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Le Canal  : Les rêves de conquêtes de Bonaparte

Ahmed Youssef*, Mardi, 25 novembre 2014

Il y a 145 ans presque jour pour jour, était inauguré le Canal de Suez. Aujourd’hui, ce projet reste entouré de nombreux mystères, partiellement levés la semaine dernière lors d’un colloque à la Bibliotheca Alexandrina.

Canal de Suez
Aquarelle d'Edouard Riou, 1869 (détail).

Avant de présenter les ordres militaires signés au Caire par Napoléon Bonaparte lors de l’Expédition française de 1798, je vais exposer le projet de percement d’un canal reliant la Méditerranée à la mer Rouge dans la pensée européenne depuis le Moyen Age, en passant par la proposition des Vénitiens au sultan mamelouk Qansowa Al-Ghouri en 1500. Le but était de contrecarrer la découverte du Cap de Bonne Espérance par les Portugais.

En effet, la découverte de cette nouvelle route continentale, reliant l’Europe à l’Asie, a causé d’énormes pertes au commerce égypto-vénitien en Méditerranée.

Malheureusement, la défaite du sultan Al-Ghouri en 1516 devant les Ottomans a empêché la réalisation de ce projet. Mais son idée a germé dans la pensée politique européenne. Le philosophe Leibniz présente à Louis XIV, en 1675, un projet de conquête de l’Egypte basé sur le projet vénitien de percement d’un canal reliant les deux mers. C’est justement ce document du philosophe qui tombe dans les mains de Bonaparte et de Monge et fut à l’origine de l’Expédition, parmi d’autres, et notamment de l’adoption par le Directoire du projet de percement du canal. Ainsi, ordre a été donné à Bonaparte de conquérir l’Egypte et de creuser un canal reliant les deux mers.

Le 1er juillet 1798, l’Armée d’Orient prend d’assaut la ville d’Alexandrie avant que le général en chef, Napoléon Bonaparte, n’entre solennellement dans la capitale égyptienne et ne s’attelle au projet du Canal de Suez.

Six mois après son arrivée en Egypte, Bonaparte, dans une lettre au général Cafferelli, commandant du génie de l’armée, demande de préparer le 11 décembre 1798 une mission d’ingénieurs et de géographes.

Trois jours plus tard, il envoie un ordre au général Bon, commandant de la place de Suez, lui annonçant la préparation d’une expédition de 300 hommes pour Suez et ses environs et qu’il sera lui-même à la tête de cette expédition.

Le 24 décembre, Bonaparte signe au Caire un dernier ordre, autorisant le général Kléber à le remplacer pendant son absence du Caire. Il part vers Suez avec sa petite armée d’infanterie et de cavaliers et quelques pièces de canons. Trois jours plus tard, il signe le premier ordre de la ville de Suez, autorisant un groupe d’ingénieurs d’explorer à Suez et le lit de l’ancien canal, reliant le Nil à la mer Rouge.

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Le 31 décembre 1798, il écrit au Directoire à Paris et au Divan du Caire, de la ville de Belbès, leur annonçant qu’il avait saisi les vestiges de l’ancien canal des pharaons et qu’il avait exploré personnellement les Fontaines de Moïse.

Ce n’est pas donc lors de cette expédition qu’on a pris les mesures destinées au percement du canal tant rêvé.

C’est seulement à son retour au Caire, le 6 janvier 1799, qu’il demande à l’ingénieur Jean-Baptiste Lepère de partir inspecter la zone proposée pour percer le futur canal. Lepère part effectivement le 16 janvier et remet au général en chef un rapport qui entre dans l’Histoire, car il y affirme de manière erronée que le niveau de la mer Rouge est plus haut que celui de la Méditerranée.

Les Saint-Simoniens corrigèrent plus tard cette erreur, et c’est sur cette correction que Ferdinand de Lesseps et sa commission scientifique bâtirent le projet de l’actuel canal.

Les ordres militaires de Bonaparte révèlent également que c’est lui qui a donné le nom du Canal de Suez qu’on appelait jusque-là « le canal des deux mers », et que c’est lui qui rêvait de creuser ce canal pour pouvoir aller jusqu’en Inde pour conquérir l’Asie. Sa correspondance avec le chérif de La Mecque et le sultan d’Oman montre bien que le rêve du futur Napoléon Ier fut basé sur un canal qui ne sera finalement parrainé que par Napoléon III et inauguré par son épouse Eugénie en 1869, il y a presque 145 ans, jour pour jour.

*Écrivain et membre de l’Institut d’Egypte.

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