Les nouvelles lois anti-harcèlement promulguées dernièrement par l’ex-président Adly Mansour ont été bien accueillies par les professionnels du tourisme, qui souffraient des conséquences de ce phénomène qui a pris de l’ampleur.
99,3 % des Egyptiennes sont victimes de harcèlement sexuel, selon une récente étude de l’Organisation des Nations-Unies pour les femmes (UN Women). Une vérité qui choque. Mais le harcèlement sexuel ne touche pas que les Egyptiennes, les touristes en sont souvent victimes, ce qui nuit à la réputation de l’Egypte. Il y a quelques semaines, dans la station balnéaire de Charm Al-Cheikh, un agent de sécurité d’un hôtel a été accusé d’être entré dans la chambre d’une touriste russe et d’avoir tenté de la violer. Toujours à Charm Al-Cheikh, une touriste britannique a accusé un employé dans un hôtel de l’avoir violée. « Ce genre d’incident nuit à la réputation du tourisme égyptien. Le harcèlement sexuel est un phénomène qui s’est répandu comme un cancer en Egypte. Il risque de nous faire perdre une grande partie de nos touristes. Ainsi, il faut y faire face fermement », assure Adel Shokri, expert dans le tourisme.
Selon les études de l’Organisation mondiale du tourisme, l’Egypte est l’un des pays où les touristes souffrent le plus du harcèlement sexuel dans la rue. Un fait qui a poussé plusieurs pays occidentaux à mettre en garde leurs ressortissantes contre le risque encouru en Egypte. Certaines ambassades au Caire ont mis en garde leurs concitoyens contre les actes de harcèlement et ont même pris des mesures pour les protéger. « Avant de visiter l’Egypte, l’agence avec laquelle j’ai réservé mon voyage m’a avertie des risques de harcèlement sexuel. On nous a conseillé de mettre des habits longs, d’éviter les vêtements à manches courtes ou les décolletés, de marcher en groupe dans la rue et de ne pas utiliser les moyens de transport public. Une fois en Egypte, j’étais choquée. Les hommes me dévoraient des yeux même à l’hôtel où je séjournais », raconte Fransesca Valdini, touriste italienne. Elle ajoute que le guide touristique lui a conseillé de ne pas rester seule dans un bazar de peur d’être harcelée par le vendeur. « C’est difficile, je ne me sentais pas à l’aise avec de telles restrictions », reprend Fransesca.
Quant à Marie-Hélène, une Française résidant en Egypte depuis plus de cinq ans, elle assure que marcherdans la rue en Egypte est un calvaire. 90% des hommes dans la rue draguent les femmes et les harcèlent sexuellement non seulement avec les paroles mais aussi avec les gestes. « J’ai vu de mes propres yeux des gamins au centre-ville qui harcelaient deux touristes sortant du Musée égyptien et en fin de compte l’un des gamins a fessé l’une des étrangères. Il a ensuite pris la clé des champs. Personne n’est intervenu pour les aider ou les soulager », s’indigne Marie-Hélène. Une scène choquante et qui nuit à l’image de l’Egypte. Selon Marie-Hélène, ce qui est étonnant c’est que ce phénomène existe aussi dans les hôtels. Les professionnels des hôtels sont censés être habitués à voir, parler et traiter avec les étrangères. Ils doivent comprendre et respecter la culture d’autrui. Pourtant, beaucoup d’employés d’hôtels essayent de nouer des relations avec des touristes ou les harceler. « Apparemment, les hommes en Egypte ne résistent pas aux yeux colorés, aux cheveux blonds, et aux bikinis des Occidentales. En plus, ils pensent que les étrangères sont des proies faciles avec leurs vêtements et leur comportement spontané », lance Marie sur un air sarcastique.
Pour faire face à ce phénomène, le ministère du Tourisme a pris une série de mesures. La première a été la fermeture des deux hôtels qui ont connu des tentatives de viol sur des touristes à Charm Al-Cheikh. « Ce n’est pas tout. Le ministère a lancé une campagne pour mettre fin à ce phénomène et a proposé une nouvelle loi pour le harcèlement sexuel au président de la République. En fait, la loi actuelle ne définit pas clairement le phénomène du harcèlement sexuel et n’est pas suffisamment dissuasive. Le projet de loi vise à durcir les peines contre le harcèlement pour atteindre 10 ou 15 ans de prison », explique Racha Al-Azaizy, conseillère médiatique et porte-parole du ministère du Tourisme. En outre, les hôtels seront désormais obligés d’installer des caméras de surveillance 24 heures sur 24. De même, la surveillance des rues, des souks et des centres commerciaux sera renforcée. « Lors de sa réunion avec la Chambre des hôtels, le ministre du Tourisme a averti que les propriétaires des hôtels impliqués dans des cas de harcèlement sexuel se verront retirer leur licences », ajoute Racha Al-Azaizy.
En outre, un protocole a été signé entre la Chambre des hôtels et l’initiative Shoft Taharosh (j’ai vu un harcèlement) afin de sensibiliser les employés des hôtels dans les villes touristiques aux conséquences négatives du harcèlement sexuel sur l’industrie du tourisme en Egypte. Selon Azza Kamel, présidente de l’initiative, cette campagne vise aussi à sensibiliser les employés dans les bazars et les sites touristiques. Cette campagne qui durera huit mois commencera à Charm Al-Cheikh cette semaine. « Le harcèlement sexuel des touristes est très délicat car la réputation de l’Egypte est en cause », se lamente Azza Kamel qui pense qu’il y a quand même un espoir, étant donné que le premier pas pour résoudre un problème consiste à reconnaître son existence. « Au moins, maintenant, les médias parleront franchement du harcèlement que subissent les touristes », conclut Azza Kamel.
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