Sur les 54 pays africains, 38 sont côtiers et insulaires. Avec plus de 13 millions de km² d’eaux territoriales, les océans, les mers, les rivières et les lacs du continent jouent un rôle essentiel dans son économie bleue. Selon la définition de la Banque mondiale, « l’économie bleue » est l’utilisation durable des ressources océaniques en faveur de la croissance économique, l’amélioration des revenus et des emplois, ainsi que la santé des écosystèmes océaniques. Les secteurs-clés de l’économie bleue sont : le transport maritime, la pêche, l’aquaculture, le tourisme et l’énergie offshore.
« L’Afrique bleue » est entourée par la mer Méditerranée au nord, l’océan Indien au sud-est, le Canal de Suez et la mer Rouge au nord-est et l’océan Atlantique à l’ouest. Le continent abrite également les deuxième et troisième fleuves les plus longs du monde : le Nil et le Congo. Alors que les Grands Lacs africains constituent 27 % de l’eau douce de la surface du monde. Ce réseau de voies maritimes est très important pour le développement de l’Afrique. Pour l’Union Africaine (UA), l’économie bleue est un « nouvel horizon de renaissance en Afrique ». Dans l’Agenda 2063 pour le développement durable, qui fixe les orientations stratégiques pour les années à venir, ainsi que la Stratégie Maritime Intégrée de l’Afrique (SMIA) à l’horizon 2050 de l’UA, l’économie bleue fait partie des « objectifs et domaines prioritaires ». De même, les Nations-Unies avaient annoncé la décennie 2021-2030 pour les sciences océaniques au service du développement durable.
« L’exploitation des activités liées à la mer est un secteur stratégique pour l’Afrique et peut devenir un important levier de développement dans les années à venir. Environ 12 millions d’Africains dépendent des mers pour se nourrir et travailler dans des activités exploitant les ressources et les milieux aquatiques, que ce soit la pêche, l’exploitation côtière minière et pétrolière, le transport maritime, l’aquaculture, le tourisme côtier, les sports nautiques, le marketing, la construction de bateaux et d’équipements, etc. Les plans d’eau ne fournissent pas seulement de la nourriture et des emplois, ils soutiennent également la croissance économique, régulent le climat et contribuent au bien-être des communautés côtières », explique Ahmed Sultan, spécialiste des affaires pétrolières et énergétiques, en soulignant qu’il est urgent de « développer, gérer et protéger durablement les ressources naturelles maritimes ».
Ports, transport et énergie
Le transport maritime est un secteur vital pour le commerce africain, puisque plus de 90 % du commerce mondial s’effectue par mer à partir de plus de 100 installations portuaires. Les ports et chantiers navals en Afrique gèrent 6 % du trafic mondial de cargos, près de 3 % du trafic mondial en conteneurs et offrent des millions d’emplois aux Africains.
Les énergies marines renouvelables occupent une place prépondérante dans l’économie bleue africaine. Le gaz naturel qui se trouve en dessous de mer est actuellement produit dans 18 pays africains. Bon nombre des nouvelles découvertes se trouvent au large des côtes africaines.
En Afrique du Nord, qui produit plus de 70 % du gaz africain, l’Algérie, la Tunisie et l’Egypte notamment ont des économies relativement plus développées où le gaz fournit près de la moitié de l’énergie primaire totale. « Les énergies renouvelables d’origine océanique peuvent répondre aux réductions annuelles d’environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre nécessaires d’ici 2050. C’est un secteur en forte croissance en Afrique. La technologie éolienne flottante est considérée comme la plus adaptée à la Méditerranée en raison de son potentiel de déploiement en eaux profondes. Cette technologie permet l’exploitation des espaces marins. C’est pourquoi il est nécessaire de renforcer la coopération régionale », explique Sally Farid, professeure d’économie et cheffe du département de politique et d’économie à la faculté des études supérieures africaines de l’Université du Caire.
Recherche et innovation
Les poissons contribuent de façon vitale à la sécurité alimentaire de plus de 200 millions d’Africains et génèrent une part importante de revenus. Dans les pays à faible revenu, les poissons contribuent à environ 20 % de protéines animales, alors que ce pourcentage atteint 50 % dans les pays insulaires ou côtiers densément peuplés comme l’Egypte, le Ghana, la Guinée et le Sénégal. L’enjeu est de taille, puisque la population de l’Afrique devra doubler d’ici 2050, passant de 1,2 à 2,5 milliards.
L’innovation et la recherche dans le domaine de la valorisation des ressources marines ont introduit de multiples initiatives à travers le continent. Le Bénin a développé un modèle d’économie bleue qui combine production d’énergie, production végétale et aquaculture, où le gaz méthane est extrait des eaux usées pour fournir de l’énergie à usage domestique. Le Cameroun offre un autre exemple en mettant en place une unité pilote de production et de transformation de la spiruline pour la fabrication de savons, yaourts et autres boissons. Et le Kenya cherche à transformer le poisson en un biscuit riche en protéines.
Quant au secteur du tourisme côtier et marin, qui représente 30 % des flux touristiques mondiaux, il offre des opportunités économiques pour le continent, riche en grandes plages. Le tourisme côtier constitue la forme de tourisme la plus répandue en Afrique. La région de l’Afrique de l’Est, donnant sur l’océan Indien, offre divers produits touristiques, notamment des destinations de loisirs traditionnelles (île Maurice et les Seychelles), l’observation de baleines et de dauphins (Zanzibar et Mozambique) et la plongée (Kenya). La région de l’Afrique du Nord, donnant sur la Méditerranée, abrite la plus grande des régions semi-fermées de partage de liens environnementaux, climatiques, historiques et culturels, avec plus de 46 000 km de côtes, selon l’Organisation mondiale du tourisme.
Défis et solutions
L’exploitation de l’éconvvomie bleue repose sur une protection adéquate des ressources maritimes et nécessite des investissements dans la sécurité maritime pour prévenir le pillage de ces ressources. Certains pays, comme l’Egypte, les Seychelles, le Maroc et la Tunisie ont déjà franchi un pas en intégrant l’économie bleue dans leurs plans de développement et en encourageant les emplois liés à l’eau.
L’Egypte est dotée d’environ 4 000 km de plages sur la mer Rouge, la Méditerranée, le Canal de Suez, le Nil et un certain nombre de lacs. Ces diversités aquatiques permettent la mise en place de plus d’activités économiques liées à l’économie bleue et offrent au pays de grandes opportunités de croissance. « L’Egypte place actuellement l’économie bleue au coeur de ses objectifs de développement durable. Ce qui est évident à travers les projets en cours dans les différents secteurs de la croissance bleue », explique Sultan. Et d’ajouter : « L’Egypte vise à devenir un centre mondial de commerce et de logistique en augmentant le nombre de ports qui seraient transformés en zones logistiques pour effectuer le chargement, le déchargement, l’emballage, la réexportation, la fabrication, l’entretien et le financement des navires et des industries maritimes lourdes et légères, ainsi que la liaison entre ports maritimes, ports secs et centres logistiques ».
Pour les pays de la mer Rouge, l’une des opportunités économiques les plus importantes est la création d’un groupement économique arabo-africain qui inclut les pays de la région et prend l’économie bleue comme point de départ. Et ce, à travers « la mise en place de projets complémentaires conjoints entre les pays arabes et africains bordant la mer Rouge, avec la nécessité d’établir et de renforcer des infrastructures et des projets économiques qui profitent à tous les pays de la région », estime Sally Farid. En outre, selon la spécialiste, pour exploiter pleinement l’économie bleue, les pays devraient faire face aux impacts du changement climatique. La pollution plastique est un problème transfrontalier, nécessitant une coordination mondiale et de multiples approches à long terme pour développer des solutions communes. La mer Rouge et la Méditerranée sont gravement touchées par les déchets marins de différentes tailles trouvés le long des côtes, qui flottent à la surface et sous les eaux jusqu’au fond de la mer.
La surexploitation de certaines zones de pêche est également une source de grave préoccupation. L’Afrique de l’Ouest, l’une des plus grandes régions riches en poissons, est considérée comme la plus touchée par ce phénomène. La pêche illégale provoque « un pillage industriel de l’économie bleue » et met en danger la sécurité alimentaire sur le continent. La levée de tous ces obstacles nécessite des efforts concertés des pays de la région.
Enfin, l’économie bleue est encore peu exploitée pour certains pays africains. Plus de 80 % des plans d’eau africains ne sont toujours pas cartographiés.
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