Les ministres africains des Finances, de l’Economie, du Développement et de l’Environnement se réuniront en Egypte du 7 au 9 septembre 2022 afin d’élaborer l’agenda africain unifié qui sera soumis à la communauté internationale en novembre lors de la COP27 à Charm Al-Cheikh. Cette réunion intervient dans un contexte continental et international qui lui confère une importance égale à celle des sommets de l’Union africaine. Car, il ne s’agit pas seulement d’évoquer les vagues de chaleur qui frappent le monde, notamment les villes européennes qui enregistrent des températures record, mais aussi de parler de l’économie mondiale qui semble plus chaude que les villes européennes, en raison des taux d’inflation élevés enregistrés par les économies des pays développés. Un fait qui exerce une pression supplémentaire sur les pays en développement, en particulier les pays africains en raison de la fuite de leurs réserves en dollars. Certains de ces pays pourraient se retrouver incapables de respecter les échéances de leurs dettes si la conjoncture persiste. Le financement climatique est un outil conçu pour la première fois par la Convention des Nations-Unies sur le climat en 1992 afin que les pays développés fournissent des « ressources financières nouvelles et supplémentaires » aux pays en développement pour les aider à passer à l’économie verte, à atténuer l’impact des changements climatiques et à améliorer l’adaptation. Le Sommet du climat de Paris en 2015 a doté ces financements de mécanismes plus effectifs afin de renforcer les capacités des pays en développement.
Déficit
Le financement climatique a acquis une attention particulière en tant qu’outil susceptible de réduire les températures record enregistrées dans le monde en fournissant des fonds aux pays en développement pour les aider à adopter les technologies de l’économie verte, en particulier dans le domaine de l’énergie. L’objectif est d’encourager les pays les plus polluants d’Asie et d’Amérique à adopter ces technologies afin de réduire les émissions thermiques, et par conséquent, les températures. Par ailleurs, ces financements étaient censés protéger les pays en développement des crises économiques comme la crise actuelle. Ces financements devaient garantir la continuité des flux monétaires afin d’inciter les pays en développement à investir dans la production de l’énergie renouvelable, à augmenter leurs réserves monétaires et à créer des emplois durables directs ou indirects pour leurs populations. Un fait qui aurait dû assurer une position entièrement différente aux pays en développement, en particulier africains, face à la crise mondiale actuelle.
Cependant, le financement n’a jamais été efficace bien qu’il soit passé de 364 milliards de dollars en 2011-2012 à 632 milliards de dollars en 2019-2020, soit le double. Malgré leur importance, ces montants n’ont jamais été à la hauteur des sommes fixées lors du Sommet de Paris, qui devaient atteindre environ 3,5 milliards de dollars, soit 5 fois le montant versé en 2019-2020.
Répartition inégale
La baisse des sommes promises a réduit bien entendu l’efficacité de ces financements. Mais leur mauvaise répartition a créé un autre déséquilibre. Sur les 632 milliards de dollars versés aux pays en développement, 36 milliards seulement sont des dons alors que le reste du financement est constitué de prêts. 47 milliards sont des prêts à intérêt réduit et le reste des prêts moyennant des taux d’intérêt selon les normes du marché. Les objectifs de ce financement apportent encore plus d’inefficacité à ces fonds. En effet, 46 milliards de dollars sont alloués à l’accommodation qui élimine les effets du passé, tandis que 571 milliards sont orientés vers l’allégement des conséquences des changements climatiques et donc consacrés à l’avenir. Cela signifie que toute la pollution que les pays développés ont produite en raison de leurs activités industrielles (activités qui leur ont permis de développer et de moderniser leurs économies) doit être oubliée.
Ce qui est vraiment surprenant, c’est la distribution des financements versés par les pays développés qui polluent le plus mais qui sont les moins exposés aux changements climatiques. Les pays développés ont ignoré les régions les plus touchées par la pollution, adressant au Sud-Est de l’Asie environ 292 milliards de dollars, à l’Europe occidentale 105 milliards, au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord 16 milliards et à l’Afrique subsaharienne 20 milliards seulement. La distribution du financement est donc inefficace.
Vision africaine unifiée
Cette situation nous ramène à la réunion des ministres africains, qui doit discuter de la conjoncture actuelle et proposer un ordre du jour unifié qui appelle les pays développés à assumer leurs responsabilités à trois niveaux. Le premier est l’augmentation du financement climatique pour atteindre au moins le double de son montant en 2019-2020, soit au moins 1,2 milliard de dollars. Le deuxième est l’augmentation de la part des dons pour atteindre 20 à 30% du financement au lieu de 5 % en 2019-2020. Le troisième est la redistribution des financements pour que la part de l’Afrique atteigne 20%, soit 240 milliards de dollars en 2022 au lieu de 20 milliards en 2019-2020.
Le défi est bien connu, mais ce qui manque à la communauté internationale, c’est la volonté politique d’imposer une solution et de relever le défi à la fin du prochain sommet sur le climat à Charm Al-Cheikh. Mais le défi commence au Caire avec la réunion des ministres africains dont les pays détiennent un énorme potentiel énergétique, soit 34% de l’ensemble des sources d’énergie renouvelable au monde.
*Professeur d’économie politique à la National Training Academy (NTA)
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