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Chawqi Gharib : Le report des JO a un double effet positif et négatif

Amr Moheb, Lundi, 04 mai 2020

Chawqi Gharib, coach de l’équipe de football olympique égyptienne, exprime ses impressions suite au report des Jeux Olympiques (JO) de Tokyo à 2021 et à l’éventualité d’une annulation pure et simple et évalue les chances de l’équipe égyptienne.

Chawqi Gharib

Al-Ahram Hebdo : Tout d’abord, comment vivez-vous la situation actuelle d’arrêt total des activités sportives à cause du coronavirus ?

Chawqi Gharib: Je le vis comme tous les autres entraîneurs sportifs, à domicile… tout en attendant que la situation s’améliore et qu’on reprenne les entraînements et les matchs. C’est triste de voir toutes les activités sportives à l’arrêt, de voir les clubs fermés et les athlètes enfermés à domicile. Mais c’est le cas du monde entier.

Le président du comité japonais d’organisation des Jeux Olympiques (JO) de Tokyo 2020, qui avaient déjà été reportés à 2021, a annoncé, il y a quelques jours, qu’ils seraient annulés si la pandémie n’était pas maîtrisée d’ici là …

— Personnellement, je ne crois pas que cela va arriver. Les JO de Tokyo étaient prévus du 24 juillet au 9 août 2020, ils ont été reportés d’un an par le Comité olympique international (du 23 juillet au 8 août 2021), c’est-à-dire à plus de 14 mois d’aujourd’hui. Je ne pense pas que la pandémie reste sans remède pour plus de 14 mois. En plus, en 2021 il y aura beaucoup d’autres grandes compétitions mondiales et continentales comme la Coupe d’Europe (Euro) du football par exemple, le Championnat du monde de handball qui aura lieu en Egypte, le Championnat du monde de l’athlétisme en salle en Chine, le Championnat d’Europe de volley-ball pour hommes, le Championnat d’Europe pour femmes, les Championnats du monde de gymnastique artistique et beaucoup d’autres grands rendez-vous sportifs. L’annulation des JO signifie que toutes ces grandes compétitions seront également annulées. Cela signifie qu’il n’y aura plus de compétitions sportives d’ici jusqu’à cette date, ce qui veut dire que le sport sera mort au monde entier et moi je ne crois pas que cela arrive. Le monde est en train de chercher un remède ou un vaccin contre le coronavirus. Espérons qu’on y parviendra. Moi je suis optimiste, je ne pense pas que la crise actuelle liée au Covid-19 va durer et je pense que les JO auront bien lieu en 2021.

— Ce report des JO à 2021, s’ils ont lieu, a-t-il eu un impact négatif ou positif sur les chances de l’équipe olympique égyptienne de football ?

