En collaboration avec le bureau régional de l’UNESCO en Egypte, le Musée égyptien du Caire, situé place Tahrir, organise une exposition sur le patrimoine intangible. Financée par l’UNESCO, l’exposition intitulée « Le patrimoine culturel intangible, un pont de dialogue entre les cultures » occupe la salle 44 au rez-de-chaussée du musée. Son titre révèle l’originalité de l’exposition et des oeuvres qui y sont présentées. « Le patrimoine immatériel est un domaine auquel l’UNESCO accorde dernièrement une grande importance », souligne Loutfi Abdel-Hamid, directeur des affaires archéologiques au Musée égyptien et membre du comité qui a sélectionné les oeuvres présentées. « L’exposition, à travers les pièces présentées, relie le passé au présent, puisque les thèmes du patrimoine immatériel remontent à des milliers d’années et continuent à exister parmi le peuple jusqu’à nos jours », souligne le directeur général du musée, Ali Abdel-Halim, lors de l’inauguration de l’exposition, qui se poursuivra jusqu’au 15 novembre.
L’exposition met l’accent sur huit éléments inscrits sur les registres du patrimoine intangible de l’UNESCO : l’épopée d’Al-Sira Al-Hilaliya, le tahtib (jeu du bâton), les marionnettes à gaine traditionnelles (Al-Aragoz), le tissage à la main en Haute-Egypte, la calligraphie arabe, les festivités associées au voyage de la Sainte Famille en Egypte, les pratiques liées aux palmiers-dattiers et les arts associés à la gravure sur les métaux (or, argent et cuivre). Pour ce faire, les organisateurs ont eu l’idée d’utiliser la vitrine octogonale, l’une des plus anciennes vitrines du Musée égyptien, pour exposer les pièces. Dans chaque angle de la vitrine, les organisateurs ont déposé des pièces reflétant les origines de l’un de ces éléments. « Bien que l’épopée d’Al-Sira Al-Hilaliya raconte des événements au nord de l’Afrique, ses origines remontent à la légende d’Isis et Osiris. Cette partie de la vitrine présente aux visiteurs les membres de la famille d’Osiris, le protagoniste de l’épopée légendaire de l’Egypte Ancienne », explique Abdel-Hamid. Le visiteur y trouve alors les statuettes d’Osiris, son frère Seth, sa soeur Neftis et son épouse Isis, ainsi que son fils Horus.
Outre l’épopée légendaire racontée par les chanteurs populaires, l’Aragoz attire les enfants avec ses récits et sa voix bien distincte. « Le musée consacre alors un angle de la vitrine aux jouets des enfants, comme les poupées, le chariot roulant à deux chevaux, la grenouille qui ouvre son bec et bien d’autres, qui remontent à l’Ancien Empire », reprend-il. Quant au jeu du bâton, le tahtib, il est pratiqué partout sur le territoire égyptien, notamment en Haute-Egypte. Pour les conservateurs du musée, cet art est ancré dans les traditions égyptiennes. Ainsi, l’exposition offre à ses visiteurs trois anciens bâtons dans l’un des casiers de la vitrine octogonale. L’exposition enrichit les connaissances de ses visiteurs par des QR Codes qui montrent certaines pièces du jeu du bâton se trouvant dans d’autres salles du musée. « La salle 32, par exemple, renferme une stèle décrivant des pêcheurs sur des bateaux qui se querellent avec des bâtons », explique Abdel-Hamid, ajoutant que le choix de petites pièces pour l’exposition est dû à la facilité de leur transfert, et également pour attirer l’attention des visiteurs sur ces oeuvres négligées malgré leur valeur esthétique et archéologique.
Les pièces exposées mettent également en lumière les festivités et les instruments musicaux utilisés jusqu’à nos jours, notamment dans les célébrations religieuses qui accompagnent l’entrée de la Sainte Famille en Egypte. Les castagnettes et les flûtes font partie des instruments de musique utilisés depuis les époques anciennes jusqu’à aujourd’hui. Une maquette représentative d’une troupe musicale y est exposée. Selon l’égyptologue Loutfi Abdel-Hamid, le Musée égyptien expose une stèle dans l’une de ses salles décrivant des signes musicaux.
Si le tissage à la main est un patrimoine immatériel encore vivant en Haute-Egypte, cet art et ses instruments se trouvent avec densité dans les musées égyptiens, notamment celui de Tahrir. Un instrument de tissage remontant à l’Egypte Ancienne y est présenté et est, selon les égyptologues, utilisé jusqu’à nos jours dans certains villages égyptiens.
(Photo : Doaa Elhami)
Un lien régional
Quelques-uns des huit éléments inscrits sur les registres du patrimoine immatériel sont communs avec les pays voisins, reflétant « le pont thématique », selon les propres termes de Nuria Sanz, directrice du bureau régional de l’UNESCO. Elle explique que les archives photographiques et la vidéo de l’UNESCO, qui font partie de l’exposition temporaire, reflètent des matériaux, des techniques, des significations sociales et des pratiques collectives qui perdurent aujourd’hui. L’artisanat du palmier-dattier, par exemple, est considéré à la fois comme une tradition artisanale et culinaire. « Le Musée égyptien expose un ostracon d’un palmier avec une densité de doums pendus, ainsi qu’un panier de branches de palmier-dattier de l’Egypte Ancienne », commente Abdel-Hamid, soulignant que les dattiers et les palmes de doum symbolisaient la longévité de la vie et le renouvellement dans l’au-delà dans la mythologie égyptienne.
La calligraphie fait également partie des pratiques collectives. « Elle raconte l’histoire du rôle du copiste, des techniques utilisées et de la préservation de la diversité linguistique », souligne la directrice. L’Egypte fait partie des premiers pays à avoir connu l’écriture au monde entier. L’exposition y présente un plumier en bois renfermant des restes d’oxydes utilisés dans l’écriture à des époques anciennes, un groupe de pinceaux en bois, ainsi qu’un papyrus illustrant une scène colorée accompagnée de lignes verticales de texte funéraire reflétant l’habileté du scribe. La présence du papyrus révèle une fabrication qui persiste jusqu’à nos jours au village de Qaramos, dans le gouvernorat de Charqiya, dans le Delta égyptien. Le dossier de cet élément du patrimoine culturel immatériel est en cours de préparation pour être présenté à l’UNESCO.
Le dernier et plus récent élément inscrit concerne les arts, savoir-faire et pratiques associés à la gravure sur métaux (or, argent et cuivre). Les organisateurs ont saisi cette occasion pour présenter trois statues restaurées qui étaient conservées dans les dépôts du musée, dont l’une incarne le roi Pépi II.
Les pièces reflétant le patrimoine immatériel égyptien sont accompagnées de photos descriptives de ces huit éléments, ainsi que d’un documentaire en deux versions, anglaise et française, qui emmène le visiteur dans les dédales des ateliers du savoir-faire de ces éléments. L’UNESCO a enrichi l’exposition d’éléments du patrimoine intangible présents à travers le monde. Il y a également des cartes indiquant les pays où ces éléments du patrimoine intangible sont inscrits.
Selon les experts, cette exposition diffuse le concept de patrimoine intangible parmi le grand public et souligne son importance, tout en incitant les instances concernées à déployer davantage d’efforts pour la conservation de ce type de patrimoine.
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