La maison Christie’s de vente aux enchères a vendu la statue Sekhemka à 15,76 millions de livres sterlings pour le compte du musée Northampton. Estimée à 4 ou à 6 millions seulement, avant la vente, cette statue a réalisé une somme colossale puisque, selon Christie’s, « cette statue du scribe est la plus belle statue égyptienne jamais proposée sur le marché ». Ces fonds libérés devraient permettre au Conseil municipal de Northampton, qui gère le Musée Northampton, de financer l’extension du musée et sa galerie d’arts, estimée à 14 millions de livres sterlings. Le nouveau propriétaire a gardé l’anonymat, et d’après la maison de vente aux enchères, son nom sera dévoilé plus tard.
Malgré les multiples oppositions, cette vente a eu lieu. L’ambassadeur d’Egypte en Grande-Bretagne avait critiqué cette vente, affirmant que le Conseil aurait dû consulter le gouvernement égyptien avant toute opération. « Sekhemka appartient à l’Egypte, et si le conseil de Northampton ne la veut pas, elle doit être remise à son pays d’origine. Ce n’est ni éthique, ni acceptable que cette vente se fasse dans un but matériel », a déclaré Achraf Al-Khouli, ambassadeur d’Egypte en Angleterre. Il a condamné cette action et l’a qualifiée d’« abus de l’archéologie égyptienne et du patrimoine mondial ».
Des manifestants se sont rassemblés devant Christie’s avant la vente. Parmi eux, des citoyens de Northampton qui ont fait le déplacement, pour exprimer leur protestation. « C’est le jour le plus sombre dans l’histoire culturelle de la ville », a dit l’un des manifestants. Un groupe d’habitants de l’arrondissement de Northampton a réagi un mois avant cette vente et a créé un groupe sur Facebook sous le nom « Sauvez Sekhemka ». « Ils ont pu collecter plus de 200 signatures en 72 heures de son lancement. Ils ont frappé à toutes les portes informant ainsi le ministère concerné en Egypte », dit Ali Ahmad, responsable du département des antiquités restituées au ministère.
Pour sa part, Mamdouh Al-Damaty, ministre des Antiquités, a dénoncé la vente d’une des pièces rares de l’antiquité égyptienne, affirmant qu’il s’est adressé à l’Organisation internationale des musées (ICOM), afin de stopper « cette catastrophe culturelle de l’humanité ». Il a exprimé à l’organisation son refus de cette vente qui « viole les valeurs défendues par l’organisation mondiale ». Il souligne que « même si ces musées ont pu acquérir légalement ces pièces antiques, cela ne leur donne pas le droit de les mettre en vente. Les musées exposent ces pièces seulement pour des raisons culturelles ». En plus, « un musée n’est ni un magasin ni une boutique pour marchandises », ajoute Al-Khouli.
Il est à noter que la direction du musée, selon David Mackintosh, a affirmé que la statue n’a pas été exposée pendant les derniers quatre ans. « Chaque penny rassemblé de cette vente sera réservé au musée, afin de concrétiser ses plans de réaménagement », dit Mackintosh. Et d’ajouter: « La statue du scribe a été en notre possession depuis plus de 100 ans et elle n’a jamais vraiment été la pièce maîtresse de notre collection. Nous voulons faire des extensions dans notre musée. Et pour ce faire, nous avons besoin de collecter de l’argent ». La vente a également été contestée par des personnalités internationales telles que Alan Moore, l’auteur de bande dessinée, qui a également condamné la décision de vendre la statue. « Cette vente casserait l’un des principes fondamentaux des musées qui acquièrent des objets pour en faire leurs propres collections. J’ai fait des dons au musée, mais je ne serais pas capable d’en faire à nouveau, sachant qu’à un certain moment, ces cadeaux offerts pourraient être vendus », a-t-il affirmé.

La menace est lourde. Toutefois, le Conseil des Arts d’Angleterre avait averti le musée avant la vente qu’il serait susceptible de priver le musée de son accréditation si le processus se poursuivait. Malgré cela, Christie’s a insisté à poursuivre l’opération de vente, puisque aucune raison juridique n’empêche la vente. Un porte-parole du Conseil municipal de Northampton a annoncé que l’Egypte n’avait pas le droit de récupérer la statue, ajoutant que « le musée a informé le gouvernement égyptien il y a deux ans au sujet de son intention de vendre Sekhemka. Selon la Convention de 1970 de l’Unesco concernant les mesures d’interdiction de l’importation, d’exportation et de transfert des biens culturels, l’Egypte n’a pas le droit de réclamer la statue, qui est sortie de l’Egypte avant cette convention, et cela a été confirmé par le gouvernement égyptien », a-t-il déclaré. Cependant, Achraf Al-Khouli a confirmé que l’Egypte n’avait pas approuvé la vente. De même, le groupe Sauvegardez Sekhemka et son porte-parole M. Edwards ajoutent que la ville de Northampton serait, après cette vente, « déshonorée à travers le monde. Bien que la vente soit accomplie, nos efforts et notre lutte contre cette affaire continueront pour sauver Sekhemka ».
La statue Sekhemka, en calcaire colorié, est de 76 cm de hauteur et de 29,5 cm de largeur. Elle représente le chef des scribes de la cour royale de la Ve dynastie, assis et tenant un papyrus sur ses jambes. Cette statue de l’Ancien Empire a été sculptée entre 2400 et 2300 av. J.-C. Sekhemka était sorti de l’Egypte par Lord Northampton— considéré comme l’un des plus riches aristocrates anglais — de la zone de Saqqara au XIXe siècle, en 1849-1850, et a été offert au Musée Northampton avant 1880.
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