— Reporter les JO à l’année prochaine a eu un impact négatif et un autre positif. Comme vous le savez, l’équipe vient de remporter la Coupe d’Afrique en novembre dernier et elle allait participer 8 mois après aux JO. Durant ces 8 mois, il était prévu de faire deux stages de préparation à l’extérieur du pays avant de partir à Tokyo pour les JO. C’est sûr que les motivations des joueurs de l’équipe allaient être très grandes s’ils avaient participé aux JO en juillet 2020, à quelques mois seulement de remporter la Coupe d’Afrique des moins de 23 ans, novembre dernier. Maintenant, après la décision de reporter les JO à l’année prochaine, nous devons donner aux joueurs de nouvelles motivations, surtout que c’est probable qu’il y aura des changements au niveau des joueurs convoqués en fonction de leur état physique, technique et psychologique d’ici l’année prochaine. Par ailleurs, l’impact positif est d’avoir une période plus grande de préparation avant la compétition, en cas de la reprise des activités sportives bien évidemment. Concrètement parlant, mon ancien programme de préparation était composé de 2 stages de préparation, le premier en mars 2020 et le deuxième en juin avant de partir à Tokyo, vu que les JO étaient prévus en juillet. Il était prévu de jouer 2 matchs amicaux préparatifs aux Emirats arabes unis contre l’Argentine le 27 mars et le Brésil le 30 mars 2020, mais les deux matchs ont été annulés. Maintenant, avec le report, nous pouvons faire plus de stages de préparation et jouer plus de matchs amicaux pour bien se préparer. Aussi, un des grands avantages de la remise de la date des JO à l’année prochaine est d’avoir plus de temps pour que les joueurs blessés de l’équipe se soignent et récupèrent bien. Il y a beaucoup de joueurs de l’équipe qui sont toujours blessés ou qui ne sont pas complètement rétablis, alors que nous sommes à presque 2 mois de la date initiale des JO. Nous avons des joueurs qui sont encore blessés comme Mohamad Mahmoud, Taher Mohamad Taher et Karim Nedved. Ces joueurs allaient être forfaits aux JO à cause de leurs blessures si la date initiale était respectée. En plus, la vedette de l’équipe et meilleur joueur de la dernière CAN des moins de 23 ans, Ramadan Sobhi, qui est en période de récupération suite à sa blessure musculaire, n’est pas prêt à 100%. De même, le fait d’avoir encore 14 mois avant les JO me donnera la possibilité de sélectionner de nouveaux joueurs qui vont bien évoluer avec leurs équipes après la reprise des matchs du championnat et ne pas compter uniquement sur les joueurs qui ont participé avec l’équipe à la dernière CAN en novembre dernier, ce qui est sans doute un avantage supplémentaire pour moi. Les joueurs qui joueront l’année prochaine gagneront une année supplémentaire d’expérience ; c’est-à-dire, si nous prenons comme exemple le capitaine de l’équipe Ramadan Sobhi qui est né en janvier 1997, si les JO allaient être joués en juillet 2020, comme s’était programmé, il allait avoir 23 ans et 6 mois au moment des jeux. Mais après que les JO sont reportés à juillet 2021, il aura 24 ans et 6 mois au moment des jeux, c’est-à-dire, il sera plus expérimenté et plus mûr techniquement.

— Vous venez d’évoquer Ramadan Sobhi, vous avez joué un grand rôle dans l’évolution de son niveau technique au point qu’il a été élu meilleur joueur de la CAN 2019 des moins de 23 ans. Comment avez-vous réussi à faire cela ?

— Avec l’arrivée du coach suisse René Weiler à la tête du staff technique du club Ahli, Sobhi était en stage avec l’équipe nationale olympique. Weiler a envoyé son assistant Thomas Binggeli pour assister au match amical de l’équipe contre l’équipe de l’Arabie saoudite des moins de 23 ans à la ville de Suez et voir les joueurs d’Ahli. C’était la première fois qu’il voit Ramadan jouer. A ce moment, je commençais à donner à Ramadan de nouveaux rôles technique et tactique sur le terrain. Le style de jeu de Ramadan était d’évoluer toujours sur le flanc à côté de la ligne de touche, dribbler, pénétrer, faire des transversales, centrer le ballon et le mettre dans la surface de réparation ou faire des passes décisives à ses coéquipiers. Durant les matchs amicaux préparatifs que nous avons joués aux mois de septembre et d’octobre avant la CAN, j’avais en tête de faire évoluer Ramadan dans un nouveau poste et lui donner un nouveau rôle tactique. Je savais que nos adversaires savaient déjà son style de jeu, alors je pensais à les surprendre en changeant le style de jeu de Ramadan. Alors, j’ai demandé à Ramadan de ne pas jouer toujours sur le flanc gauche à côté de la ligne et d’entrer en profondeur du terrain au-dessous des attaquants. René Weiler a fait la même chose avec Sobhi lorsque le joueur est rentré au club. Le résultat est qu’il a tellement bien maîtrisé son nouveau style de jeu que, lors de notre match contre le Cameroun à la CAN, il évoluait en poste numéro 10 au-dessous de l’avant-centre Moustapha Mohamad et devant le milieu défensif Akram Tawfiq, une position complètement différente de sa position initiale d’ailier gauche. En plus, je lui ai donné la liberté d’aller où il veut sur le terrain, alors parfois, on le voyait épauler les défenseurs centraux en cas de défense et épauler les attaquants en cas d’attaque.

