Le changement climatique est le défi le plus sérieux pour le développement de l’Afrique, où 30 millions de personnes ont basculé dans l’extrême pauvreté en 2021. Bien que le continent émette les plus faibles niveaux de gaz à effet de serre (4 % des émissions de gaz), il est la région la plus durement touchée par le changement climatique. Saisir les opportunités générées par la croissance verte pour faire face aux risques des changements climatiques est une priorité croissante pour les pays africains. Mais l’Afrique est-elle vraiment prête pour la croissance verte? C’est à cette question que le rapport coécrit par la Banque Africaine de Développement (BAD) et l’Institut mondial pour la croissance verte (GGGI) tente de trouver des réponses. Publié récemment sous le titre Evaluation de la préparation à la croissance verte en Afrique, le rapport, lancé le 11 mai, a défini la croissance verte comme étant « la stratégie visant à promouvoir et maximiser les opportunités de développement économique durable en renforçant la résilience et en gérant efficacement les ressources ». Si le continent utilise sa grande capacité de production d’énergie renouvelable et ses riches ressources naturelles de manière responsable et stratégique, il pourra catalyser la croissance économique et apporter une contribution substantielle à la transition mondiale vers le zéro net, note le rapport. Le zéro net fait référence à un état dans lequel les gaz à effet de serre entrant dans l’atmosphère sont équilibrés par élimination hors de l’atmosphère. C’est l’état dans lequel le réchauffement climatique s’arrête.
« La croissance verte, une approche nécessaire pour lutter contre les changements climatiques, est l’alternative viable du modèle de développement actuel pour aller vers un modèle de développement plus durable qui se caractérise par un faible taux d’émission de carbone, l’utilisation rationnelles des ressources et l’inclusion sociale », explique Samar Al-Bagouri, professeure adjoint au département d’économie à la faculté des études supérieures africaines de l’Université du Caire.
Expériences africaines
Le rapport présente les tendances de la croissance verte en Afrique. Il analyse les politiques climatiques pour une croissance verte adoptées par sept pays africains représentant les cinq régions du continent : Maroc et Tunisie pour l’Afrique du nord, Kenya et Rwanda pour l’Afrique de l’est, Sénégal pour l’Afrique de l’ouest, Gabon pour l’Afrique centrale et Mozambique pour l’Afrique australe. Les résultats de cette étude sont basés sur neuf dimensions stratégiques et opérationnelles, dont l’engagement politique, la planification, ainsi que le financement et la budgétisation.
Les pays d’Afrique du nord par exemple ont fait le plus de progrès vers la réalisation des objectifs de la croissance verte, tandis que les pays d’Afrique centrale ont besoin du plus grand soutien. « Certains pays africains tentent de limiter les effets du changement climatique, alors que d’autres s’efforcent pour s’adapter à ses effets », explique Samar Al-Bagouri.
Le rapport revient ainsi sur un large éventail d’opportunités qui aideront les dirigeants africains à jouer un rôle essentiel pour soutenir les modèles de croissance verte. « Investir dans la croissance verte nécessite à la fois des interventions politiques et un financement adéquat, d’autant plus que les investissements dans la croissance verte exigent un financement initial important pour exploiter les solutions environnementales innovantes et les technologies propres. Il s’agit notamment de construire des économies résilientes et à faible émission de carbone, des villes intelligentes et durables, de rendre l’industrialisation plus verte et de construire des infrastructures résistantes au climat », explique Al-Hamndou Dorsouma, directeur par intérim chargé du changement climatique et de la croissance verte à la BAD.
Autre dimension: « Les pays africains ont besoin de la croissance verte pour lutter contre les inégalités liées à l’éducation et à la santé qui entravent le développement socio-économique du continent et sont susceptibles d’aggraver les effets négatifs du changement climatique », indique le rapport.
La croissance verte a le potentiel de remédier à ces inégalités grâce à la création d’emplois décents, à une meilleure fourniture de services de base, à l’amélioration de la qualité de l’air et au renforcement de la résilience climatique, ajoute le rapport.
Au terme du rapport, les auteurs ont proposé un ensemble de recommandations pour accélérer la transition vers une croissance verte en Afrique. Ces recommandations sont adressées surtout aux gouvernements, ainsi qu’aux agences d’assistance technique et de financement soutenant la croissance verte et l’action climatique.
Le rapport a recommandé également un soutien international accru pour attirer les financements climatiques pour la mise en oeuvre de projets. En fait, cette voie est encore confrontée à un certain nombre de défis, dont le financement est le plus important. Ainsi, d’importants investissements sont nécessaires dans divers secteurs économiques.
Selon un rapport de la Banque mondiale, les besoins financiers pour la transition vers l’énergie verte en Afrique sont estimés à plus de 40 milliards de dollars par an, soit plus de 6,3 % du produit intérieur brut de l’Afrique. « La solution réside dans la restructuration du budget, l’attraction des investissements locaux et étrangers dans les secteurs économiques respectueux de l’environnement et le renforcement du partenariat entre les secteurs public et privé », conclut Samar Al-Bagouri.
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