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Un pas de plus dans l’extrémisme

Dalia Farouq, Mardi, 27 novembre 2012

La destruction des Bouddhas en Afghanistan et des mausolées de Tambouctou au Mali a donné l’idée au « cheikh » Al-Gohari de détruire le Sphinx et les Pyramides de Guiza. Ses menaces nuisent avant tout à la réputation du pays et au secteur touristique.

Un Pas

Une fois de plus les salafistes attaquent le patrimoine égyptien avec l’appel de l’un des chefs du salafisme djihadiste, lors d’une interview avec la chaîne égyptienne Dream TV, à détruire les Pyramides et le Sphinx de Guiza. Les déclarations de Morgane Al-Gohari ont non seulement choqué les professionnels de l’archéologie et du tourisme, mais elles ont aussi provoqué l’ire de la plupart des Egyptiens, quand elles n’en ont pas été purement et simplement la risée.

« Il incombe à tous les musulmans d’appliquer les préceptes de l’islam ordonnant la destruction de ces idoles, comme nous l’avons fait en Afghanistan en détruisant les statues de Bouddha », prêche Al-Gohari avec emphase. Il ajoute : « Dieu a donné l’ordre au prophète Mohamad de détruire les statues », pour conclure : « Toute statue qui a été adorée dans le passé ou qui risque d’être adorée dans le futur doit être démolie. C’est notre devoir de détruire le Sphinx et les Pyramides ». Des déclarations qui ont secoué le peuple égyptien.
Réputé pour ses prises de position extrémistes et ses appels à la violence contre tout ce qui contredit la version de l’islam prônée par les salafistes, le cheikh Al-Gohari, 50 ans, a été emprisonné à deux reprises sous le régime de Moubarak. Après les attaques du 11 septembre 2001 à New York, il s’est rendu en Afghanistan pour rejoindre les rangs des talibans. En 2007, il voyage en Syrie où il est arrêté puis extradé vers Le Caire. Un tribunal égyptien le condamne à la prison à vie, mais le « cheikh » Al-Gohari a retrouvé la liberté quatre ans plus tard, à la faveur des événements qui ont suivi la chute de Moubarak en février 2011.
Al-Gohari s’enorgueillit de son parcours chez les djihadistes afghans, ne manquant jamais de rappeler qu’il faisait partie des talibans lorsque ceux-ci ont détruit les statues monumentales des Bouddhas de la vallée de Bamiyan, en Afghanistan en mars 2001. « Pourquoi avez-vous peur de détruire ces idoles ? Les adoreriez-vous par hasard ? », demande-t-il au présentateur.
Ces appels ne manquent pas de scandaliser mais aussi d’inquiéter les archéologues, les professionnels du tourisme comme la plupart de la population. « Ces gens lancent des fatwas vénéneuses, et on se demande bien pourquoi. Si les trésors de la civilisation égyptienne étaient contre la charia comme les salafistes le prétendent, le commandant arabe Amr Ibn Al-Ass les aurait détruits dès sa conquête de l’Egypte en 641 ap. J.-C. », se révolte Adel Abdel-Razeq, vice-président de l’Union des Chambres du tourisme et d’hôtellerie.
Ihab Moussa, président de la Coalition pour la promotion du tourisme, estime que la situation est grave, car ce n’est pas la première fois qu’on entend ces déclarations. L’année dernière, des responsables du parti salafiste Al-Nour avaient suggéré de recouvrir les Pyramides de cire, afin de les rendre invisibles aux touristes et de mettre ainsi fin à « ce culte païen ».
Des responsables du parti salafiste avaient à la même période fait des déclarations sur la consommation d’alcool et le port du bikini sur les plages, susceptibles d’effrayer les touristes potentiels. Rappelons que le tourisme est un secteur vital pour l’Egypte, employant 12 % de la population active et rapportant plus de 12 milliards de dollars par an au pays en temps normal.
« Ce qui est grave c’est que des illettrés convaincus par ces fatwas ont essayé eux-mêmes de les mettre à exécution. C’est ce qui s’est passé au jardin japonais de Hélouan, la semaine dernière, où des salafistes ont essayé de démolir des répliques de Bouddah », s’indigne Moussa. Il insiste aussi sur le fait que ces « cheikhs » savent très bien que leurs déclarations font peur, notamment à l’étranger, et portent atteinte au tourisme en Egypte. Ils nuisent au travail de près de 4 millions d’Egyptiens et aux revenus d’autant de familles. « Tous les médias internationaux ont repris ces déclarations, ce qui porte atteinte à la réputation de l’Egypte » reprend-il.
Contre-attaque judiciaire
La coalition et le syndicat des Guides touristiques ont pris le taureau par les cornes en intentant un procès contre Al-Gohari. Les professionnels du tourisme sont allés plus loin, en posant un ultimatum d’une semaine à la constituante, pour qu’elle ajoute une clause protégeant le patrimoine historique et culturel égyptien dans la nouvelle Constitution. « Si aucun responsable ne répond à notre demande, nous demanderons la protection internationale de l’Unesco », souligne Moussa.
A la suite de ces déclarations, Ahmad Gamaleddine, ministre de l’Intérieur, a assuré que ces menaces n’étaient pas prises à la légère par l’Etat. Les mesures de sécurité ont été ainsi renforcées sur les différents sites archéologiques et touristiques égyptiens. Le ministre du Tourisme, Hicham Zaazoue, préfère, lui, ignorer complètement de telles déclarations pour insister sur le dur travail qui doit être fait le plus rapidement possible pour réinstaurer des conditions de sécurité satisfaisantes à l’échelle du pays, et relancer le tourisme.
« Personne ne peut porter atteinte ni au Sphinx, ni aux Pyramides, ni même à la moindre pièce antique égyptienne. Ce sont les Egyptiens eux-mêmes qui les défendront », conclut-il .
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