Al-Ahram Hebdo : Vous êtes la toute première femme saoudienne à travailler à la Pro League de football de première division, la « Roshn Saudi League » (RSL). Comment cela est-il arrivé ?
Hussah Al-Sheneify : J’ai l’honneur d’être la première Saoudienne dans l’histoire du football de mon pays à travailler à la RSL. Franchement, c’est une source de fierté. Cela est arrivé par pur hasard. Jamais je n’aurais imaginé pouvoir évoluer un jour dans le football. Bien que j’aime ce sport depuis mon enfance comme des milliers de filles saoudiennes, je n’ai pas pu le pratiquer car le football féminin n’existait pas encore dans les clubs saoudiens. J’ai étudié l’architecture et j’ai travaillé comme designer d’intérieur dans une société saoudienne. A la fin de 2021, j’ai appris qu’il y avait une opportunité d’emploi à la Ligue saoudienne de football. J’ai saisi ma chance, j’ai postulé, j’ai été acceptée.
En arrivant à la Ligue, j’ai collaboré avec le bureau exécutif, puis avec le département des opérations. Je travaille maintenant au département des événements sportifs, dans l’organisation des matchs du Championnat professionnel de la première division. Pour moi, c’est fantastique. Je suis toujours présente au stade les jours des matchs pour superviser les différents aspects de la compétition. Après mon arrivée, une autre femme saoudienne — qui s’appelle Noura Al-Qahtani — est venue travailler à la Ligue saoudienne de deuxième division.
— Il y a quelques années, les femmes saoudiennes ne pouvaient pas être présentes dans les stades pendant les matchs de football. Aujourd’hui, vous contribuez à l’organisation. Quelle est la réaction des supporters ?
— Tout se passe bien. Je suis vraiment contente de la réaction des hommes. Ils m’encouragent et essaient de m’aider. En effet, la mentalité en Arabie saoudite a beaucoup évolué dans ce domaine au cours des dernières années. Les hommes souhaitent que je réussisse dans mon travail. Il en va de même pour mes collègues masculins à la Ligue.
— Parlons de la Ligue saoudienne, il est clair que l’Arabie saoudite a fait de grands efforts pour développer son championnat. La Saudi Pro League attire les stars du football mondial …
— Tout à fait. Les clubs saoudiens envisagent d’associer les footballeurs les plus reconnus au monde. Cela n’est pas un hasard, ça fait partie de la Vision 2030 du Royaume. En effet, la Vision 2030 est un grand plan national ambitieux de changement en Arabie saoudite, basé sur l’histoire de notre pays, sa culture authentique, sa situation géographique stratégique, sa force économique et son peuple. Il englobe tous les secteurs et pas seulement le sport. Cette vision vise à réaliser une grande transformation sociale et économique. Le sport, plus particulièrement le football, est le secteur le plus en vue en ce moment dans la Vision 2030.
— L’Arabie saoudite a battu Lionel Messi et ses coéquipiers argentins à la Coupe du monde sur le score de 2 à 1. Pensez-vous que ce soit le fruit d’une bonne préparation ?
— Tout à fait, c’est le fruit d’un travail sérieux. Rien n’est venu par hasard, tout était bien calculé du choix du sélectionneur Hervé Renard au choix des joueurs, en passant par la préparation physique des joueurs et le côté technique et tactique. Cette victoire était très importante pour montrer au monde que le football saoudien a beaucoup évolué. Cela en ce qui concerne l’équipe nationale saoudienne. Quant au Championnat saoudien, il est mieux connu et suivi par le monde entier, surtout après l’arrivée de Cristiano Ronaldo qui évolue depuis janvier dernier sous le maillot du club saoudien Al-Nassr. Son arrivée en Arabie saoudite a placé le Championnat national sous les projecteurs. Le nombre de personnes qui suivent Al-Nassr et le Championnat saoudien sur les réseaux sociaux a doublé à plusieurs reprises. La présence de Ronaldo a incité les familles à aller aux stades pour le voir jouer. La première saison de Cristiano Ronaldo au Championnat saoudien n’a pas déchaîné les passions, elle a annoncé l’arrivée d’autres méga-stars du ballon rond dans le Royaume tels Sadio Mané à Al-Nassr, Jordan Henderson à Al-Ettifaq, Edouard Mendy, Allan Saint-Maximin, Riyad Mahrez et Roberto Firmino à Ahli Jeddah, Malcolm à Al-Hilal et à l’Ittihad, il y a Fabinho, N’Golo Kanté et Karim Benzema, le dernier lauréat du Ballon d’Or. Cela fait du Championnat saoudien l’une des Ligues les plus suivies au monde.

— A côté de ces grandes stars du football, il y a aussi des joueurs égyptiens comme le duo égyptien d’Ittihad Jeddah, le défenseur Ahmad Hégazi et le milieu de terrain Tareq Hamed …
— Les joueurs égyptiens sont parmi les meilleurs en Afrique et au Proche-Orient. Ils sont connus en Arabie saoudite. Tout au long de son histoire, le Championnat saoudien a connu beaucoup de footballeurs égyptiens qui ont évolué sous les couleurs des clubs saoudiens. Les joueurs égyptiens jouissent d’une grande popularité en Arabie saoudite parce que le peuple égyptien est très proche du peuple saoudien, et aussi à cause du grand nombre d’Egyptiens qui travaillent et résident en Arabie saoudite. D’une manière générale, tous les joueurs qui évoluent dans les clubs saoudiens ont une influence sur la Ligue saoudienne, quelles que soient leurs nationalités, saoudienne, égyptienne ou bien autres.
— Quel est votre objectif sur le plan professionnel ?
— Mon objectif est de voir la Coupe du monde de football se jouer en Arabie saoudite. C’est l’objectif de tous les Saoudiens. L’organisation de la Coupe d’Asie de Football, qui aura lieu en Arabie saoudite en 2027, sera un vrai test pour l’Arabie saoudite dans l’organisation des grands événements sportifs.
Pour réussir une bonne organisation de la Coupe du monde, le sport saoudien doit disposer de cadres administratifs qualifiés, car le sport est devenu une industrie, et la science joue un grand rôle dans son évolution. L’Arabie saoudite accorde une grande importance aux études du sport et à la formation des cadres techniques et administratifs saoudiens. Par exemple, la plupart des responsables de la Ligue saoudienne et de la Fédération saoudienne de football ont suivi des cours de formation, afin d’avoir plus de connaissances professionnelles. Moi, par exemple, je viens d’assister en Egypte au Programme international FIFA/CIES de gestion sportive, organisé par l’Université du Caire. Beaucoup d’autres administrateurs dans le sport saoudien ont assisté à ce programme et à d’autres programmes sportifs, afin de se perfectionner. Le sport saoudien est sur la bonne voie et suit la stratégie de la Vision 2030 de notre pays. Nous avons tous les atouts pour organiser la Coupe du monde en Arabie saoudite.
Lien court: