
Fadia Evangelista le jour de la publication de la revue avec Françoise Lenoble, présidente de la revue.
Al-Ahram Hebdo : Hommes & Plantes consacre un numéro spécial à la flore égyptienne. Comment est né le sujet ?
Fadia Evangelista : Il y a une dizaine d’années j’ai quitté Paris pour m’installer en Egypte. Quand je suis venue en Egypte pour la première fois, la chose qui m’a attirée en premier ce n’étaient pas les pyramides, mais les fleurs et les arbres. Vous direz que c’est normal puisque je suis botaniste. Mais en plus, j’ai eu la chance de connaître des botanistes et des passionnés de plantes en Egypte. Cela fait deux ans que je veux faire ce numéro spécial.

Le papyrus et le lotus blanc du Nil assemblés dans le même bassin.
— Comment en avez-vous choisi les thèmes ?
— Hommes & Plantes est la première revue qui parle de la flore égyptienne qui est riche et très diversifiée. J’ai voulu commencer le numéro avec les jardins pour montrer au lecteur qu’il y a, derrière chaque jardin, une histoire particulière. Il existe une biodiversité dans ces jardins, une diversité de plantes dont on ne parle presque jamais. J’ai aussi parlé de la palmeraie de Saqqara. En France, quand on parle de l’Egypte, c’est toujours les pyramides et les momies : c’est important, mais ce n’est pas tout ! J’ai aussi accordé de l’importance à ma rencontre avec M. Lotfy Boulos, qui est un botaniste exceptionnel, non seulement en Egypte, mais aussi dans tout le monde arabe. Il a identifié toutes les plantes de la région arabe et les a étudiées. L’Egypte doit être fière d’avoir un botaniste à sa hauteur !
— Où trouve-t-on la plus grande diversité de plantes en Egypte ?
— Il y a en Egypte des richesses extraordinaires ! La flore égyptienne compte 2 150 espèces dont 63 endémiques. 30 de ces espèces endémiques se trouvent dans le Sinaï. Le sud du Sinaï est l’un des endroits les plus riches qui recèle des espèces typiquement égyptiennes, comme la Rosa Arabica ou l’écosystème des mangroves de Ras Mohamad. Ce sont des lieux et des plantes à protéger.

Les mangroves de la mer Rouge.
— Comment l’Egypte peut-elle valoriser ce trésor ? Y a-t-il des endroits à visiter en particulier ?
— Il existe un tourisme écologique dans le Sinaï avec les bédouins qui font visiter leurs jardins abondant en plantes médicinales. Mais j’attire l’attention que le tourisme écologique ne peut être un tourisme de masse. On peut créer des zones pour les touristes intéressés, mais avec des restrictions. Dans tous les pays, il y a des réserves naturelles qui sont interdites d’accès et d’autres ouvertes. Les visiteurs sont aussi accompagnés par des guides. Malheureusement en Egypte, ce sont surtout les réserves maritimes qui attirent les gens, alors qu’il y a des zones intéressantes comme Gabal Elba qui peut servir de test pour ce genre de tourisme. De même que la réserve de Ras Mohamad où les gens ne s’intéressent qu’à la plongée, alors que sa mangrove est la plus septentrionale du monde. Elle est très importante, car elle protège les récifs coralliens : c’est tout un écosystème qui préserve l’équilibre environnemental. Les gens, même les guides, ne comprennent pas la valeur de ces mangroves.
— Comment évaluez-vous l’état des jardins et des parcs en Egypte ?
— C’est un désastre ! A voir un jardin historique comme celui d’Al-Orman dans cet état, ça fait de la peine. Tout comme le jardin du Musée de l’agriculture. Si on ne respecte pas ces endroits et si on ne connaît pas leur vraie valeur, on ne peut pas les protéger. Le parc d’Al-Azhar, par exemple, était un bon début. A mon avis, il faut que les billets d’entrée dans ces jardins soient plus élevés pour que les gens sentent qu’ils entrent dans des endroits de valeur. Aujourd’hui, ils y jettent des poubelles. Si on augmente les prix, ils comprendront qu’il faut protéger ces parcs.
— Où commencer pour préserver cette richesse naturelle ?
— On commence par la société. Il faut éduquer pour arriver à apprécier un jardin. Il faut former les gens. Comment peut-on préserver les plantes si les jardiniers eux-mêmes ne comprennent pas la valeur de ce qu’ils font ? Mon opinion par rapport à mon expérience c’est qu’il faut former un personnel qui comprenne ce que c’est qu’une plante et ensuite parler de conservation et de préservation. C'est le point de départ. Il faut investir dans la formation. Il manque une école qui puisse former les jardiniers, car c‘est un métier de valeur. Dans tout ce programme d'éducation et de formation, l’Egypte est en retard.
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