Dimanche, 15 septembre 2024
Al-Ahram Hebdo > Panorama africain >

Eau : Le défi de la complémentarité

Mohamed Shadi, chercheur économique, Mardi, 26 octobre 2021

L’accès à l’eau est un enjeu majeur pour le développement en Afrique. Si les pays du centre du continent sont riches en eau, ceux du nord et du sud souffrent de pénurie. La complémentarité est le mot d’ordre pour mettre fin à cette disparité.

Eau : Le défi de la complémentarité

L'Afrique est le continent qui souffre le plus de la pénurie d’eau, notamment au nord et au sud. Environ 23 millions de personnes au sud du continent souffrent de la pénurie d’eau avec moins de 500 m3 par an par habitant. Et ils sont 90 millions au nord et à l’ouest du continent à souffrir de la pénurie. En 2030, ce chiffre sera de 180 millions si le plan de freiner le réchauffement planétaire n’aboutit pas. Les répercussions de la pénurie d’eau vont au-delà de la simple soif, causant de multiples problèmes socioéconomiques. En Sierra Leone, 34 % seulement des habitants ont accès à l’eau potable. Ce qui oblige un grand nombre de femmes à parcourir chaque jour 7 km pour chercher l’eau potable, ce qui les expose au viol.

De plus, environ 4 000 enfants meurent chaque jour à cause du manque d’eau potable alors que 43 % des enfants boivent de l’eau polluée, causant la mort d’un enfant sur 5 avant l’âge de 5 ans. Au Zimbabwe, la pénurie d’eau a atteint son apogée durant la pandémie. L’administration locale n’a pas été en mesure de fournir le budget nécessaire aux stations de traitement des eaux souterraines, surtout la station Jaffray Morton qui fournit l’eau potable à la capitale Harare.

Eau : Le défi de la complémentarité

Celle-ci a besoin de 2,7 millions de dollars mensuellement pour acheter les substances chimiques nécessaires au traitement d’eau. Le secteur agricole africain est l’un des premiers touchés par les changements climatiques. 90 % des habitants des régions rurales en Afrique au Sud et du Sahara dépendent de l’agriculture comme source principale de revenu, alors que 95 % de l’agriculture dans cette région est pluviale. La hausse des températures et la sécheresse causeront la baisse des récoltes, ce qui aggravera la situation de millions d’habitants d’ici 2030.

Au centre du continent, la situation est différente. Il y a des quantités énormes d’eaux. 10 pays africains dans cette région figurent sur la liste des quarante pays les plus riches en eau au monde. Le Libéria par exemple occupe la 40e place avec 211 millions de m3 d’eau par an. Ceci prouve que l’Afrique ne souffre pas de la rareté, mais d’une mauvaise gestion de l’eau, puisque la part d’eau par personne au Congo démocratique dépasse les 11 000 m3 par an, soit 20 fois plus que la moyenne par individu au nord et au sud du Continent. Cependant, si les pays du centre du continent sont riches en eau, ils souffrent d’un recul du taux de croissance et leur PIB est en régression depuis 2015, ce qui a augmenté la pauvreté dans cette région qui tournait autour de 60 % de la population en 2020.

Coopérer dans la gestion de l’eau

Ces statistiques montrent qu’il y a une possibilité de complémentarité entre les pays du nord et du sud qui possèdent des taux de croissance élevés, mais qui souffrent d’une pénurie d’eau, et les pays du centre du continent qui possèdent l’eau, mais qui souffrent de l’absence de développement. La complémentarité entre les différentes parties du continent est nécessaire en ce qui a trait à la technologie et à la gestion de l’eau afin de mettre en place un développement réel dans les pays du centre et remédier à la pénurie d’eau au nord et au sud.

Le domaine de coopération le plus important est celui de la construction des barrages et de la génération de l’énergie renouvelable. Un exemple concret de cette coopération est le complexe de barrages d’Inga en République démocratique du Congo. Ce complexe devrait produire entre 45 et 50 mégawatts d’électricité. Cependant, malgré la construction du premier et du second barrage, les travaux du troisième barrage traînent depuis les années 1980 faute de financement après le retrait du consortium sinoespagnol début 2020.

Ce retrait a créé une occasion réelle de coopération entre les pays du continent, en particulier l’Egypte et l’Afrique du Sud qui possèdent l’expertise technique nécessaire à la construction du barrage avec un coût inférieur à celui de la coalition sino-espagnole. Ainsi, l’Afrique du Sud profitera de l’électricité bon marché et l’Egypte bénéficiera de l’eau qui était gaspillée dans l’océan Atlantique.

Cette coopération est certes coûteuse. On estime en effet que le continent a besoin de 35 milliards de dollars par an pour assurer ses besoins en eau potable. Elle pourrait cependant propulser le continent vers l’avant, puisque les grands investissements dans le domaine de l’eau doteront l’Afrique d’une infrastructure scientifique et d’une expérience dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique. Un fait dont le continent a besoin pour rejoindre les pays développés. Malgré l’ampleur du défi, le continent nous a appris que dans les circonstances difficiles, ses habitants s’épaulent les uns les autres. Le réseau des routes transafricaines et l’accord sur la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECA) constituent des exemples de complémentarité en matière de gestion de l’eau sur le continent .

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique