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Pour que nos trésors rentrent à la maison

Nasma Réda, Samedi, 14 septembre 2024

Au cours des dernières années, l’Egypte a intensifié ses efforts pour récupérer les antiquités volées et sorties illégalement du pays. Et ce, grâce au travail acharné du département de restitution des pièces pillées.

Pour que nos trésors rentrent à la maison

La restitution de trois pièces de l’époque tardive, la semaine dernière, des Pays-Bas, rouvre le dossier de la récupération des antiquités pillées. Il s’agit en effet du retour d’une statuette ouchebti en faïence, une partie d’un sarcophage en bois décoré par des inscriptions représentant la déesse Isis et une tête d’une momie. « Les efforts de l’Etat égyptien pour récupérer ses richesses archéologiques sorties clandestinement à l’étranger s’inscrivent dans le cadre de la préservation de son patrimoine culturel », assure Mohamed Khaled, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA),

Les efforts visant à récupérer les pièces égyptiennes pillées est le travail essentiel d’un département créé spécifiquement au sein du CSA en 2002 pour restituer les chefs-d’oeuvre égyptiens sortis illégalement du pays. Mis en place par l’archéologue Zahi Hawas, le département a pu restituer près de 6 000 pièces égyptiennes de différents pays au cours des neuf premières années de son travail. Mais avec le déclenchement de la Révolution de Janvier 2011, ainsi que les événements du « Printemps arabe » qui ont touché presque tous les pays voisins, les fouilles illicites et le trafic des antiquités ont augmenté de façon remarquable.

« Ce n’est qu’en 2014 que le département de restitution des pièces antiques s’est remis à la tâche et a réussi à récupérer des objets de valeur », souligne Ali Ahmed, ex-directeur de ce département. Il cite comme exemple la récupération, en avril dernier, d’un fragment d’une statue colossale de Ramsès II qui se trouvait à Berne. « Cette pièce avait été volée d’un temple ramesside à Abydos. Ce n’est qu’en 2013 que le ministre des Antiquités de l’époque nous a fourni tous les documents et photos nécessaires concernant cette pièce manquante du colosse de Ramsès, donnant ordre de poursuivre ses traces pour la récupérer. Ce fragment a été exposé à la maison de vente aux enchères Christie’s à Londres en 2013, il est passé par plusieurs pays avant d’arriver en Suisse », se souvient Ali Ahmed.

Des temps de gloire marquent le travail de ce département. En 2018, l’Italie a rendu à l’Egypte le plus grand lot de monuments avec 21 855 pièces sorties illégalement du pays. Il s’agit d’un conteneur dit « diplomatique » comprenant des pièces antiques de différentes époques qui a été arrêté par les autorités italiennes au port de Salerno en 2017.

30 000 pièces récupérées, d’autres perdues à jamais

En outre, courant 2021, près de 5 000 objets ont été rapatriés des Etats-Unis, 115 de France et 36 d’Espagne. Et en septembre 2022, 16 oeuvres sont parvenues des Etats-Unis et en octobre de la même année, une statue en bronze de la déesse Isis est parvenue de Suisse.

De même, en 2019, le Metropolitan Museum of Art de New York a rendu à l’Egypte le sarcophage doré de Nedjemankh, datant du Ier siècle av. J.-C., après avoir appris qu’il provenait d’un pillage.

La restitution du squelette humain de Nazlet Khater, au gouvernorat de Sohag, est une réussite qui s’ajoute aux réalisations du ministère. « Cette pièce préhistorique rare fait partie actuellement de la scénographie du Musée national de la civilisation égyptienne (NMEC) à Fostat », explique Ali Ahmed.

Avec près de 30 000 pièces restituées depuis 2014, le département de restitution des pièces antiques veille sur le marché de l’art pour identifier les pièces suspectes en annonçant régulièrement des restitutions.

Malgré les efforts déployés par le département du CSA, deux flagrants exemples marquent l’échec de récupération des pièces sorties illégalement du pays. En 2014, la statue en calcaire colorié de Sekhemka, chef des scribes de la cour royale à la Ve dynastie, a été vendue par la maison Christie’s à 15,76 millions de livres sterling pour le compte du musée Northampton. En plus, les autorités égyptiennes n’ont réussi ni à arrêter la vente d’un portrait sculpté de Toutankhamon ni à la restituer. L’oeuvre a finalement été vendue en 2019 à Londres, à 5,3 millions d’euros.

« Le département travaille avec de hauts responsables de l’Etat, les ministères des Affaires étrangères et de la Justice, leurs homologues étrangers et Interpol », explique Ali Ahmed.

« C’est souvent le résultat de négociations diplomatiques, de décisions de justice ou de changements de politique des musées et des institutions culturelles », explique l’égyptologue Monica Hana. « Il est temps que le département de restitution des pièces antiques élargisse son travail et coure derrière non seulement les pièces sorties illégalement du pays, mais encore celles sorties pendant l’ère de colonisation », conclut Hana.

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