Les ouvriers révolutionnaires devant le temple de Habou et Papyrus racontant l’histoire de la grève.
En dépit de l’intérêt accordé aux ouvriers dans l’Egypte Ancienne, ceux-ci ont souffert d’injustice et de négligence de leurs droits dans des périodes difficiles de l’Histoire. Selon l’archéologue Ahmed Amer, l’Egypte a connu la première révolution sociale de l’histoire de l’humanité sous le règne du roi Pépi II, de la VIe dynastie, après avoir atteint l’âge de 94 ans. Affaibli, il a laissé le pouvoir à un groupe d’administrateurs ambitieux. « Les sources littéraires ont mis en lumière cette révolution telles que le Papyrus d’Ipuwer, le Papyrus de Haris, la prophétie de Neferti, qui est un papyrus datant de la XVIIIe dynastie, et sur deux tablettes en bois, ainsi qu’une vingtaine d’ostraca remontant à l’époque ramesside », explique Amer. Le Papyrus d’Ipuwer, conservé au Musée néerlandais de Leyde, écrit en hiératique, renferme un témoignage complet des troubles et de la corruption qui ont conduit à la chute de la VIe dynastie et à l’effondrement des classes de la société, y compris la classe ouvrière qui a perdu ses moyens de subsistance, et le chômage a augmenté. Il décrit dans son texte littéraire : « Les gens ne labouraient plus les champs, les gens attaquaient les entrepôts du gouvernement et les volaient, et ils attaquaient les tombes des rois. Le peuple a déversé sa colère sur les riches et a pillé les palais et les a brûlés ... Le sourire a disparu, personne ne sourit, et les plaintes qui envahissent le pays sont mêlées de lamentations, vraiment le grand et le pauvre disent : si seulement je pouvais mourir avant cela ». L’agriculture a également été perturbée, comme le mentionne le texte : « Le Nil a débordé et personne ne laboure pour lui-même, et tout le monde dit que nous ne savons pas ce qui se passera dans ce monde, et le blé est devenu rare », et l’industrie a été affectée : « Les artisans ne travaillent plus, et les ennemis du pays ont détruit ses arts ».
Quant aux textes littéraires des Papyrus de Haris, conservés au Musée britannique, et ceux de Turin, conservés au Musée égyptologique de Turin, ils mentionnent la première grève ouvrière qui a eu lieu sous le règne du roi Ramsès III. Amer confirme que l’une des principales raisons de cette grève était l’épuisement du trésor de l’Etat en raison des guerres menées par le roi qui visait la protection de l’Egypte contre les attaques des peuples de la mer, ainsi que le contrôle des prêtres sur les richesses du pays. Ce qui a conduit le gouvernement à ne pas être en mesure de respecter ses obligations envers les ouvriers, qui n’ont pas reçu leurs allocations à temps. Raison pour laquelle ils ont organisé leur grève à la 29e année du règne du roi Ramsès III. Cette grève a duré trois jours, et les ouvriers se sont rassemblés derrière le temple du roi Touthmosis III. Des discussions ont eu lieu entre des représentants des ouvriers et les policiers. Le papyrus de Turin ressemble à un journal, racontant les détails de la grève des ouvriers. « A l’époque, le chef de la police avait exprimé sa solidarité avec les revendications des travailleurs, tandis que certains responsables de l’Egypte Ancienne s’opposaient à la répression violente de la manifestation ouvrière », explique Ahmed Amer.
Ces premières manifestations ouvrières de l’Histoire témoignent de la capacité des travailleurs à s’organiser collectivement pour défendre leurs intérêts, obtenir leurs droits et améliorer leurs conditions de vie et de travail par des manifestations pacifiques.
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