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Porter le t-shirt de Rabea : un combat risqué

Doaa Badr, Lundi, 04 novembre 2013

Pour être monté sur le podium avec un t-shirt pro-Morsi, l’athlète de kung-fu Mohamad Youssef risque une suspension définitive. L’intéressé fait les frais d’un contexte politique agressif.

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Mohamad Youssef, sur le podium, portant un t-shirt pro-Morsi et levant sa main en signe de Rabea.

Pour la première fois, les Egyptiens s’in­téressent au wushu kung-fu. Mohamad Youssef, l’un des athlètes de la sélection nationale de ce sport peu connu, est devenu célèbre. Mais ce n’est pas sa médaille d’or remportée aux Jeux mondiaux des sports de combat à Saint-Pétersbourg (Russie), mais un t-shirt jaune avec le symbole des pro-Morsi qui l’a fait connaître.

Mohamad Youssef portait, en effet, ce t-shirt lors de la remise des prix. Le symbole d’une main à quatre doigts imprimée sur le t-shirt fait référence au rassemblement de la place de Rabea Al-Adawiya (Rabea signifiant 4e en arabe).

Youssef, médaillé dans la catégorie des moins de 90 kg à l’issue d’un combat contre l’Iranien Arman Baziari, « a été officiellement suspendu jusqu’à la fin de l’enquête », a affirmé Gamal Al-Gazzar, porte-parole de la Fédération égyptienne de wushu et de kung-fu. Ce dernier a évoqué un « comportement inacceptable et une erreur ».

Selon les règlements de la plupart des Fédérations internationales, il est, en effet, interdit de mêler la politique au sport. Pourtant, en Egypte, cette théorie n’était que rarement appliquée, et jamais un tel acte n’avait fait autant de bruit. Face à la situation politique, Mohamad Youssef a subi une vague d’attaques de toutes parts.

Juste après son apparition vêtu du t-shirt jaune des pro-Morsi, les médias égyptiens se sont rués contre l’athlète alors que des rumeurs faisaient état d’une arrestation par la police à l’aéroport du Caire et d’une annula­tion de sa médaille. Elles se sont toutes deux avérées fausses.

« Ce n’est pas un espion et on ne doit pas le traiter d’une telle façon. Je connais bien ce garçon, il a un bon esprit, il était parmi les premiers révolutionnaires du 25 janvier et a reçu une balle à la jambe. Oui, il a commis une faute, mais la sanction doit être propor­tionnelle. Selon le règlement de la Fédération, la sanction maximum est une suspension pour une période limitée », souligne Nabil Al-Nagdi, ancien entraîneur de la sélection nationale et actuel directeur technique du club Al-Zohour. Mais en raison de la médiatisation de l’événement, des sanctions plus dures seraient envisagées.

Après son retour de Russie, Youssef a été interrogé par la Fédération égyptienne et il lui est interdit de contacter les médias jusqu’à la fin de l’enquête. « Le conseiller juridique de la Fédération égyptienne, Mohamad Abdel-Rahmane, a interrogé Youssef en ma pré­sence. Durant l’enquête, l’athlète a déclaré qu’il avait fait cela pour montrer sa sympa­thie avec ses amis morts à Rabea et qu’il n’a jamais imaginé qu’un tel geste pourrait susci­ter tout cet intérêt. Le résultat de l’enquête doit être présenté au conseil d’administration de la Fédération et au président qui décide­ront quoi faire », a précisé le porte-parole de la Fédération, qui ajoute que la sanction pour­rait varier entre un simple avertissement oral et une suspension définitive.

Dans ce dernier cas, il s’agirait d’une sanc­tion exceptionnelle par sa fermeté, surtout que Mohamad Youssef n’a aucun antécédent. Un comportement similaire du footballeur Mohamad Abou-Treika — qui avait porté un t-shirt de sympathie avec Gaza — n’avait donné lieu qu’à un carton jaune et à une amende.

Mohamad Youssef n’est pas le seul respon­sable : le président de la délégation, l’entraî­neur et le président de la Fédération sont impliqués. « Avant de monter sur le podium, les responsables doivent vérifier ce que porte l’athlète, car il s’agit de l’image de l’Egypte », affirme Al-Nagdi.

Champion d’Afrique et deux fois 5e aux Mondiaux, Mohamad Youssef attend sa sanc­tion à Alexandrie. A 28 ans, l’athlète du club Al-Gueich d’Alexandrie risque de voir sa carrière prendre fin : il est le premier à avoir utilisé le symbole de Rabea, et la sanction pourrait être exemplaire pour s’assurer que personne n’osera répéter un tel comporte­ment.

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