
Ihab Abdel-Rahman. (Photo : AP)
Al-Ahram Hebdo : Remporter la première médaille égyptienne aux Mondiaux d’athlétisme, qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Ihab Abdel-Rahman : Je suis fou de joie. C’est un sentiment inouï, c’est la première fois que je sens une émotion pareille. En décrochant la médaille d’argent au lancer de javelot aux Championnats du monde qui se sont achevés le 30 août à Pékin, j’ai réalisé une première dans l’histoire de l’athlétisme égyptien, puisque c’est la première médaille égyptienne aux Mondiaux seniors depuis la création de la Fédération égyptienne d’athlétisme en 1910. Je sens, à la fois, de la joie, de la fierté et de la responsabilité. De retour en Egypte, ma joie a augmenté. Lorsque je suis arrivé à l’aéroport du Caire, j’étais très surpris de voir plus de 2 000 personnes venues m’accueillir et célébrer mon exploit. C’était une grande surprise pour moi. Je n’ai jamais imaginé un tel accueil chaleureux. A la sortie de l’aéroport, des personnes que je ne connaissais pas m’ont porté sur leurs épaules. Puis à Kafr Saqr, mon village, la cérémonie était plus grande encore. J’étais très content de voir la joie dans les yeux des villageois, surtout mes parents et ma famille. En fait, je crois que j’ai réalisé cette médaille grâce aux prières de ma mère. J’ai annulé mon dernier stage de préparation en Finlande, puis un autre en Chine pour rester auprès de ma mère qui était très malade avant les Mondiaux.
— Vous avez été reçu par le premier ministre ainsi que par le ministre de la Jeunesse et du Sport, et le club Ahli vous a rendu hommage. Est-ce que vous vous attendiez à cela ?
— Non, pas du tout, je n’ai jamais imaginé un tel honneur. Lors de mes premiers débuts au centre de jeunesse de Kafr Saqr dans le gouvernorat de Charqiya, mon rêve était de remporter le championnat des écoles pour obtenir 4 % de notes en plus au baccalauréat, car le ministère de l’Education offre 4 % de plus au premier des Championnats scolaires. A l’époque, je n’avais pas imaginé qu’un jour je remporterais une médaille d’argent aux Mondiaux et que je rencontrerais le premier ministre et le ministre de la Jeunesse et du Sport. L’accueil chaleureux qui m’a été réservé a compensé tous les efforts et les sacrifices que j’ai consentis. Cela m’incite à faire de mon mieux pour rapporter à l’Egypte d’autres médailles.
— Est-ce que vous vous attendiez à cette performance ?
— Depuis ma 7e place réalisée aux Mondiaux 2013, je me préparais pour décrocher une médaille aux Mondiaux 2015. Et mon niveau était en progression constante. J’ai amélioré mes records personnels. La saison dernière était idéale pour moi. Avec un lancer de 89,21 m, le 18 mai 2014 au meeting de Shanghai (Chine), 2e étape de la Ligue de Diamant d’athlétisme, j’ai réalisé la meilleure performance mondiale depuis 3 ans. Ce record m’a permis d’occuper la première place au classement mondial de la saison, tout en devenant le 13e meilleur performeur de tous les temps. Mais cette saison, en suivant mon programme de préparation, j’ai atteint ma meilleure forme lors des Mondiaux. Je n’ai pas réalisé de bons résultats durant toute la saison mais j’étais conscient de mes progrès. Ainsi, selon le programme établi par Mohamad Naguib, mon directeur technique, et Walid Atta, président de la Fédération égyptienne, il était prévu que je décroche une médaille à ces Mondiaux.
— Comment était la concurrence aux Mondiaux ?
— La concurrence était très dure, vu la présence des meilleurs lanceurs au monde. La finale, qui regroupe les 8 premiers lanceurs, a réuni le Kényan Julius Yego, 1er, le Finlandais Tero Pikamaki, champion du monde 2007, 3e, l’autre Finlandais, Antti Ruuskanen, médaillé de bronze aux JO 2012 et l’Allemand Thomas Rohler, et d'autres. Ainsi, la concurrence entre nous était acharnée. Mais après avoir réalisé un jet de 88,99 m, j’étais sûr d’être sur le podium.
— L’athlétisme a toujours été loin de la portée des Egyptiens. Qu’est-ce qui a changé, et quel est le secret de votre réussite ?
— En fait, cette situation a commencé à changer ces dernières années. Le secret de la réussite c’est le travail sérieux de tous ceux qui sont concernés par cette discipline : athlètes, fédération, ministère et club. Nous constituons une équipe qui travaille avec harmonie dans un but commun : décrocher une médaille. Il faut préciser que j’ai réalisé cette performance grâce à la bonne organisation de la Fédération égyptienne d’athlétisme présidée par Walid Atta, qui m’a beaucoup aidé. Il a résolu tous les problèmes. De plus, mon directeur technique, Mohamad Naguib, a joué un grand rôle dans ma progression. Il était le premier à croire à ma capacité de devenir champion du monde. Et c’est grâce à lui que je suis devenu professionnel en intégrant le club Ahli. Mais il ne faut pas oublier non plus les efforts de mon entraîneur finlandais, Petteri Pironen, qui m’a aidé sur le plan technique.
— Aujourd’hui, vous êtes vice-champion du monde, quels sont vos projets à venir ?
— Je dispute la semaine prochaine les Jeux africains qui se dérouleront au Congo Brazzaville afin de décrocher d’autres médailles. Ensuite, je prendrai un congé. En novembre, je dois entamer le programme de préparation pour les Jeux Olympiques (JO) de Rio de Janeiro 2016 pour réaliser mon prochain objectif qui est le podium olympique. Mohamad Naguib a préparé un programme qui comprend un premier stage de 2 mois en Afrique du Sud, en janvier et février, afin de profiter du climat de ce pays idéal en ce moment de l’année. Après, je suivrai un autre stage de 2 autres mois aux Etats-Unis. A partir du mois de mai, je disputerai quelques meetings de la Ligue de Diamant. Ces meetings seront une sorte d’entraînement pour moi. Mon objectif principal sera les JO 2016, où je compte réaliser aussi une première pour l’athlétisme égyptien en montant sur le podium olympique.
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