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Le Caire à travers l’Histoire

Nasma Réda, Mercredi, 24 juillet 2024

Al-Fostat, Al-Askar et Al-Qataïe sont les trois premières capitales de l’Egypte qui ont donné naissance au Caire d’aujourd’hui. Ces villes ont produit une richesse culturelle, urbaine et historique incomparable.

Le Caire à travers l’Histoire
L’époque toulounide reste vivante en présence de la mosquée d’Ahmad Ibn Touloun.

Les différentes capitales de l’Egypte ont contribué à former l’actuel Caire, réputé pour sa richesse culturelle, urbaine et historique. A chaque extension urbaine et changement de lieu de gouvernance, cette ville a acquis un caractère unique qui en a fait l’une des plus riches du monde arabe et islamique.

Avec l’arrivée de l’islam en Egypte en 641, la ville de Fostat fut établie à l’est du Nil. Sur les vestiges de la forteresse romaine de Babylone, le commandant Amr Ibn Al-Ass choisit cette région pour en faire la capitale de l’Egypte. « Amr Ibn Al-Ass sélectionna cette région, située à l’emplacement actuel du Vieux-Caire, non seulement pour y loger ses soldats, mais aussi pour en faire le siège du gouvernement, après son déplacement depuis Alexandrie à la fin de la période gréco-romaine, longue de presque mille ans », explique Mahmoud Al-Hosari, professeur d’archéologie à l’Université d’Al-Wadi Al-Guédid, ajoutant que la mosquée d’Ibn Al-As témoigne de cette époque. Cette mosquée servait non seulement de lieu de prière, mais aussi d’école religieuse et de centre administratif au coeur de la capitale.


La mosquée fatimide d’Al-Azhar accueille ses fidèles.

Al-Fostat demeura le siège du gouvernement jusqu’en 751. Pendant cette période, la capitale s’étendit et de nouveaux quartiers se formèrent. Avec la chute des Omeyyades et la fuite de leur dernier calife, Marwan Ibn Mohamad, les Abbassides prirent le contrôle de l’Egypte et préférèrent établir leur propre capitale au nord-est de Fostat. Cette nouvelle ville fut d’abord appelée Al-Moaskar, avant de devenir Al-Askar. « Durant l’ère abbasside, Al-Fostat demeura une ville importante pour le peuple et un centre de commerce. Les émirs abbassides y érigèrent des palais et des résidences, ainsi que des camps pour leurs soldats à Al-Askar, qui devint ainsi la nouvelle et la deuxième capitale islamique de l’Egypte », souligne l’historien Nasser Al-Kelawy. Selon lui, bien que 65 walis (gouverneurs) y aient résidé pendant une période de 118 ans, il ne reste aucune trace notable de cette capitale, qui fut le lieu de construction de Dar Al-Imara, grand siège du pouvoir, et de la mosquée d’Al-Askar. Selon les historiens, Al-Askar s’est liée à Fostat et des jardins, des rues et des marchés y ont été construits au cours du règne des Abbassides.

Après plus d’un siècle, en raison de la faiblesse de l’Etat abbasside à Bagdad, qui formait un empire dominant plusieurs pays musulmans, dont l’Egypte, Ahmad Ibn Touloun a pu prendre le contrôle de l’Egypte après avoir détruit la capitale abbasside et effacé toutes ses traces. En se dirigeant un peu plus vers le nord, il a construit son palais résidentiel et y a installé ses partisans, ainsi que les hautes personnalités de l’Etat. « A travers de nombreuses réformes économiques et culturelles, Ibn Touloun a créé une nouvelle capitale administrative qu’il a nommée Al-Qataïe, où il a construit sa mosquée, actuellement connue sous son nom », raconte Al-Kelawy.

Bien que le règne des Toulounides n’ait duré qu’environ 35 ans, Al-Qataïe était une capitale très organisée avec de nouveaux établissements urbains comprenant l’infrastructure nécessaire à l’essor d’une ville : palais du gouverneur, grande mosquée, souks, rues, résidences et lieux de loisirs.


Le palais d’Al-Ittihadiya est depuis les années 1980 le siège présidentiel.

La création du Caire

« Après avoir vaincu les Abbassides en 969, l’armée fatimide, venue du nord de l’Afrique et dirigée par le vizir et commandant Gawhar Al-Saqelli sous la régence du calife Al-Moez Li Dine Allah, campa sur une plaine sablonneuse à environ 1 km au nord d’Al-Askar déjà détruite et à Al-Fostat qui continuait de s’étendre, ainsi qu’à Al-Qataïe qui demeurait au nord d’Al-Askar », explique Al-Hosari, soulignant que dès son arrivée, Gawhar Al-Saqelli commença à tracer la nouvelle ville et capitale fatimide. Pour la première fois, la nouvelle cité fut entourée de murailles en briques crues avec sept portes. « L’enceinte fortifiée était une idée novatrice qui non seulement protégeait la ville des ennemis, mais également symbolisait une séparation entre le peuple égyptien et ses nouveaux dirigeants », indique le chercheur en archéologie Ahmed Amer.

Les Fatimides, réputés pour leur compétence en architecture, ont créé plusieurs édifices islamiques qui existent encore aujourd’hui, tels que les mosquées d’Al-Azhar, d’Al-Hakem et d’Al-Aqmar. « C’est avec l’accession du calife fatimide Al-Moez Li Dine Allah que la capitale prit le nom d’Al-Qahira, dont le nom moderne du Caire est dérivé », relate l’historien, ajoutant que le nouveau calife et sa famille résidaient dans les palais royaux en plus des bâtiments administratifs pour les services officiels. Tout le terrain appartenait au calife, qui attribuait des résidences aux différents groupes. Chaque groupe d’employés, d’artisans ou de militaires occupait un espace de cette ville close.


