Les palais Saïd Halim, Qazdoghli, Falaki, Bostani et Omar Tousson sont les cinq palais qui ont été sélectionnés pour le début d’un projet de restauration et de préservation du patrimoine alide (de la dynastie de Mohamad Ali). Ce projet, lancé par le ministère des Antiquités et le gouvernorat du Caire, vise à protéger le patrimoine architectural khédivial qui s’est répandu en Egypte au XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle. Le projet sera entamé grâce aux recherches et études d’un comité scientifique composé des urbanistes Soheir Zaki Hawas, Galila Al-Qadi et l’expert en archéologie islamique Abdel-Monsef Salem Negm. «
Ces palais se sont beaucoup détériorés, surtout ces dernières années », assure Abdel-Monsef. Pour lui, ces palais ont été, pendant la période de la révolution de 2011, sujets à plusieurs vols et incendies, à l’exemple du palais Qazdoghli, situé place Simon Bolivar, théâtre d’événements violents pendant la révolution. Il fallait stopper cette altération et préserver cet héritage.
Ces cinq palais ont une valeur historique et architecturale exceptionnelles. Ils se trouvent tous au centre-ville du Caire, à l’exception du palais du prince Omar Tousson qui se trouve à Choubra. Une localisation idéale, puisque suite à leur restauration, ils pourront être un vrai atout pour la promotion touristique. « Après un tour au Musée du Caire, le touriste pourra facilement accéder aux palais à pied et contempler cette architecture exceptionnelle », renchérit Abdel-Monsef. Bien que tous ces palais soient construits pendant la même époque, chacun reflète un style architectural particulier : le palais Saïd Halim est de l’école classique, celui de Omar Tousson est du style néogothique anglais et celui d’Al-Bostani est un mélange du style rococo à l’intérieur avec une façade néogothique. Quant aux deux derniers palais, Falaki et Qazdoghli, ils incarnent le style architectural européen du XIXe siècle. Outre leur intérêt architectural, ces palais ont un intérêt historique. Chacun a été témoin de la vie privée des membres de la famille alide qui y avaient vécu ou ont été témoins d’événements historiques.
D’après Abdel-Monsef, les restaurateurs auront recours aux archives, aux cartes, aux plans et aux anciennes photos des palais et la restauration sera accompagnée d’un réaménagement urbain des quartiers environnants.
Un projet ardu
(Photo : Mohamad Wassim)
Bien que le projet soit prometteur pour la relance touristique et la préservation du patrimoine, il se confronte à plusieurs problèmes de taille. En effet, la gestion de tous les palais historiques se partage entre les ministères des Antiquités, des
Waqfs (biens religieux) et le gouvernorat du Caire. A cause d’une telle dispersion administrative, «
il était difficile de prendre la décision de restauration. Le comité en charge du projet est en train de se former et comprendra des membres des différents organismes concernés », explique Abdel-Monsef qui souligne la lenteur administrative d’une telle procédure. Le comble des problèmes qui freinent cette initiative est que les palais Al-Bostani et Omar Tousson servent d’établissements scolaires. Pour résoudre ce problème, le gouverneur du Caire, Galal Al-Sayed, a proposé d’évacuer ces bâtiments historiques pendant la période de restauration. Le premier ministre espère bâtir de nouvelles écoles, afin de faire de ces palais des lieux de visite. «
Il me faut obtenir un décret présidentiel pour que ces palais soient évacués », reprend Abdel-Monsef.
Propositions de réutilisation
(Photo : Mohamad Wassim)
Si le comité réussit à résoudre le problème des écoles, il doit en affronter d’autres encore: le palais Saïd Halim appartient à un homme d’affaires. «
Ces propriétaires devraient choisir entre vendre leur palais au gouvernorat ou être indemnisés par un terrain », explique Salem. L’historien architectural et photographe Ahmad Al-Bendari propose une autre alternative. «
Le fait que des palais historiques soient des propriétés privées appartenant à des investisseurs peut constituer un avantage. Ces hommes d’affaires peuvent exploiter ces palais à des fins culturelles ou des projets adaptés au palais », pense-t-il.
Selon les experts, la réutilisation de ces palais est d’une importance capitale pour préserver le patrimoine, mais la nature des activités reste encore à déterminer. Pour le professeur Abdel-Monsef Salem, ces palais pourraient être transformés en musées pour les trésors de la famille alide, loués à des entreprises touristiques, ou devenir des établissements de divertissement et de culture. Pour Al-Bendari, les activités de ces palais historiques doivent être bénéfiques pour les habitants des alentours. « Je propose aux membres du comité de faire une tournée dans les quartiers où se situent ces palais, afin de connaître les besoins des habitants et leur expliquer l’intérêt de ces restaurations. Il faut créer une sorte d’intimité entre le bâtiment historique et son entourage », conseille-t-il.
