Face à la pénurie de financements, l’Organisation des producteurs de pétrole africains (APPO) a récemment annoncé, lors d’une rencontre au Caire, la charte de la Banque africaine de l’énergie (BAE). En effet, le financement a toujours été considéré comme un défi majeur pour le développement des secteurs du pétrole et du gaz naturel en Afrique. Il constitue également un obstacle majeur à l’expansion requise dans les projets d’énergies propres. Le manque de financement a conduit environ 600 millions d’habitants du continent à vivre sans électricité, tandis que 900 millions d’individus utilisent encore des méthodes de cuisson primitives. Ce contexte soulève les questions suivantes : Quelle est l’importance de l’Afrique en termes de potentiel énergétique ? Et quels sont les objectifs de la BAE ?
La charte de la BAE vise à établir les bases d’une banque régionale indépendante dans le but de développer les ressources énergétiques africaines, d’aider les Etats du continent à combler le fossé croissant de financement dans l’industrie du pétrole et du gaz et de soutenir les investissements dans toutes les sources d’énergie africaines, y compris les énergies renouvelables. En effet, le continent déploie d’énormes efforts pour assurer sa sécurité énergétique face à l’incapacité d’une large partie de sa population à en bénéficier.
Deux personnes sur trois ne peuvent pas accéder à l’électricité dans les pays subsahariens. Avec une démographie galopante, la demande énergétique devrait se multiplier. Alors que le nombre de personnes sans électricité a diminué à environ 770 millions à l’échelle mondiale en 2020, 75 % de ces personnes vivent dans les pays africains au sud du Sahara, ce qui signifie que l’Afrique abrite environ les trois quarts de la population mondiale privée d’électricité. Ce chiffre a augmenté au cours des dernières années, accentuant les risques d’impacts négatifs sur les perspectives économiques du continent africain.
Un potentiel énergétique énorme
Historiquement, l’Afrique a toujours été et continue d’être au coeur de compétitions entre les puissances mondiales, en raison de son statut de réserve stratégique d’énergie, de ressources naturelles et de matières premières essentielles pour les énergies stratégiques, notamment l’énergie nucléaire. L’Afrique jouit de ressources considérables en énergies renouvelables. En plus, elle est en position de dépendre des technologies de pointe durables et de jouer un rôle pionnier sur la scène mondiale pour façonner un avenir meilleur en matière d’énergie durable.
Le continent africain possède d’énormes réserves de pétrole et de gaz naturel. Il détient plus de 124 milliards de barils de réserves de pétrole brut, soit 12 % du total mondial. En outre, il existe plus de 100 milliards de barils de réserves de pétrole brut à découvrir le long des côtes de l’Afrique. Cette richesse pétrolière est concentrée au Nigeria, en Algérie, en Egypte, en Angola, en Libye, au Soudan, en Guinée équatoriale, au Congo, au Gabon et en Afrique du Sud.
Quant à la production de gaz naturel en Afrique, elle représente environ 7 % de la production mondiale. En plus, l’Afrique détient environ 500 000 milliards de m3 de réserves mondiales de gaz, soit environ 10 % du total mondial.
Les avantages du pétrole et du gaz africains résident dans la relative facilité d’extraction et de vente, due à la situation stratégique du continent au carrefour de tous les continents du monde, ainsi qu’aux importantes quantités de pétrole concentrées dans les eaux territoriales côtières ou centrales de ses pays et à la vaste étendue du Sahara.
Il est possible que les taux de découverte de gaz et de pétrole augmentent dans les années à venir, mais cela ne signifie pas que l’Afrique est en passe de devenir le Moyen-Orient. Il est plutôt envisageable qu’elle surpasse les pays exportateurs de pétrole actuels, si toutes les ressources disponibles sur le continent sont exploitées avec une grande efficacité.
Bien que les réserves prouvées en Afrique soient relativement modestes en comparaison avec celles du Moyen-Orient, il existe néanmoins des régions encore non explorées renfermant de grandes quantités de pétrole et de gaz naturel. Cela fait de l’Afrique un dernier recours encore méconnu, d’autant plus que les capacités de production excédentaires de nombreux pays du continent n’ont pas encore atteint leur maximum.
En outre, le continent possède d’importantes réserves d’uranium et produit près de 20 % de la production mondiale, principalement au Niger, en Namibie et en Afrique du Sud, qui détiennent jusqu’à un tiers des réserves mondiales de ce minerai stratégique.
Les objectifs de la BAE
Il était impératif de trouver un mécanisme approprié pour exploiter les ressources énergétiques du continent. C’est ainsi que la Banque africaine de l’énergie a été officiellement lancée en mai 2022, juste après la 26e Conférence des Parties, tenue en octobre 2021, suite à la décision des institutions et des pays occidentaux d’arrêter progressivement leur financement des combustibles fossiles en Afrique. La BAE a été ainsi lancée pour faire face à la crise de financement imminente à laquelle est confrontée l’industrie africaine du pétrole et du gaz naturel en raison de la transition énergétique mondiale. En effet, les financeurs traditionnels sur lesquels le continent s’est appuyé pendant des décennies retirent leur soutien, invoquant les préoccupations liées au changement climatique.
L’accord de création et la charte de la BAE, dotée d’un capital initial de près de 5 milliards de dollars, marquent une étape importante dans la gestion et le financement de l’exploitation des ressources énergétiques du continent, notamment le pétrole, le gaz naturel et les énergies renouvelables. Les pays africains membres de la banque doivent contribuer au financement à hauteur d’au moins 83 millions de dollars, sur un total de près de 1,5 milliard de dollars, tandis qu’Afreximbank et l’APPO doivent verser le même montant. En outre, 2 milliards de dollars devraient être apportés par d’autres investisseurs, y compris des fonds souverains du Moyen-Orient.
Ainsi, la BAE revêt une importance particulière en tant que banque régionale indépendante visant à développer les ressources énergétiques africaines. Elle oeuvrera à soutenir les investissements dans les secteurs énergétiques, y compris les énergies renouvelables et propres, marquant ainsi une transition vers des sources d’énergie durables. Cela offrira aux pays africains l’occasion de combler le déficit de financement croissant de l’industrie du pétrole et du gaz naturel, assurant ainsi leur sécurité énergétique et évitant l’aggravation de l’écart actuel entre les niveaux de production et les taux de consommation.
*Spécialiste de l’énergie et membre du comité de l’énergie au syndicat des Ingénieurs
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