La moquée de Amr Ibn Al-Ass est la première mosquée en Egypte.

En effet, Al-Qahira (qui signifie « la victorieuse » en arabe) abritait certaines industries comme le tissage et la broderie des vêtements officiels, tandis que les industries de base considérées comme polluantes, telles que les fours de potiers et les raffineries de canne à sucre, étaient situées à Al-Fostat. A mesure que la population augmentait, le vizir fatimide Badr Al-Gamali fut contraint de construire une nouvelle enceinte englobant la ville pour renforcer la protection de la capitale et du siège gouvernemental.

La citadelle unit les capitales

Le plan de la capitale fut modifié de manière significative à l’époque de Salaheddine Al-Ayyoubi (Saladin), qui prit le pouvoir des Fatimides en 1169 et régna jusqu’en 1193. Saladin entreprit de construire un nouveau mur unifiant Al-Qahira et Al-Fostat dans une seule grande ville, dix fois plus étendue que la capitale fatimide. Inspiré par l’architecture militaire, le calife ayyoubide réalisa un projet de muraille défensive entourant l’ensemble du Caire, et non plus seulement la cité princière, comme à l’époque fatimide. Le tout fut dominé par une citadelle construite sur la montagne surplombant la ville.

Avec la construction de la citadelle, l’unité du Caire fut réalisée, d’autant plus que Saladin fit détruire les palais des Fatimides et ouvrit les portes d’Al-Qahira au peuple. « Il n’y avait plus de distinction entre une cité princière et une ville populaire, mais un seul grand ensemble dominé par la citadelle et entouré d’une muraille, symbole tangible de la prospérité retrouvée et limite de la nouvelle extension urbaine », explique Al-Kelawy. Le plan urbain de la capitale égyptienne vit alors l’émergence de nouvelles architectures telles que les « sabils » (fontaines d’eau), les « wékalats » (centres accueillant les commerçants étrangers) et les « kottabs » (écoles coraniques).

A partir de cette époque, le siège gouvernemental resta longtemps au sein de cette forteresse qui se développait jour après jour, chaque dirigeant y érigeant son propre monument. Il est à noter qu’au cours de la période mamelouke, Le Caire fut caractérisé par un grand dynamisme urbain, et les quartiers se développèrent rapidement. « La capitale attirait l’attention de tout le monde islamique », souligne Amer, soulignant que grâce à son histoire longue, son emplacement central parmi les pays islamiques et sa riche collection de monuments de différentes époques, Le Caire a acquis sa réputation.


La citadelle ayyoubide était pour longtemps le siège gouvernemental.

Depuis l’époque ayyoubide, la Citadelle est le témoin de nombreux événements tout au long de l’histoire de l’Egypte. « Pendant de nombreux siècles, c’était le siège du roi et de son gouvernement. Après les Ayyoubides, les Mamelouks, puis même certains Ottomans, Mohamed Ali et la famille alide ont tour à tour régné sur l’Egypte depuis la citadelle », souligne Al-Kelawy.

Les contributions de la famille alide

Au XIXe siècle et suite l’accession au pouvoir de la famille alide, Le Caire a connu d’importantes extensions urbaines, notamment avec la construction de nouveaux palais royaux et l’élargissement des rues pour créer des quartiers modernes.

Le siège gouvernemental a également subi une transformation dynamique. Le khédive Ismaïl souhaitait donner à sa capitale l’aspect d’un Paris de l’Orient. Il donna ainsi l’ordre de construire le Palais de Abdine (1873-1883), qui devint le nouveau siège de l’Etat pendant près d’un siècle.

Au début du XXe siècle, le baron belge Edouard Empain, l’un des hommes les plus riches du monde à l’époque, construisit la banlieue d’Héliopolis. L’hôtel Heliopolis Palace, avec son décor et ses salles de style néo-islamique distinctif, devint une attraction touristique prisée par de nombreuses personnalités royales. Cependant, après la Révolution du 23 Juillet 1952 et la transformation de l’Egypte en république, cet hôtel fut abandonné. Il rouvrit dans les années 1960 et accueillit plusieurs événements gouvernementaux jusqu’à sa transformation en 1972 en siège de l’Union des Républiques arabes (Egypte, Syrie et Libye) ; il fut alors rebaptisé Al-Ittihadiya, signifiant « l’union ». « Ainsi, le siège présidentiel fut déplacé au palais d’Al-Ittihadiya dans les années 1980 à Héliopolis, tandis que les bâtiments ministériels restaient au centre-ville, mêlant les quartiers de cette capitale à une population diverse », raconte Al-Kelawy.


La grande mosquée est le joyau de la Nouvelle Capitale administrative.

Doté de nombreux monuments anciens et modernes, Le Caire est devenu un musée à ciel ouvert et un centre d’archives documentant le développement politique, social et architectural de l’Egypte.

Selon Al-Hosari, Le Caire continue de se développer. Face à la nécessité de maintenir la richesse historique et khédiviale du Caire islamique, ainsi qu’à l’expansion urbaine et à la surpopulation, il était devenu évident de vider les édifices historiques et de transférer les ministères et les services gouvernementaux vers un nouvel emplacement, d’où est née l’idée de la Nouvelle Capitale administrative, située à quelques dizaines de kilomètres à l’est du Caire.

Avec la rénovation des anciens édifices, Le Caire a été désigné comme Capitale culturelle du monde islamique en 2022 et capitale du tourisme en 2026 pour les Etats membres de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI). « Les nouveaux édifices architecturaux de la Nouvelle Capitale administrative ajoutent au Caire une beauté moderne emblématique », conclut Al-Hosari.

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