Palais Qazdoghli
(Photo : Mohamad Wassim)
Sous la houlette du banquier Flex Sawarès, l’architecte autrichien Edouard Matasek a construit un grand palais dans le quartier de Garden City en 1906. Après le décès de Sawarès, le palais a été acheté par le millionnaire grec Emanuel Qazdoghli.
Le style est néoclassique, répandu à l’époque. Ainsi le palais Qazdoghli est l’un des plus élégants palais de tout le quartier. Sa superficie s’étale sur 2000 m2, il se compose de deux étages et d’un sous-sol doté d’un escalier en marbre. Le palais était fameux par ses meubles et son intérieur élégants: armoires, consoles, cheminées en marbre et miroirs belges, sans oublier les ornements internes qui sont d’une beauté exceptionnelle.
Les héritiers de Qazdoghli ont loué le palais à plusieurs diplomates dont le consul britannique. Pendant la Seconde guerre mondiale et jusqu’en 1947, ce palais devint la résidence de l’ambassadeur américain. Ensuite, le palais a été loué par le ministère de l’Enseignement pour devenir l’école préparatoire Ali Abdel-Latif pour les filles jusqu’en 2009, quand le Conseil suprême des antiquités a classé le bâtiment dans le patrimoine. Après la révolution de 2011, le palais a été partiellement incendié et pillé.
Palais Saïd Halim
(Photo : Mohamad Wassim)
Bâti en 1896, le palais Saïd Halim est situé rue Al-Antickhana. Il est plus connu aujourd’hui sous le nom du palais Champollion, puisque la rue elle-même a pris le nom du grand égyptologue français.
Le palais a été édifié par le fameux architecte italien Antonio Lachiac, comme lieu de résidence pour l’épouse du prince Saïd Halim pacha, petit-fils de
Mohamad Ali pacha. Le prince avait hérité ce terrain de sa tante paternelle Zeinab Hanem, fille de Mohamad Ali. Une fois la construction du palais achevée, son épouse a refusé d’y habiter. Après la révolution de 1952, comme beaucoup d’autres palais, il a été transformé à son tour en établissement scolaire, l’école Al-Nasseriya, une école qui a vu passer sur ses pupitres les grands journalistes Moustapha et Ali Amine, fondateurs de la Société de presse Akhbar Al-Youm, ainsi que le célèbre acteur Hussein Fahmi. En 2007, le gouverneur du Caire a décidé de classer le palais monument archéologique en vue de sa restauration.
Palais Falaki
(Photo : Mohamad Wassim)
Ce palais se trouve dans la rue Falaki au centre-ville. Son propriétaire était l’astronome renommé Mahmoud Hamdi Al-Falaki, ministre de l’Astronomie khédiviale sous le règne du khédive Ismaïl. Il est composé de deux bâtiments, Al-Salamlek réservé à l’accueil des convives de l’astronome et Al-Haramlek qui était la résidence d’Al-Falaki et de sa famille, mais également son bureau où l’astronome faisait ses recherches. Mahmoud pacha Al-Falaki était membre de la mission envoyée par le khédive pour explorer des sources d’eau à Hélouan. Il a aussi dessiné une carte de cette ville afin de préciser sa pureté pour y fonder la cité thérapeutique de Hélouan. Après la mort du pacha, « le palais a été habité par Mohamad Mahmoud pacha, qui était ministre de l’Intérieur sous le règne du roi Fouad », raconte Abdel-Monsef Salem, expert en archéologie islamique et contemporaine à l’Université de Hélouan.
Palais Tousson pacha
(Photo : Mohamad Wassim)
Ce palais appartenait à l’origine au prince Tousson, petit-fils du grand Mohamad Ali pacha. Il était ministre des
Waqfs, des Finances et de l'Enseignement. «
Cet endroit était occupé par l’une des usines établies par Mohamad Ali pacha et a été racheté ou donné à Tousson pacha », raconte le professeur Salem. Pour lui, ce palais ayant la forme de la lettre (H) incarne le style de la renaissance anglaise. Il renferme deux édifices :
Al-Salamlek et
Al-Haramlek. Après le décès du prince Tousson, le palais a été donné en héritage à son fils Omar. Ce dernier a ensuite quitté le palais qui a été transformé en école secondaire.
Palais Ibrahim Ismaïl Halim
(Photo : Mohamad Wassim)
Connu sous le nom de l’école
Qerbiya ou le palais Bostani, ce palais se dresse majestueusement au carrefour de la rue Cheikh Rihane avec celle de Youssef Al-Guendi. Cette bâtisse est bâtie vers la fin du XIXe siècle. D’après les documents, ce palais appartient au prince Ibrahim Ismaïl Halim, frère du prince Saïd Halim pacha. L’architecture du palais reflète les styles néogothique et rococo. Ses murs sont décorés de légendes européennes accompagnées de motifs pharaoniques et islamiques. Il a été vendu à la famille Bostani, connue pour le commerce du tabac et a été ensuite transformé en établissement scolaire.
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