Al-Ahram Hebdo : Il y a 4 semaines, l’Egypte a été désignée pays hôte de la 32e édition de la CAN 2019 avec 16 voix au vote contre une seule voix pour l’Afrique du Sud … Comment avez-vous accueilli la nouvelle ?
Hazem Emam : C’est un honneur que les membres de la Confédération Africaine de Football (CAF) aient voté pour que l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) soit en Egypte. La CAN a été retirée au Cameroun pour diverses raisons, dont les retards dans les travaux de rénovation des infrastructures et les constructions des stades, mais aussi l’insécurité du pays. Alors donner l’organisation de la CAN 2019 à l’Egypte à 6 mois de son coup d’envoi révèle une grande confiance de la part de la Confédération et prouve que l’Egypte a les infrastructures et la sécurité nécessaires pour accueillir un tel événement sportif. Conscients de ce défi et de cette responsabilité, nous devons maintenant prouver que nous sommes dignes de cette confiance. Bien qu’il ne reste que quelques semaines, nous allons très bien organiser la CAN comme nous l’avions déjà fait en 2006. Et un nouveau défi est déjà à relever, car pour la première fois, cette compétition accueillera 24 sélections. Nous sommes en ce moment en train de former le comité d’organisation, qui regroupera les meilleurs éléments des cadres les plus expérimentés dans tous les secteurs : hébergement, protocole, média, transport, etc. Dès que les membres du comité auront été officiellement nommés, ils commenceront immédiatement le travail pour être prêts dans les temps. Nous ferons de notre mieux pour que l’organisation de la CAN 2019 soit parfaite.
— Les uns se demandent comment l’Egypte va organiser la CAN avec des stades pleins de supporters ?
— Les matchs de la CAN sont différents de ceux du Championnat national. La Fédération Egyptienne de Football (FEF) n’est pas du tout inquiète de la présence des supporters aux stades lors des matchs de la CAN, car déjà les matchs de l’équipe nationale égyptienne se jouent avec des supporters. Les matchs de la qualification de l’Egypte pour la Coupe du monde se sont joués avec 80 000 supporters dans le stade. Les matchs de la Ligue des champions d’Afrique et de la Coupe de la Confédération Africaine des clubs se jouent aussi avec des supporters. Alors la présence des supporters ne nous inquiète pas.
— Les supporters égyptiens rêvent que les Pharaons remportent la coupe à domicile, comme ils l’ont déjà fait lors des deux dernières éditions organisées en Egypte en 1986 et en 2006 …
— Je suis très inquiet sur ce point. Les Pharaons sont toujours parmi les grands favoris de la CAN, mais le fait de jouer à domicile va sans doute mettre une double pression sur les joueurs et la FEF, car les supporters égyptiens auront du mal à accepter de ne pas gagner la Coupe, sachant que nous sommes le pays hôte. J’espère que la sélection égyptienne pourra obtenir de bons résultats.
— Vous étiez contre le choix comme sélectionneur national du Mexicain Javier Aguirre. Après les bons résultats qu’il a réalisés avec les Pharaons, est-ce que vous sentez qu’il peut remporter la CAN 2019, et ce, malgré une mauvaise place de l’équipe dans le classement de la FIFA ?
— Oui j’étais contre le choix d’Aguirre, mais maintenant, je dois le soutenir, car il est le sélectionneur national de l’Egypte. C’est vrai qu’il a fait de bons résultats depuis son arrivée, mais cela ne veut pas dire qu’il va remporter la CAN. Gagner un titre dépend souvent de plusieurs facteurs et non pas seulement du niveau technique et tactique de l’équipe. Des facteurs liés au tirage au sort par exemple. Il arrive parfois que deux ou trois équipes favorites soient dans un même groupe et qu’une d’elles soit éliminée dès le premier tour. Il peut y avoir aussi des surprises aux tours suivants, comme une petite équipe qui élimine l'une des meilleures, après des tirs aux buts. Les résultats des autres sélections jouent souvent un grand rôle et l’on peut dire que dans le football, les résultats ne connaissent parfois pas de logique.
Quant au classement de la FIFA, dans lequel l’Egypte arrive 57e, je pense qu’il ne révèle pas le vrai niveau des équipes. Le classement de l’Egypte n’était pas bon lorsque nous avons remporté la deuxième place de la CAN 2017, et lorsque nous nous sommes qualifiés pour la Coupe du monde 2018. Par contre, notre meilleur classement (9e du monde) était en 2010, et nous n’étions pas qualifiés pour la Coupe du monde. Donc, pour moi, le classement de la FIFA ne révèle pas vraiment le niveau actuel de chaque pays.
— Est-ce que vous êtes optimiste quant à la sélection égyptienne ? La génération actuelle de joueurs fera-t-elle de bons résultats ? A-t-elle une chance de remporter la CAN 2019 ?
