Al-Ahram Hebdo : Vous avez réalisé une très bonne Coupe d’Afrique des nations. Qu’est-ce qui vous a permis d’arriver si près de la victoire ?
Essam Al-Hadari : C’est le fruit d’un travail sérieux du coach Hector Cuper et de son staff associé à une grande concentration des joueurs. Nous nous sommes donnés à fond et cela jusqu’à la fin. Nous étions vraiment proches d’un huitième sacre.
— Nous avons vu vos larmes à l’issue de la finale. Qu’est-ce qui explique autant d’émotion ?
— Cette défaite m’a vraiment attristé. Avec les autres joueurs, nous espérions vraiment offrir cette coupe aux Egyptiens. Ils ont supporté trois éditions de la CAN sans leur équipe et nous voulions enfin les voir heureux. C’est pour cela que je n’ai pas pu retenir ma tristesse et mes larmes. Le peuple égyptien a soif de bonheur et nous étions si près du titre. Jusqu’à la mi-temps, nous étions champions d’Afrique avec le but de Mohamad Al-Nenni, mais les Camerounais ont arraché la victoire à la deuxième mi-temps.
— Les médias égyptiens reconnaissent que votre arrivée en finale est déjà une bonne performance. N’êtes-vous pas d’accord ?
— C’est vrai. Nous voulions vraiment remporter la coupe mais prendre la deuxième place avec une équipe aussi jeune est un bon résultat. D’autant plus que nous avons rencontré de nombreux problèmes, entre les blessures de plusieurs titulaires de l’équipe et la fatigue de certains. Cuper a été obligé de faire participer des joueurs qui n’étaient pas vraiment prêts. Je pense que les Egyptiens sont conscients que leur équipe est prometteuse et qu’elle est capable de défendre les couleurs de son pays pour les qualifications du Mondial 2018.
— Alors qu’au départ vous n’étiez pas titulaire, vous l’êtes devenu suite aux blessures des deux autres gardiens lors des premiers matchs de la compétition. Est-ce que vous étiez prêt à participer ?
— J’ai pour habitude de m’investir sérieusement, que je sois titulaire ou non. C’est mon caractère, tant dans les clubs pour lesquels j’ai joué tout au long de ma carrière, qu’avec l’équipe nationale. Même lorsque je sais que je ne vais pas participer à un match, je refuse de fléchir ou de bâcler mes entraînements. Je préfère me préparer sérieusement et me tenir prêt à participer à tout moment.
— En prenant la place d’Ahmad Al-Chennawi après sa blessure, vous sentiez-vous capable de maintenir le niveau du titulaire ?
— J’étais un peu inquiet mais je l’espérais. Je m’entraînais sérieusement en attendant ma chance aux matchs de la Coupe d’Afrique des nations ou pour les qualifications du Mondial. Je savais qu’une fois cette chance saisie, je ne la laisserai plus m’échapper. J’ai 44 ans, j’aime le football et je veux continuer à jouer. Le seul moyen d’y parvenir est de m’entraîner sérieusement. Je dois rester en bonne forme physique et technique pour mériter la titularisation, que ce soit au sein de l’équipe nationale ou avec mon club de Wadi Degla. Je me prépare donc avec l’entraîneur des gardiens de la sélection, Ahmad Nagui, et Fekri Saleh, celui de Wadi Degla.
— Avant la CAN, certains pensaient qu’à votre âge il était temps de mettre un terme à votre carrière. Qu’avez-vous à leur répondre ?
Essam Al-Hadari. (Photo : Reuters)
— Il n’y a pas de vieux dans le football. Je m’entraîne comme un jeune de 18 ans, et je l’ai prouvé sur le terrain. Je reste concentré car c’est ma profession. J’ai l’intention de poursuivre ma carrière, et je me retirerai après ma participation à la prochaine Coupe du monde. J’espère vraiment être le gardien de l’équipe nationale et contribuer à la qualification de l’Egypte au Mondial 2018 en Russie, surtout après 28 ans d’absence. C’est mon grand rêve, et je pense que c’est ce qui me manque pour enfin sentir que j’ai tout donné au foot.
— A la CAN, vous avez été titularisé après les blessures des deux autres gardiens, et au moment de la Coupe du monde vous aurez 45 ans. Pensez-vous alors pouvoir être titulaire en cas de qualification ?
— Je fais mon devoir, à savoir m’entraîner et me préparer. Je laisse le reste à Dieu, et celui-ci ne gaspille pas les efforts d’une personne qui a bien travaillé. Je tiens aussi à préciser que je dois beaucoup à Hector Cuper et à l’entraîneur des gardiens de la sélection nationale, Ahmad Nagui. Ils m’ont tous les deux beaucoup soutenu lors de la CAN au Gabon avec leurs conseils et leurs encouragements.
— Votre performance au Gabon a en effet été très bonne. Quels sont vos meilleurs souvenirs de la compétition ?
— Je commencerai par la qualification de l’équipe pour les demi-finales, en battant le Maroc après 32 ans de victoire marocaine sur l’Egypte. Hervé Renard, l’entraîneur des Lions de l’Atlas, est d’ailleurs venu me féliciter à la fin du match. Je pense aussi aux deux tirs au but que j’ai arrêtés face au Burkina Faso, qui nous ont permis de nous hisser en finale. Cette fois, c’est l’entraîneur portugais du Burkina Faso, Paulo Duarte, qui a reconnu ma performance. J’étais ému et très fier de moi et de mon pays. Par contre, le moment le plus difficile a sans doute été notre défaite en finale 2-1, alors que nous menions 1-0 à la mi-temps.
— Selon vous, quelles sont les chances de qualification des Pharaons pour la Coupe du monde de Russie en 2018 ?
— La sélection égyptienne est formée d’une génération de très bons joueurs. Sous la direction technique de Cuper et de son staff, cette jeune équipe a toutes les chances de participer au prochain Mondial. Nous sommes d’ailleurs en tête du groupe pour les qualifications. Mais je sais que cela n’est pas suffisant et qu’il faut maintenir le niveau jusqu’à la fin des matchs du groupe. Si nous n’avions pas réussi à remporter la CAN et faire le bonheur de l’Egypte, nous ferons de notre mieux pour valider le billet pour le Mondial et redonner le sourire à tous les Egyptiens.
— Aujourd’hui, plusieurs jeunes gardiens égyptiens se sont révélés prometteurs. Dans l’équipe nationale, nous avons Ahmad Al-Chennawi et Mahmoud Guennech, de Zamalek, et Chérif Ekrami, d’Ahli, sans compter tous les autres. Lequel d’entre eux pourrait être un bon successeur ?
— Je peux difficilement en nommer un. Chaque joueur a son style et sa personnalité. Aucun jeune joueur ne peut être le successeur d’un autre. Peut-être qu’un jour, l’un d’entre eux me dépassera. Il pourra être mieux que moi, mais personne ne peut être moi, tout comme moi, je ne suis pas le successeur d’un autre gardien.
— En tant que gardien historique de l’Afrique et nouveau recordman africain du nombre d’heures passées sans encaisser de but, quel est le dernier souhait de votre carrière ?
— Je souhaite me qualifier au Mondial avec cette jeune équipe qui est arrivée deuxième au Gabon. Je souhaite garder cette équipe telle quelle, avec ses joueurs et son staff technique. C’est une équipe très prometteuse.
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