Les soins médicaux avant les conquêtes arabes variaient d’un pays à un autre. Chaque maladie avait son lieu de soin ou d’isolement qui lui est particulier et qui se trouvait dans un endroit éloigné des résidences des citoyens. Au cours des guerres de l’époque du prophète Mohamad, les armées disposaient d’un hôpital mobile qui suivait les troupes pour soigner les soldats après les batailles.
Petit à petit, des établissements où les malades étaient accueillis et pris en charge par un personnel qualifié étaient fondés à l’âge d’or de la civilisation islamique médiévale. Les hôpitaux étaient soit fixes ou encore mobiles.
A noter que le plus ancien complexe médical découvert jusqu’à aujourd’hui est le bimaristan perse, remontant au IIIe siècle, qui se trouve dans l’actuel Iran. Suite à la conquête arabe en 638, ce modèle a été copié et le premier bimaristan arabe fut fondé en 707 par le calife Al-Walid bin Abdel-Malek à Damas.
« Bimaristan » signifie au sens moderne « hôpital ». Ce mot est composé du « bimar » signifiant malade ou blessé et « stan » signifiant maison. « Ce sont les premiers hôpitaux publics en Egypte, et qui étaient aussi considérés comme des écoles où l’on apprenait la médecine », explique l’historien et expert archéologique Nasser Al-Kalawy, signalant que le traitement au sein de ces maisons de soins était gratuit. « Avec la propagation de l’islam, les lieux de soin se sont développés et les bimaristans arabes disposaient de médecins spécialistes dans chaque maladie, en plus d’une équipe d’infirmiers qui examinaient et traitaient chaque patient, alors que les autres lieux de traitement ne possédaient qu’un seul médecin qui s’occupait de tous les malades », explique Mahmoud Abdel-Basset, directeur des monuments du Caire historique auprès du ministère du Tourisme et des Antiquités. Selon lui, le choix de l’endroit du bimaristan répondait à des critères spéciaux. « Pour construire un hôpital, il fallait choisir un endroit sec et bien aéré. Ces édifices disposaient de plusieurs salles pour les différentes maladies. D’autres espaces étaient consacrés aux laboratoires, aux bains et aux cuisines, il y existait de même des lieux de culte et des pharmacies », signale Abdel-Basset. Les bimaristans étaient également divisés en deux sections, une consacrée aux hommes et une autre aux femmes. Chaque section disposait de plusieurs salles, dont chacune était destinée à une maladie particulière et dirigée par un ou plusieurs médecins. « Les bimaristans avaient principalement deux objectifs : le bien-être des patients et la formation des nouveaux médecins », assure Abdel-Basset.
En Egypte, le développement des bimaristans a surtout commencé en 872 avec Ahmad Ibn Touloun, qui a ordonné de fonder le premier hôpital public. C’est à cette époque que l’hôpital d’Al-Fostat a été créé. « Cet hôpital a été nommé ainsi en raison de son emplacement au sud-ouest de Fostat. Il a fonctionné pendant environ 600 ans et a fourni tous les traitements gratuitement », retrace Al-Kalawy. Près de l’hôpital de Fostat, Ibn Touloun a également établi une pharmacie pour fournir des soins médicaux d’urgence.
Deux exemples de valeur restants
A la rue Al-Moez Li Dine Allah, au Caire historique, se trouve le bimaristan Al-Mansouri, qui a pris le nom de son fondateur Al-Mansour bin Qalaoun (1280-1290). « D’après les historiens, Al-Mansour bin Qalaoun a été gravement blessé lors d’une guerre et a été soigné dans un bimaristan à Damas. Régnant sur l’Egypte, il a décidé de créer un hôpital similaire », souligne l’historien Al-Kalawy. Fondé en 1284, le bimaristan Al-Mansouri était la cause essentielle de la fondation d’un complexe renfermant, en plus de ce lieu de soin médical, un mausolée et une madrasa (école) où la médecine était également enseignée. « Le bimaristan Al-Mansouri était grand et pouvait accueillir jusqu’à 8 000 lits fournissant des soins gratuits aux riches comme aux pauvres », assure Abdel-Basset, ajoutant que l’hôpital a continué à fonctionner jusqu’au XVe siècle. « Il se trouve toujours au Caire au sein du complexe de Qalaoun. Bien que ce bimaristan ait été négligé pendant des décennies et ait perdu beaucoup de ses éléments architecturaux, le complexe garde toujours sa valeur », estime Abdel-Basset, ajoutant que ce genre d’hôpital était financé par des dons.