— Optimiste ou pessimiste, ce sont des sentiments qui n’appartiennent pas au football. Le football ne compte que sur les bons résultats. Nous avons une bonne génération de joueurs et nous sommes parmi les 5 meilleures équipes en Afrique en ce moment. C’est vrai que nous n’avons pas réalisé de bons résultats en Coupe du monde, mais nous avons gagné de l’expérience. Soyons réalistes, organiser la CAN ne veut pas dire la remporter, mais les Pharaons feront de leur mieux.
— Est-ce que vous êtes d’accord avec ceux qui voient dans la force de l’équipe nationale égyptienne uniquement celle de Mohamad Salah ?
— Mohamad Salah est un super joueur. Il est le troisième meilleur joueur du monde, mais nous ne pouvons pas dire que l’équipe égyptienne compte uniquement sur lui, comme l’a fait par exemple par le passé l’équipe du Libéria avec George Weah. Le Libéria avec Weah pouvait gagner un ou deux matchs, mais ne pouvait pas se qualifier en Coupe du monde grâce aux efforts d’un seul joueur. C’est vrai que Salah est un footballeur exceptionnel, mais le reste de l’équipe nationale est aussi composé de bons éléments qui ont réussi, avec Salah, à être finalistes de la dernière CAN et à se qualifier pour la Coupe du monde. Mais Mohamad Salah reste un joueur d’exception. C’est facile de trouver un joueur européen ou d’Amérique du Sud qui soit comme Cristiano Ronaldo, Messi, ou Modric. Mais il est difficile de trouver ce même type de profil de joueurs en Afrique ou en Asie, car le système de formation des joueurs dans les pays de ces continents est différent. C’est pourquoi Salah est un joueur phénoménal. Cela arrive qu’un joueur africain ou asiatique réussisse une bonne saison et termine meilleur buteur ou l’un des meilleurs joueurs de son équipe, comme par exemple l’attaquant sud-coréen de Tottenham Hotspur Son Heung-Min. Mais le fait qu’il soit comme Salah à la fois meilleur buteur du « Premier League », meilleur joueur en Angleterre et troisième meilleur joueur du monde, c’est un phénomène qui n’arrive pas souvent dans les pays arabes et africains. Salah est un modèle et un exemple à suivre pour tous les footballeurs égyptiens, arabes et africains.
— Concernant le Championnat national, cette saison est l’une des plus problématiques au niveau de l’arbitrage. Etant membre du conseil d’administration de la Fédération, quelles sont, d’après vous, les solutions au problème d’arbitrage ?
— Cette saison, la concurrence est grande, surtout entre les 3 premiers clubs du classement. Avec cette concurrence, les responsables et les entraîneurs des clubs en Egypte refusent souvent d’accepter la défaite et ont l’habitude de prendre l’arbitrage comme prétexte des mauvais résultats de leurs clubs. En Egypte, les arbitres égyptiens dirigent les matchs en subissant une grande pression. Je ne dis pas que les arbitres ne commettent pas de fautes, ils sont des êtres humains et ça arrive qu’ils fassent des erreurs. Mais nous ne devons pas penser qu’elles aient été faites exprès, dans le but qu’une équipe gagne des points ou qu’une autre équipe non. Les fautes d’arbitrage existent dans le monde entier et les équipes les acceptent, car cela fait partie du jeu. Les deux derniers matchs de Liverpool ont connu des fautes d’arbitrage ; pourtant, aucun responsable de Liverpool n’a critiqué l’arbitre après le match. La solution d’après moi est de mettre en place le système de l’assistance vidéo « VAR » pour diminuer au maximum les fautes d’arbitrage. Le président de la Fédération a rencontré l’entreprise qui va mettre en place le système. Une seule unité d’assistance vidéo « VAR » coûtera presque 20 millions de L.E. Pour avoir plusieurs unités, le montant sera multiplié. Ce montant n’est pas très important, si l’on compare aux sommes de certains transferts de joueurs qui vont bien au-delà.
— Comment jugez-vous l’expérience du club Pyramids dans le Championnat égyptien ?
— De mon point de vue, c’est une bonne expérience. Le fait d’avoir des hommes d’affaires qui investissent dans le football est un aspect positif. Aujourd’hui, Pyramids est deuxième du classement et ses matchs contre Ahli et Zamalek sont de très haut niveau technique. Si nous arrivons à avoir dans le futur d’autres hommes d’affaires qui investissent dans d’autres clubs pour avoir 4 ou 5 autres clubs comme Pyramids, cela va améliorer le niveau technique du championnat national.
— Finalement, est-ce que vous comptez poser votre candidature aux élections de la présidence du club Zamalek, comme cela circule sur les réseaux sociaux ?
— Jamais ! C’est très difficile de faire un travail public en Egypte sans être critiqué et insulté. Après les grandes critiques qui nous ont été faites, moi et les membres du conseil d’administration de la Fédération, suite à nos défaites en Coupe du monde, j’ai pris la décision de ne jamais poser ma candidature dans un travail public, ni au conseil d’administration de la Fédération, ni d’un club.
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