des acteurs du secteur privé.
L’industrialisation minière en Afrique revêt une importance particulière, car elle est considérée comme le socle de l’industrialisation, notamment verte. Cette approche s’inscrit dans le thème lancé par l’ONU à l’occasion de la célébration du 35 anniversaire de la Journée mondiale de l’industrialisation en Afrique, le 20 novembre.
Alors que la crise climatique s’aggrave, la demande mondiale de minéraux essentiels pour les technologies énergétiques propres — comme le lithium pour les véhicules électriques ou le sélénium pour les cellules solaires — devrait tripler d’ici 2030 et quadrupler d’ici 2040, selon l’Agence internationale de l’énergie. L’Afrique possède cinq des minerais les plus rares et les plus importants pour une industrialisation écologique (voir encadré).
L’Afrique, terre de minerais
Le continent africain recèle des réserves considérables de minéraux essentiels à la transition énergétique. Il détient à lui seul 55 % des réserves mondiales de cobalt, indispensable à la fabrication des batteries et à la production de l’énergie éolienne, ainsi que 47,65 % du manganèse utilisé dans ces secteurs. Cependant, le continent n’a pas encore pleinement exploité les opportunités offertes par ses ressources naturelles.
Les estimations montrent que les pays africains ne génèrent qu’environ 40 % des revenus qu’ils pourraient potentiellement tirer de ces ressources. Selon une étude publiée par le centre de recherche TRENDS, le secteur minier africain souffre de graves lacunes : faiblesse des structures de gouvernance locale, obstacles politiques et manque d’investissements. Entre 2016 et 2020, ces problèmes ont entraîné un déficit notable en matière d’activités d’exploration.
En 2021, le budget consacré à l’exploration minière en Afrique n’a augmenté que de 12 %, avec une grande majorité des investissements concentrée sur l’or. En 2022, cependant, on note une légère augmentation dans l’exploration du cuivre, devenu le métal le plus extrait du continent. « La valeur ajoutée issue des minerais essentiels en Afrique pourrait transformer le continent en un pôle compétitif pour l’industrialisation verte, accélérer le déploiement des énergies renouvelables et l’électrification des systèmes de transport », a déclaré Antonio Pedro, secrétaire exécutif adjoint de la Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique.
Stratégie pour le secteur minier
Outre leur utilisation dans l’industrialisation, ces métaux offrent un potentiel de revenus significatifs sur le marché mondial. En 2023, la taille de ce marché est passée à 8 100 milliards de dollars contre 7 500 milliards de dollars en 2022, avec un Taux de Croissance Annuel Composé (TCAC) de 7,8 %. « L’industrie minière a contribué à hauteur de 20,8 milliards de dollars au PIB de l’Afrique du Sud, soit environ 5,6 % de son PIB. En 2018, elle a également créé 450 000 emplois directs », souligne le rapport de TRENDS.
Cependant, l’absence d’une stratégie africaine globale entrave la valorisation de ces richesses. La Conférence africaine sur le développement des ressources minérales (CAMERD), tenue au Caire, a exploré diverses pistes pour améliorer la valeur ajoutée afin que le continent puisse bénéficier de ses ressources minérales au-delà de leur simple exportation sous forme brute. « Il est impératif d’élaborer une stratégie visant à capitaliser sur les ressources naturelles des pays africains pour créer de nouvelles activités à forte valeur ajoutée via des partenariats stratégiques », souligne Ayman Al-Ashry, président de la Chambre de commerce du Caire. Un avis partagé par Monique Nsanzabaganwa, vice-présidente de la Commission de l’Union africaine, qui insiste sur l’importance d’une approche stratégique pour positionner le continent comme un nouveau pôle de croissance mondiale.
Aujourd’hui, l’Afrique ne contribue qu’à 1,6 % de la valeur ajoutée manufacturière mondiale. En 2015, 71 % de cette valeur provenait de l’exportation de matières premières sous leur forme brute, freinant ainsi tout processus de développement industriel. Par conséquent, 95 % des Africains vivent dans des pays où la Valeur Ajoutée Manufacturière (VAM) est inférieure à 100 dollars par habitant. Pour inverser cette tendance, la conférence a proposé de « tracer les grandes lignes d’une feuille de route visant à stimuler l’intégration des chaînes de valeur régionales, tout en augmentant les investissements dans les infrastructures, les compétences et l’innovation pour soutenir l’industrialisation basée sur les minéraux en Afrique et promouvoir l’action climatique », conclut Ayman Al-Ashry.
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