— Cela sur le plan technique et tactique, et sur le plan psychologique ?

— Sur le plan psychologique, le fait d’être capitaine de l’équipe et jouer devant plus de 80 000 spectateurs au Stade du Caire a aidé à évoluer la personnalité de Sobhi et lui a donné plus de responsabilité et plus de maturité. Franchement, Sobhi a montré une très bonne personnalité durant cette CAN, il était un vrai capitaine d’équipe qui pense toujours à ses coéquipiers et à leurs intérêts. Par exemple, une fois après un de ses grands matchs à la CAN, je lui ai donné une prime spéciale car il était l’homme du match et une des causes principales de notre victoire, mais il m’a surpris en me demandant de partager la somme d’argent avec tous les joueurs qui ont joué le match. Franchement, dès le début de nos préparations pour la CAN, nous avions considéré Sobhi comme un des membres du staff technique et un coach supplémentaire pour ses coéquipiers sur le terrain durant les matchs et non pas seulement un joueur. Et il était à la hauteur de cette responsabilité. Lorsque les activités sportives seront reprises, j’espère qu’il sera prêt physiquement, techniquement et mentalement pour continuer avec l’équipe olympique à Tokyo en 2021, ce qu’il a déjà commencé à la CAN des moins de 23 ans, Egypte 2019.

— Selon le règlement, vous avez le droit de sélectionner avec votre équipe 3 joueurs plus âgés que 23 ans. Cela a suscité la polémique, les uns voyaient que vous devriez sélectionner la star Mohamad Salah, alors que d’autres pensaient qu’il était préférable de jouer à Tokyo avec les jeunes qui ont remporté la Coupe d’Afrique des moins de 23 ans. Quel est votre avis ?

Soyons réalistes. Nous allons aux JO avec un grand objectif : remporter une médaille olympique. Pour atteindre ce grand objectif, nous devons avoir tous les éléments qui peuvent rendre l’équipe plus forte. Si ces 3 joueurs vont donner à leurs jeunes coéquipiers la force technique, tactique et psychologique à l’Olympiade, je ne devrai pas refuser. J’aime bien avoir Mohamad Salah avec l’équipe aux JO. Il est l'un des meilleurs joueurs du monde en ce moment et un joueur très expérimenté qui sera un élément très positif en cas de sa participation avec nous à Tokyo 2021. C’est le même cas de la participation de Neymar avec le Brésil aux derniers JO en 2016 à Rio de Janeiro. Neymar a aidé les Brésiliens à remporter la médaille aux JO 2016. Mais la décision de prendre Salah ne dépend pas seulement de moi, le club de Liverpool doit accepter et Salah lui-même doit aussi accepter tout d’abord pour pouvoir le sélectionner avec nous aux JO.

— Avez-vous déjà parlé avec Mohamad Salah pour savoir s’il est intéressé ou non ?

— Non, je ne l’ai pas fait, mais le président de la Fédération égyptienne de football, Amr Al-Ganaeiny l’a contacté et Salah lui a dit qu’il était intéressé de participer avec l’équipe aux JO. Mais nous devons attendre jusqu’avant la compétition en juillet 2021 pour savoir si Salah restera toujours intéressé et savoir s’il sera disponible et que son club va accepter de le libérer durant cette période. Quant aux deux autres joueurs, je préfère les choisir l’année prochaine avant les JO selon les postes qu’il faudra fortifier.

— En 2001, vous avez remporté une médaille de bronze avec l’équipe olympique égyptienne en Coupe du monde en Argentine pour la toute première fois, 20 ans après, êtes-vous optimiste de remporter la toute première médaille olympique pour le football égyptien à Tokyo en 2021 ?

— Je suis optimiste et nous travaillons pour pouvoir remporter une médaille olympique. Maintenant, il y a 14 équipes qui ont été déjà qualifiées aux JO. J’ai vu les matchs des 14 équipes. D’après le niveau des équipes que j’ai vues, je me suis rendu compte que nous sommes capables de faire de bons résultats. La génération actuelle des joueurs égyptiens est capable de remporter une médaille olympique à Tokyo.

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