En plus du bimaristan de Qalaoun, le sultan Al-Muayyad Cheikh Aboul-Nasr Al-Mahmoudi, l’un des sultans de l’Etat mamelouk circassien en Egypte, a décidé de fonder un deuxième bimaristan sur une superficie de 1 471 m². Sur les vestiges de la madrasa du sultan Al-Achraf Chaaban, au pied de la Citadelle ayyoubide, le sultan Al-Muayyad a construit, entre 1418 et 1420, le bimaristan portant son nom. Mais après la mort d’Al-Muayyad Cheikh, le bimaristan a cessé de fonctionner et s’est transformé en un lieu de repos et un domicile pour les messagers et les visiteurs du sultan. « Le bâtiment a conservé sa splendide façade, l’une des plus belles du Caire. C’est assez symétrique, la partie médiane était rehaussée d’une fenêtre à arc brisé divisée par une paire de colonnettes autour desquelles est sculpté un serpent qui est le symbole de la guérison », explique l’historien Al-Kalawy, assurant que cet édifice jouit aussi d’une vingtaine de degrés d’escalier de chaque côté et des motifs décoratifs ornant son entrée.
Malgré l’importance de ce bimaristan, il est resté caché comme site archéologique derrière la mosquée d’Al-Sukari jusqu’à ce que le comité de conservation de l’art arabe le découvre à la fin du XIXe siècle. « Au sein du bimaristan d’Al-Muayyad se trouve un tunnel qui le relie à la Tekiyya de Taqieddine Al-Bastami, ce qui en fait un seul grand site », retrace Al-Kalawy, signalant qu’en 2018, un grand projet de restauration a été réalisé par le ministère du Tourisme et des Antiquités.
En effet, l’Egypte a connu, au cours de l’ère islamique, la fondation de dix bimaristans, dont un à Alexandrie et le reste au Caire.
Pour un tourisme durable à Darb Al-Labbana
Dans le cadre du projet de la Gestion intégrée du tourisme culturel (Integrated Management of Cultural Tourism, IMCT), financé par l’USAID, la réutilisation du cluster du quartier de Darb Al-Labbana, renfermant le Bimaristan d’Al-Muayyed Cheikh et la Tekiyya de Taqieddine Al-Bastami, est signalée. Selon le plan proposé, ce site peut être utilisé comme zone culturelle : des concerts ou des expositions peuvent être organisés en plein air. Quant à la cour d’entrée, les responsables du projet ont proposé d’en faire une zone d’attente ou de services destinés aux visiteurs en attendant leur tour pour assister aux spectacles tenus au bimaristan.
Le projet de réutilisation offert aux investisseurs égyptiens après l’approbation du ministère du Tourisme et des Antiquités consiste également à réhabiliter les salles de bains existantes et à fonder un centre de visite renfermant un restaurant avec cuisine, des toilettes supplémentaires et des salles d’attente.
Suite à un protocole signé avec le Conseil Suprême des Antiquités égyptien (CSA) en juillet 2023, c’est l’IMCT qui se charge de toutes les activités de restauration et de rénovation de 10 sites déterminés au Caire et à Louqsor, y compris les grands travaux de réhabilitation des espaces et l’éclairage. Il s’agit des sites au Caire divisés en trois groupes : Bab Zoweila, Al-Darb Al-Ahmar et Darb Al-Labbana, ainsi que deux sites à Thèbes.
En effet, l’IMCT a préparé un document détaillé pour l’exploitation de chacun des sites. D’après les études de faisabilité, le coût estimé et les bénéfices sont montrés en détail aux investisseurs. L’objectif de l’IMCT est de jeter les bases d’une approche plus durable de la gestion du tourisme culturel, en positionnant l’Egypte comme une destination touristique pour les années à venir.
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