« Quand un arbre tombe on l’entend, mais quand une forêt pousse, il n’y a pas un bruit », dit un proverbe africain. Tout en douceur et sans fracas, le continent africain évolue. Il est désormais « le continent de demain » et « la future usine du monde ». Des expressions qui reflètent les mutations profondes que connaît le continent. 30 millions de kilomètres carrés. 1,2 milliard d’habitants. 2 000 langues vivantes. 54 pays. 5 zones climatiques différentes. 5 régions : nord, centre, sud, est et ouest. Et une seule Afrique. « Le continent de demain est une expression vraie à bien des égards », explique Ahmad Amal, chef du département des études africaines au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS). Les jeunes représentent 60 % de la population africaine. Selon l’Onu, en 2070, un jeune sur deux dans le monde sera africain. De la transformation numérique à la mode en passant par la culture et le patrimoine, le continent évolue. « Ce changement ne s’est pas produit du jour au lendemain, mais il est le résultat d’un processus progressif et cumulatif », ajoute Amal, avant de souligner : « Depuis l’indépendance, deux courants opposés dominent les sociétés africaines. Le premier est attaché aux valeurs et au modèle de développement occidental comme seule issue pour sortir le continent de ses maux. Alors que le second courant appelle à ressusciter les cultures, les langues et les valeurs africaines. Aujourd’hui, ce dernier gagne progressivement du terrain en Afrique ».
Connectivité et integration continentales
En dépit des multiples défis auxquels l’Afrique est confrontée : pauvreté, dettes, inégalités, problèmes économiques, changements climatiques et pandémie, l’essor du continent se poursuit. Les « success stories » des économies africaines ayant pu forger leur propre modèle de développement sont nombreuses. Des méga-projets d’infrastructures, de transport et d’énergie poussent partout en Afrique : la Nouvelle Capitale administrative en Egypte, le barrage Grand Inga au Congo, la raffinerie de pétrole de Dangote au Nigeria, le port de Bagamoyo en Tanzanie. Parallèlement, les projets de connectivité et d’intégration continentales visant à relier le continent sur le plan horizontal et vertical avancent à un rythme accru, dessinant une nouvelle carte de l’Afrique. On peut citer à titre d’exemple le « réseau des routes transafricaines », lancé en 2010, qui vise à créer une dizaine d’autoroutes sur une distance totale de 57 300 km, du Caire au Cap et de Dakar à Djibouti. « L’éco » est le nom du projet de monnaie unique lancé par les quinze pays de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui devrait entrer en vigueur en 2025. Le lancement de la Zone de Libre- Echange Continentale Africaine (ZLECA) en janvier 2021 constitue une démarche historique pour renforcer l’intégration continentale. Selon Amal, toutes ces initiatives reflètent « une prise de conscience des pays africains » quant à l’incapacité de chacun des Etats à faire face seul aux défis du développement et l’importance de sortir le continent de sa marginalisation. En fait, les échanges intra-africains ne représentent que 12 % de l’ensemble des échanges sur le continent, un taux très inférieur à l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie qui réalisent respectivement 60 %, 40 % et 30 %. « L’Afrique a une occasion unique de démanteler sa structure économique héritée de l’ère coloniale grâce à un développement industriel à grande échelle, en mettant à profit la ZLECA », a déclaré Wamkele Mene, secrétaire général de la ZLECA.
Identité culturelle : Un soft power à l’africaine
Le concept d’« émergence » ne désigne pas seulement le potentiel économique et celui de développement du continent. « Il y a un grand dynamisme au niveau du paysage culturel africain avec sa grande richesse et diversité : mode, cinéma, musique, art et littérature », explique Mohamad Abdel-Karim, expert des affaires africaines. « Bien que les cultures africaines ne portent pas une seule étiquette, elles connaissent aujourd’hui une réputation internationale accrue. D’ailleurs, il y a une prise de conscience quant à l’importance de ce qu’on appelle l’économie de la culture dans les plans de développement en Afrique », ajoute Abdel-Karim. Selon l’expert, de nombreux pays africains ont réussi à bâtir leur « soft power ». L’industrie cinématographique nigériane ou « Nollywood » produit environ 2 500 films par an. Ce qui la place au deuxième rang après Bollywood en Inde. Elle représente la deuxième source de revenus du Nigeria (5 % du PIB) après l’agriculture. Sur la scène musicale internationale, l’« afrobeat » ou l’« afropop », mélange de musiques traditionnelles nigérianes, gagne en popularité. « The Investec Cape Town Art Fair » est la plus grande foire de l’art contemporain africain. Quant à la mode africaine, le style afro occupe une place de plus en plus importante. Les Fashion Weeks africaines (les semaines de la mode) ne cessent de se multiplier sur le continent. Aujourd’hui, il y a la Fashion Week de Lagos au Nigeria, ou de Johannesburg en Afrique du Sud et de Nairobi au Kenya. Dans ce contexte, la Banque Africaine de Développement (BAD) a lancé la « Fashionomics Africa », une initiative visant à promouvoir l’industrie de la mode et du textile africains. Exporter une nouvelle image du continent. Il ne s’agit pas seulement de la façon dont le monde extérieur voit l’Afrique, mais surtout de la façon dont les Africains eux-mêmes voient l’Afrique.
Lien court: