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Cap sur l’éducation

Amira Samir , Vendredi, 15 mars 2024

2024 a été proclamée « année de l’éducation » par l’Union africaine. Une décision cruciale alors que l’amélioration des systèmes éducatifs est un enjeu majeur du développement du continent.

Cap sur l’éducation

« Eduquer un Africain adapté au XXIe siècle, construire des systèmes éducatifs résilients pour un accès accru à un apprentissage inclusif tout au long de la vie, de qualité et pertinent en Afrique ». Tel était le thème du 37e sommet de l’Union Africaine (UA) tenu le mois dernier à Addis-Abeba. Loin des questions politiques classiques, l’UA fait de l’éducation une affaire cruciale pour le développement du continent africain et veut mobiliser les ressources nécessaires à cet effet. Une stratégie appréciée. « Cette décision de l’UA envoie un signal très fort en faveur de l’investissement dans l’éducation en tant que moteur du développement durable du continent et pour la prise en compte des besoins des jeunes générations », a déclaré Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco.

Selon des observateurs, le fait de décréter 2024 « année de l’éducation » par l’UA représente une occasion unique de placer l’éducation au coeur des priorités politiques du continent. En fait, l’analphabétisme est un défi majeur pour l’Afrique qui affiche le taux d’analphabétisme le plus élevé dans le monde. Parmi les facteurs qui aggravent ce phénomène figure le fait que 40 % des enfants en Afrique ne reçoivent pas d’enseignement primaire ou quittent l’école prématurément avant la fin de l’école primaire. Sur les 773 millions d’adultes dépourvus de compétences de base en lecture, écriture et calcul de par le monde, 27 % vivent en Afrique subsaharienne et 9 % en Afrique du Nord.

Selon le dernier Rapport mondial de suivi sur l’éducation 2023 de l’Unesco, le taux d’alphabétisation des jeunes en Afrique subsaharienne est passé de 66 % à 77,5 % et le taux d’alphabétisation des adultes de 52,6 % à 64,3 %. L’Afrique compte la plus grande population non scolarisée au monde : 98 millions d’enfants en âge d’être scolarisés ne vont pas à l’école. De plus, 9 enfants scolarisés sur 10 ne peuvent pas lire et comprendre un texte simple à l’âge de 10 ans. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, près de 80 % des enfants de moins de 10 ans sont incapables de lire. 30 millions des 57 millions d’enfants non scolarisés dans le monde se trouvent en Afrique subsaharienne, où moins de 20 % des budgets nationaux sont consacrés à l’éducation.

Corrélation entre illettrisme et pauvreté

« Aujourd’hui, l’Afrique est le continent avec la population jeune la plus importante au monde. D’ici la fin du siècle, elle abritera 42 % de la population mondiale en âge de travailler, ce qui représente un potentiel humain immense. C’est pourquoi la transformation des systèmes éducatifs africains est un impératif pour garantir aux générations actuelles et futures l’acquisition des compétences nécessaires pour réussir au XXIe siècle », explique Basma Saad, chercheuse au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Et d’ajouter : « L’éducation est le facteur principal dans la formation de la conscience de l’enfant et sa préparation pour qu’il joue un rôle dans le développement de la société. Beaucoup d’Africains n’envoient pas leurs enfants dans les écoles publiques. Ces enfants sont recrutés alors par des bandits et des terroristes ».

La plupart des observateurs s’accordent sur le fait qu’il n’est pas possible de dissocier l’analphabétisme et la pauvreté, notamment en Afrique subsaharienne, laquelle est, selon un rapport récent de la Banque mondiale, une région très diversifiée, car composée de pays à faible revenu, les pays situés dans les tranches supérieures et inférieures des pays à revenu intermédiaire et les pays à revenu élevé, et 22 d’entre eux souffrent de situations de fragilité ou de conflit. L’Afrique subsaharienne est confrontée à de nombreux défis de développement, car l’escalade des conflits et de la violence jette une ombre sur l’activité économique, alors que les chocs climatiques devraient exacerber la fragilité. En 2023, environ 462 millions de personnes vivaient dans l’extrême pauvreté dans cette région.

Selon le rapport de l’Unesco, les enfants africains sont « perdants » en raison de multiples facteurs interconnectés qui empêchent les enfants d’accéder à une éducation de qualité : la situation géographique, la pauvreté, le genre, le handicap, les crises, les conflits et les déplacements. Selon le rapport dans la plupart des pays africains, les enfants des zones urbaines ont plus d’opportunités que ceux des zones rurales. Alors que les filles sont encore défavorisées par rapport aux garçons dans de nombreux pays. « L’enfant africain est la catégorie la plus faible et la plus vulnérable aux risques résultant des crises économiques, sécuritaires et politiques que traversent les pays du continent africain, surtout dans les pays qui sont fragiles et qui souffrent de la détérioration de la sécurité et de l’absence des soins de santé et d’éducation », rappelle Ahmad Saïd, juriste et expert en droit humain.

D’après l’Unesco, 77 milliards de dollars supplémentaires sont nécessaires chaque année pour que les pays africains atteignent leurs objectifs nationaux en matière d’éducation et fournissent une éducation de qualité pour tous. Malgré ce besoin de financements, l’aide au développement de l’éducation en Afrique subsaharienne a chuté de 23 % au cours de l’année précédente.

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