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L’essor du podcasting africain

Nada Al-Hagrassy , Samedi, 31 août 2024

L’industrie du podcasting connaît une croissance remarquable en Afrique, mais fait face à de nombreux défis. Décryptage.

L’essor du podcasting africain

A chaque fois que nous ouvrons notre portable, notre laptop ou notre ordinateur, les applications numériques qui y sont installées fourmillent d’annonces nous invitant à suivre des podcasts traitant des sujets de tous bords diffusés dans toutes les langues de la planète. Et bien évidemment, l’Afrique ne fait pas défaut à cette florissante industrie. Selon une étude menée par Africa Podfest, les podcasts produits en Afrique ont connu une augmentation constante et rapide entre 2017 et 2023. L’Afrique du Sud, le Nigeria et le Kenya étant les plus grands marchés de podcasts du continent. Un rapport de Reuters Digital News estime que dans les pays de l’Afrique anglophone comme l’Afrique du Sud et le Kenya, « près de 40 % des personnes en zones urbaines sont des utilisateurs réguliers de podcasts ». En revanche, l’Egypte et le Maroc occupent les première et deuxième places respectivement dans l’industrie de podcast en Afrique du Nord. Cet essor s’explique par l’installation de réseaux Internet efficaces dans ces pays, ce qui permet une meilleure connectivité des smartphones. A cela s’ajoute la passion des jeunes créateurs africains et leur public pour ce média qui leur permet d’interagir et d’être inclusifs. En effet, le podcast est une forme de média numérique qui permet de créer et de distribuer du contenu audio ou vidéo en plusieurs langues sur le réseau Internet. Les contenus diffusés en d’autres langues que l’anglais représentent aujourd’hui plus de 50 % de l’ensemble du contenu audio diffusé sur les applications numériques.

Multiples avantages

Les podcasts font désormais partie intégrante du paysage médiatique africain et donnent aux créateurs la liberté de s’exprimer avec peu ou pas de restrictions éditoriales et de censure gouvernementale. Ils ont, en plus, ajouté de la valeur au journalisme multimédia. Au Kenya, la journaliste radio Adelle Onyango a lancé le podcast « Legally Clueless Purse Pective » où elle offre un espace de paroles plus libre aux femmes sur des sujets encore considérés comme tabous. Grâce à ses podcasts, elle est devenue aujourd’hui une figure incontournable au Kenya. D’autres créateurs diffusent leur contenu dans les langues maternelles de leurs groupes ethniques. Ce choix leur permet de mieux raconter leurs histoires et d’exprimer leurs points de vue. De quoi les aider à remettre en question les différents stéréotypes qui pèsent encore sur l’image du continent. Ce genre de podcast couleur locale suscite un vif intérêt à l’échelle internationale. Il en va de même pour les contenus qui traitent du quotidien et de la vie moderne en Afrique. Des émissions telles que I Said what I Said, qui explore l’expérience de la génération Y africaine, et l’émission Sincerely Accra, qui aborde la vie urbaine dans la capitale ghanéenne, connaissent également un grand succès. Cette effervescence s’explique également par le fait que l’Afrique aura la plus grande population de jeunes d’ici 2050, l’avenir du podcasting s’annonce donc prometteur sur le continent. La jeunesse africaine constitue un public important pour les podcasts. Ce qui a poussé les instances concernées par l’émergence de ce média à lancer la plateforme gratuite Afripods en 2017 qui assemble les podcasts basés à Nairobi, au Kenya. Là, les programmes sont diffusés en 50 langues locales dont le Xhosa, le Kikuyu et le Yoruba. Parallèlement au lancement de cette plateforme, le festival « The Africa Podfest », co-généré par deux Kényanes, Melissa Mbuga et Josephine Karianjahi, a été créé. En effet, l’événement Africa Podfest et la plateforme Afripods ont presque le même objectif : promouvoir l’industrie du podcasting africaine et encourager la production en langues locales.

Des Défis à relever

En dépit de son grand succès, l’industrie africaine du podcast affronte de nombreux défis. « Il s’agit tout d’abord du coût élevé des données Internet qui entrave la production des podcasts pour un grand nombre d’Africains, surtout dans les régions recluses », souligne Josephine Karianjahi, cofondatrice du festival Podfest. Et d’ajouter que les productions podcasts sont souvent financées par des économies personnelles, la production d’un podcast épuise très souvent les podcasteurs africains, dont beaucoup avaient espéré que le podcasting deviendrait un jour leur gagne-pain. « La production d’un podcast peut coûter 1 000 dollars par épisode et donc 12 000 dollars pour une saison complète de 12 épisodes. Il y a également des frais pour l’enregistrement des podcasts dans certains pays, sans oublier les prix des licences annuelles », souligne-t-elle. Selon Karianjahi, le manque d’infrastructures et d’équipements de pointe pour réaliser une production de haute qualité entrave aussi le développement du podcast. « Etant donné que beaucoup d’Africains ignorent encore ce que sont les podcasts, de nombreux podcasteurs ont du mal à trouver et à élargir leur public et à répandre leur contenu », explique-t-elle.

Loin de baisser les bras face à ces obstacles, des initiatives ont été lancées pour développer cette industrie. Le lancement du festival Podfest en est une. « L’idée du festival émane de mes propres expériences de podcasting et de celles de la cofondatrice du festival à cause de l’absence quasi totale des voix africaines dans l’espace mondial des podcasts », explique Josephine Karianjahi. Selon elle, il s’agit de mettre en valeur la riche diversité de la culture africaine encore mal connue du grand public. « Notre festival nous permet de rassembler des communautés de podcasts où nous nous fréquentons régulièrement pour parler et s’écouter les uns les autres », souligne-t-elle. Avant d’ajouter que « motivés par une grande passion, Africa Podfest et Podfest Le Caire ont co-organisé le premier Roll Call des podcasteurs africains le 30 septembre de l’année dernière. Notre série Africa Podfest Live nous a menés de Johannesburg au Caire afin de permettre aux podcasteurs de partager des points de vue spécifiques à leur pays sur les complexités du podcasting en Afrique ». Avant de conclure que « le fait de se réunir nous montre qu’une grande partie de la réussite passe par la création de podcasts riches et variés ».

 Quelques chiffres

o Plus de 3 millions de podcasts ont été produits en 2023 dans le monde, soit près de 180 millions d’épisodes.

o La taille du marché de podcast dans le monde était de 27,7 milliards de dollars en 2023 et atteindra 105 milliards de dollars en 2028, soit une augmentation annuelle de 32,2 %.

o Les revenus publicitaires attendus des podcasts sont de 4 milliards de dollars en 2024 et s’élèveront à 5 milliards de dollars en 2027.

o La demande sur les podcasts diffusés en langues autres que l’anglais est passée de 23 % en 2018 à 40 % en 2023.

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