La championne olympique Hedaya Malak doit son exploit aux JO à son entraîneur espagnol.
Dans les coulisses du milieu sportif, le débat a été soulevé après les décisions du ministère du Sport concernant l’annulation de plusieurs activités sportives à l’étranger et le licenciement d’entraîneurs étrangers dans certaines disciplines sportives en Egypte.
La décision de la Banque Centrale de dévaluer la livre égyptienne a entraîné de lourdes conséquences pour les activités sportives qui ont lieu à l’étranger, telles que les camps d’entraînement, les tournois internationaux ou encore la consultation d’experts étrangers. Bien que les mesures officielles du ministère concernent les sélections juniors, les fédérations les appliquent également aux sélections seniors afin de faire plus d’économies.
Selon les estimations du ministère de la Jeunesse et du Sport, cette décision vise à économiser 900 000 dollars par an. « Un tournoi non officiel comme les Championnats arabes coûte au ministère entre 50 000 et 60 000 dollars. Toute une délégation avec des médecins, des entraîneurs et des sportifs se déplace, sans compter l’argent de poche que doivent fournir les fédérations à chaque membre de la délégation », explique Mohamad Kassab, porte-parole du ministère du Sport.
L'escrimeur Alaa Aboul-Qassem a perdu son camp de préparation à cause de l'augmentation du dollar.
Le football est le seul sport qui échappe à cette décision. Sa popularité en Egypte en fait un sport de choix pour les sponsors, et par conséquent son budget ne dépend pas du ministère du Sport. (Voir encadré).
Le foot épargné
En effet, selon les responsables du ministère de la Jeunesse et du sport, la décision de licencier les experts étrangers n’affectera pas gravement le niveau du football. Cette décision ne concerne en réalité que quatre disciplines : le volley-ball, le basket-ball, la gymnastique et l’aviron. Ces disciplines ont recours à des experts étrangers pour l’entraînement de leurs sélections juniors et seniors, alors que d’autres comme le handball, la boxe, le tennis, l’haltérophilie, le taekwondo, l’escrime et la natation, font appel à des entraîneurs nationaux. Mohamad Kassab a annoncé que le ministère a demandé à ces quatre fédérations de proposer aux entraîneurs étrangers, généralement payés en dollar, de recevoir leurs salaires en livre égyptienne. En cas de refus, ils seront tous licenciés. « Cette mesure vise avant tout à limiter les pertes après l’augmentation du dollar face à la livre égyptienne. D’autant plus que la performance de ces quatre disciplines dans les tournois internationaux laisse à désirer », ajoute Kassab. Et de poursuivre : « Le niveau des entraîneurs égyptiens s’est nettement amélioré. L’haltérophilie a remporté une médaille olympique aux JO de Rio, sans l’aide d’un expert étranger. Les champions olympiques de Rio, Sara Samir et Mohamad Ihab, s’entraînent sous la direction d’un entraîneur égyptien ». Toutefois, ces propos ne sont pas convaincants pour les responsables de ces quatre fédérations. Selon Magdi Afifi, de la Fédération d’aviron, le licenciement de l’expert étranger recruté il y a deux ans aura un impact négatif sur le niveau de la discipline, surtout chez les juniors. « Depuis plusieurs années, nous préparons la sélection junior sous la direction d’un expert étranger afin de créer une sélection senior solide. Le nombre d’entraîneurs en aviron est très limité et ils ne sont pas très qualifiés. N’oublions pas qu’en aviron, les athlètes ont réalisé une performance sans précédent aux JO de Rio grâce à Abdel-Khaleq Al-Bana qui s’est classé 10e en skiff. Une première depuis 1996, lorsque le rameur Ali Ibrahim a remporté la 8e place aux JO d’Atlanta », explique Afifi. Idem pour le volley-ball qui a signé en septembre dernier trois contrats avec des entraîneurs étrangers pour prendre en charge les sélections junior et senior. « On a demandé au ministère du Sport de faire une exception pour nous permettre de réaliser notre rêve qui est d’être dans quelques années parmi les 8 meilleurs du monde », explique Fouad Abdel-Salam, président de la Fédération de volley-ball. Par ailleurs, la Fédération de taekwondo a elle aussi demandé une exception pour renouveler le contrat de l’entraîneur espagnol, sous la direction duquel Hedaya Malak s’est distinguée aux JO de Rio en obtenant une médaille de bronze.
Si la décision relative au licenciement des experts étrangers ne touche que quatre disciplines, l’annulation des camps et des stages à l’étranger ainsi que des tournois non officiels affectera, selon les sportifs, le sport en général. Le débat a été soulevé lorsque le champion olympique d’escrime, Alaa Aboul-Qassem, a exprimé sa déception après la décision du ministère du Sport et du Comité olympique égyptien d’annuler un stage de préparation de huit mois qu’il devait effectuer aux Etats-Unis pour se préparer aux tournois internationaux. « Le ministère du Sport est dans l’incapacité d’assumer les frais en dollar étant donné que le billet vert a battu un record atteignant une valeur de 18 L.E. » explique Medhat Al-Bakri, directeur technique de la sélection d’escrime.
Les fédérations révisent
leurs calendriers
L’escrime n’est pas la seule discipline touchée par cette mesure. Plusieurs fédérations ont commencé à réviser leurs calendriers. « Le ministère du Sport et le Comité olympique égyptien nous ont fait part de leur volonté d’annuler tous les stages à l’étranger et de se contenter de stages à l’intérieur du pays. Quant aux tournois internationaux, ils seront réduits de moitié car les athlètes ne participeront qu’aux tournois officiels. Seuls les athlètes de rang mondial auront le droit de participer à tous les tournois pour ne pas affecter leur classement », assure Mounir Farid, directeur exécutif de la Fédération de judo.
Selon lui, les juniors et les jeunes seront les plus touchés. « L’attention doit avant tout être donnée aux sélections juniors et jeunes, qui constituent la base d’une sélection nationale forte. Des équipes juniors et jeunes solides contribuent en effet à former de bons athlètes après quelques années. L’annulation des camps d’entraînement à l’étranger et des tournois moins importants aura des effets négatifs », confie-t-il. En matière de sport, les camps d’entraînement à l’étranger sont d’une grande importance pour les sportifs. « Les jeunes athlètes qui participent aux stages à l’étranger ont plus de chances de réaliser de bonnes performances par la suite. Ces camps leur offrent non seulement un entraînement d’une intensité supérieure à un entraînement classique, mais ils offrent aussi l’occasion de jouer des matchs amicaux avec des sportifs de haut niveau, et d’apprendre de leurs expériences. C’est grâce à un programme intensif en camp d’entraînement que j’ai pu atteindre mon niveau actuel », souligne le judoka Ramadan Darwich, 9e au niveau mondial, médaillé de bronze aux Mondiaux 2009 et 5e aux Mondiaux 2011.
La situation est similaire concernant la participation à de nombreuses compétitions qui permet aux athlètes d’améliorer leurs performances. « Car par le biais de ces compétitions, chaque athlète détermine ses points forts et ses points faibles pour les travailler avec son entraîneur. Les tournois dits moins importants permettent à chaque athlète de vivre une expérience qui aura sans doute un impact sur son avenir », explique la lutteuse Samar Amer, médaillée d’or aux Jeux méditerranéens en 2015 en Italie et championne d’Afrique la même année.
Cela ne semble faire aucun doute, cette décision aura des conséquences négatives sur le sport égyptien.
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