Des ouvriers évacuant la tombe de Toutankhamon, lors de sa découverte en 1922. (Photo : Doaa Elhami)
Pour la première fois en plus d’un siècle, le grand public pourrait avoir accès au rôle fondamental des Egyptiens qui ont participé à la découverte de la tombe du célèbre roi-enfant, Toutankhamon. C’est ce que révèle l’exposition intitulée « Toutankhamon, Excavating The Archive. The Objects and the Archives » organisée par le Musée égyptien de Tahrir en coopération avec Griffith Institute qui conserve les archives de Howard Carter, l’égyptologue britannique qui a découvert la tombe du roi. Cette exposition, composée de photos, de dessins, de cartes et de notes de Carter, entraîne le visiteur dans les coulisses des fouilles réalisées dans la tombe, qui ont duré une dizaine d’années, de 1922 à 1932.
Ouverte le 4 février, l’exposition se terminera trois mois plus tard, soit le 4 mai. « Les remarques, les notes quotidiennes, les dessins, les cartes et les schémas réalisés par les membres de la mission anglaise, ainsi que les photos prises par le photographe de la mission Harry Burton font partie des archives du Griffith Institute-Egyptologie de l’Université d’Oxford à Londres », souligne Ali Abdel-Halim, directeur général du Musée égyptien de Tahrir. Ces documents ont été exposés au Griffith Institute lors des célébrations du centenaire de la découverte de la tombe de Toutankhamon, puis à l’ambassade britannique au Caire en 2023. « Nous avons demandé au Griffith Institute d’organiser la même exposition au Musée égyptien, afin de donner au grand public l’occasion de découvrir ces oeuvres inédites », poursuit le directeur.
Les organisateurs ont choisi avec soin l’emplacement de l’exposition qui se trouve au deuxième étage, près de la salle qui abrite le masque doré de Toutankhamon. « Le grand nombre de visiteurs qui vient admirer le masque doré du roi-enfant aura l’opportunité de s’immerger dans une visite fascinante pour revivre l’excitation des étapes de la découverte centenaire. Tous les documents de l’exposition sont uniquement en anglais, mais les visiteurs pourront scanner les codes QR sur les panneaux pour écouter les explications en anglais ou en arabe », souligne l’égyptologue Loutfi Abdel-Hamid, directeur des affaires archéologiques du musée.
L’exposition est composée de photos, de dessins, de cartes et de notes de Carter. (Photo : Doaa Elhami)
Le rôle oublié des Egyptiens
Le visiteur découvrira les correspondances entre Howard Carter et Lord Carnarvon qui finançait la mission de fouilles. Ces messages débutent avec un télégramme annonçant la découverte exceptionnelle : « Enfin j’ai une fantastique découverte dans la vallée. Une magnifique tombe avec des sceaux intacts. Recouverts de la même manière pour ton arrivée », lit le visiteur sur un panneau de l’exposition. Pour l’égyptologue Loutfi Abdel-Hamid, l’exposition met en avant l’insistance de Carter à annoncer tous les détails de la découverte, tels que les dates d’ouverture de nouvelles antichambres, dévoilées une à une tout au long des années de fouilles jusqu’à la découverte du masque doré. Il ajoute que Carter demandait également à Lord Carnarvon d’augmenter le budget de la mission afin d’obtenir des équipements et des ouvriers pour poursuivre les fouilles.
A travers les panneaux, le visiteur découvre le rôle fondamental des Egyptiens durant les fouilles. Carter sélectionnait des hommes expérimentés dans ce domaine qui l’accompagneraient pendant plusieurs années dans les missions de fouilles. Parmi eux, on peut citer raïs Ahmad Gerigar et ses collègues Gad Hassan, Hussein Abou Awad et Hussein Ahmad Saeid. « Malheureusement, Carter n’a pas mentionné ces personnes dans ses rapports officiels. Néanmoins, les photos prises par Harry Burton indiquent leur présence sur le site pendant les fouilles », peut-on lire sur les panneaux. L’une des photos les plus célèbres est celle de l’enfant nubien Hussein Abdel-Rassoul, âgé de 12 ans, portant un pectoral doré incrusté de pierres semi-précieuses. Cette photo, qui avait fait la une des journaux du monde entier à l’époque, a suscité plusieurs interprétations. Pour Abdel-Hamid, les travailleurs égyptiens étaient les véritables découvreurs des chambres et des antichambres de la tombe, ainsi que de leur contenu. « Ces locaux étaient fermés par des murs couverts de mortier, difficiles à distinguer dans la roche. Ce sont les ouvriers égyptiens qui avaient indiqué l’emplacement des portes internes cachées menant aux antichambres qui abritaient les célèbres chapelles dorées exposées aujourd’hui au Musée égyptien », souligne-t-il. Il ajoute que le gouverneur de Louqsor de l’époque, Smeika pacha, avait confié la surveillance de la tombe aux gardes égyptiens pour empêcher toute pièce de sortir du territoire égyptien, ce qui témoigne des efforts des autorités égyptiennes pour préserver leur patrimoine historique.
(Photo : Doaa Elhami)
Les photos occupent une place centrale dans l’exposition. Le photographe Harry Burton retrace, à travers ses photos, l’histoire de la découverte, la documentation et le transfert des pièces vers le Musée égyptien du Caire. Le visiteur découvre ainsi l’état intact des pièces dans les antichambres de la tombe, leur examen minutieux sur place et même leur dessin. « Le photographe a passé 10 jours à documenter en photos le trône royal », peut-on lire sur les panneaux. D’autres photos montrent les travailleurs transportant les pièces hors de la tombe, tandis qu’un troisième groupe de photos présente les pièces au musée avec leurs fiches explicatives.
L’exposition n’a pas manqué de présenter les croquis de certaines pièces et les textes inscrits sur d’autres. Pour l’égyptologue, les pièces de cette exposition constituent les archives personnelles de Howard Carter, conservée chez lui. C’est sa nièce, Phyllis Walker, en effet, qui les a offertes au Griffith Institute. Ces archives comprennent 48 plans, plus de 3 500 cartes enregistrées avec des photos, des journaux personnels et archéologiques, des notes et des dessins, sans oublier les comptes-rendus du déballage et de l’examen du corps du roi, ainsi que les croquis de Carter. « Ce type d’expositions organisées de temps à autre rappelle au grand public l’importance et la valeur de la découverte de la tombe du roi-enfant Toutankhamon », conclut l’égyptologue.
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