Cette année, c’était autour de l’Afrique de l’Est de prendre la tête de l’organisation panafricaine. Le 36e Sommet des chefs d’Etat de l’Union Africaine (UA), tenu les 18 et 19 février à Addis-Abeba, a vu le Sénégal remettre le flambeau de l’UA aux îles Comores. « Nous démontrons ainsi que les îles africaines ont toute leur place et leur légitimité au sein du continent », a déclaré le président de l’Union des Comores, Azali Assoumani, qui assumera, pendant un an, la présidence tournante de l’institution panafricaine. C’est la première fois que ce petit Etat insulaire africain, arabe et musulman se voit confier une telle mission au moment où le continent est confronté à de nombreux défis politiques, économiques et sécuritaires. La République ou l’Union des Comores est le pays arabe le plus méridional, puisqu’il est situé au sud de l’Equateur, dans l’océan Indien, au large de la côte sud-est du continent africain. Elle est composée d’un archipel d’îles volcaniques situées à l’est du Mozambique, au nord-ouest du Madagascar, et est bordée par le Zanzibar, la Tanzanie, les îles Maurice et les îles Seychelles. « Les Comores jouissent d’une importance stratégique en raison de leur emplacement au carrefour des routes maritimes entre le sud de l’Asie et l’Afrique du Sud. Malgré cet emplacement stratégique, le canal où se trouvent les Comores, qui génère des milliards de dollars par an à cause des grands navires qui le traversent, est géré par le Mozambique. C’est probablement parce que les îles Comores sont petites et inconnues », souligne Aziza Badr, professeure de géographie et de planification urbaine à la faculté des études africaines de l’Université du Caire. Le nom « Comores » est dérivé du mot arabe Al-Qamar (lune). Couvrant une superficie totale de 2034 km2, les Comores sont composées de 4 grandes îles : Ngazidja (ou Grande Comore), Anjouan, Mwali et Mayotte, en plus de 18 petites îles volcaniques. C’est le troisième plus petit pays africain en termes de superficie. Sa capitale, Moroni, est la plus grande ville de l’île de Ngazidja, la plus grande de l’Union des Comores. Les îles sont politiquement divisées entre l’Union des Comores, un pays souverain, et Mayotte, un département français d’outre-mer (la présence française est jugée illégale par l’UA). Pendant de nombreux siècles l’archipel des Comores a été le théâtre du commerce des esclaves. Les îles se sont rendues officiellement sous possession coloniale française entre 1841 et 1912. Elles faisaient partie du Madagascar et n’ont obtenu l’autonomie qu’en 1961. La paix a été de courte durée, car les îles ont connu de nombreux coups d’Etat de la fin des années 1970 jusqu’aux incidents de 1999, qui ont renversé le gouvernement. Aujourd’hui, la nation jouit de la paix, bien que les troubles politiques et économiques persistent.
Une culture méli-mélo
La population comorienne, selon les dernières statistiques officielles des Nations-Unies pour l’année 2022, est formée de 862 359 habitants. C’est le sixième plus petit pays d’Afrique en termes de population, bien que possédant une densité démographique parmi les plus élevées. La culture comorienne est particulièrement riche. « Les Comoriens accordent de l’importance aux liens familiaux. C’est un ensemble culturel et social uni. La culture locale est un méli-mélo d’influences arabes, françaises et africaines. La diversité est claire dans le multilinguisme. On trouve notamment l’arabe, le français, le comorien et le swahili », explique Aziza Badr. Les célébrations religieuses et coutumières aux Comores sont largement observées. Celles-ci comportent souvent de la danse et la recréation de textes littéraires populaires, notamment des épopées, des contes et des proverbes. La musique est l’art le plus populaire. La diversité des influences musicales est le fruit des flux migratoires venus d’Afrique, d’Arabie, de Mésopotamie, du Yémen, d’Inde, du Madagascar et d’Europe. Le debaa (danse traditionnelle) est imprégné de spiritualité soufie et est notamment exécuté lors des mariages et des retours du pèlerinage. Tari est une autre danse chantée à l’occasion des festivités d’un grand mariage. Celles-ci durent parfois deux semaines. Le terme d’origine arabe Twarab ou Taarab est un concours de chant apparu dans les années 1960. Les artisans comoriens sont qualifiés dans la sculpture, la poterie, la broderie et la vannerie. La confection de boubous comoriens (ndlr: robes classiques) est ancrée dans les traditions vestimentaires du pays.
Plan Comores émergent 2030
Les îles Comores se sont engagées à renforcer la stratégie de développement durable sur le continent durant leur présidence de l’UA. Sur le plan national, la République comorienne possède un plan ambitieux de développement, nommé le Plan Comores Emergent 2030 (PCE). Celui-ci vise à mobiliser tous les secteurs afin d’assurer l’émergence du pays : l’Etat, le secteur privé, les corps intermédiaires, la société civile et les partenaires au développement. Le PCE est un vaste programme censé transformer économiquement le pays, classé parmi les plus pauvres du monde. La mise en oeuvre de ce plan doit augmenter la croissance à 8% d’ici à 2030. Les enjeux sont de taille pour les Comores qui souffrent du manque d’infrastructures, de l’accès limité à l’électricité et à Internet et de la forte vulnérabilité aux catastrophes climatiques. Le secteur agroalimentaire est le principal pilier du PCE. Il représente l’essentiel de la production du pays, avec 49% du PIB et 80% des emplois. Les Comores sont connues pour la culture de la vanille, l’ylang-ylang prisé par les parfumeurs pour son huile essentielle et le clou de girofle. Le tourisme est un autre pilier que le gouvernement comorien souhaite accélérer. Les attractions naturelles sont nombreuses dans le pays, ce qui fait des Comores une destination très prisée. Les îles Comores possèdent de grandes plages adaptées au développement, des fonds marins riches, ainsi que de magnifiques paysages. La plus célèbre des attractions touristiques de l’archipel est le volcan Karthala, dont le cratère est le plus grand au monde. Le volcan est encore actif. Le lac salé de Bangoi-kouni est également une destination très prisée.
L’économie bleue est un secteur important de l’économie comorienne. Elle représente plus de 10% du PIB et offre de vastes possibilités d’investissement. Les grandes ressources hydriques et piscicoles des Comores font de la pêche et de la transformation des produits de la pêche un secteur dont le potentiel de développement dépasse largement le niveau actuel d’exploitation. « Le développement de ce secteur industriel est très important pour cet Etat insulaire. En fait, à la lumière du Plan Comores émergent 2030, les ports comoriens sont en cours de développement pour accueillir des navires de plus grande taille, faciliter le transport entre les îles et introduire la pêche semi-industrielle », conclut Aziza Badr.
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