Pour la première fois, la salle des expositions privées du musée du Palais de Manial, situé au nord de l’île de Roda, présente des pièces inédites. A l’entrée, une peinture de taille nature représentant le prince Mohamad Ali Tawfiq attire les visiteurs. « Cette toile, qui représente le propriétaire du palais en costume et tarbouche, est le chef-d’oeuvre de l’exposition intitulée Trésors dissimulés, organisée à l’occasion du 120e anniversaire du palais », souligne Amal Seddiq, directrice du musée, ajoutant que les pièces qui sont présentées pour la première fois au public étaient conservées dans les dépôts du musée.
Inaugurée la semaine dernière, l’exposition prendra fin la dernière semaine du mois de janvier. Plus d’une vingtaine de pièces variées en matières et en volumes sont présentées. Le visiteur admirera des bijoux appartenant aux membres de la famille alide. Des boucles d’oreilles et des bagues de différentes formes en or incrustées de rubis, de turquoise et de diamants. Parmi les pièces importantes figure le collier d’honneur offert par le roi Fouad au prince Mohamad Ali. « En or, ce collier porte le nom du souverain orné de l’emblème de la famille alide, il y a aussi un collier en perle pure, ainsi que les médailles d’honneur du prince », souligne Sherif Said, directeur général des musées historiques au ministère du Tourisme et des Antiquités.
A part les bijoux, l’exposition présente également des pièces de grande valeur, tels deux encensoirs en or pur dont l’un est incrusté d’émail, deux cafetières en argent et des oeuvres en cristal bohémien ornées. Parmi ces oeuvres, on remarque la bonbonnière du mariage de la princesse Fawziya, fille du roi Fouad, avec le prince héritier du Royaume perse, Mohamed Reza Pahlavi, qui a eu lieu en 1939. « Cette bonbonnière porte l’emblème du Royaume perse, et non pas celle de la famille alide », souligne le directeur, ajoutant que toutes les pièces de l’exposition étaient conservées dans le musée privé du prince qui se trouve dans la salle du 2e étage du sérail de la résidence. Parmi les pièces particulières, on trouve une table en porcelaine avec un plateau orné de scènes d’un concert musical. « C’est l’une des pièces du musée qui a été récupérée du port de Suez avant sa sortie illégale du pays », souligne Said, notant que la table était entièrement couverte de plomb pour faciliter sa sortie. « Mais grâce aux inspecteurs archéologiques opérant sur les frontières, la pièce a été récupérée », reprend la directrice. L’exposition renferme également une collection de photos du prince Mohamad Ali Tawfiq qui retrace sa vie depuis son enfance.
Toujours dans le cadre des célébrations du 120e anniversaire, une autre exposition de photos est organisée dans la même salle, dans le but de mettre en relief la beauté du palais et de ses jardins. « Cette exposition est le produit d’un atelier de formation photographique tenu au musée », souligne la directrice. Elle ajoute que les photographes ont réussi à capturer les plus beaux cadres mettant en valeur la beauté des ornements islamiques et des mobiliers variés, des jardins et de la mosquée du palais.
Qui était le prince Mohamad Ali Tawfiq ?
Vases et flacons en cristal bohémien. (Photo : Doaa Elhami)
Fils cadet du khédive Tawfiq, le prince Mohamad Ali Tawfiq n’était pas dans la hiérarchie héritière du trône égyptien. Cependant, il était le régent à deux reprises : la première suite à la mort du roi Fouad Ier en 1936, alors que son fils Farouq, le prince héritier, était encore mineur et ne pouvait pas monter sur le trône. Et la deuxième et dernière fois était après la Révolution de 1952, lorsque le roi Farouq a été obligé d’abdiquer au profit de son fils Ahmad Fouad II, encore nourrisson. La période éphémère de sa régence émaillée de plusieurs cérémonies officielles comme l’ouverture de la session parlementaire de 1936 et l’inauguration de la gare de Ménouf, capitale du gouvernorat de Ménoufiya, dans le Delta en compagnie de Saïd Zoulfoqar pacha, chef du diwan royal.
Le collier d’honneur offert par le roi Fouad au prince Mohamad Ali. (Photo : Doaa Elhami)
Né en 1875 au Palais de Qobba à l’est du Caire, le prince Mohamad Ali est connu pour être le conservateur des traditions de sa famille. Il aimait les chevaux comme ses prédécesseurs, notamment le grand Mohamad Ali pacha, fondateur de la famille alide. Son amour pour les chevaux l’a incité à rédiger deux volumes sur l’élevage des chevaux arabes. Il était également fasciné par les voyages. Parmi ses visites les plus importantes il y a celle à Jérusalem. « Sa photo avec le mufti de Jérusalem dans la mosquée Qobbet Al-Sakhra (Dôme du rocher) le témoigne », souligne Sherif Said, directeur général des musées historiques. Fasciné par l’art islamique, il collectionnait beaucoup de chefs-d’oeuvre et les gardait dans son musée privé installé au Palais de Manial. Citons, à titre d’exemple, des manuscrits rares, ceux du Coran, des outils d’écriture, des tapis rares, de l’argenterie, ainsi que les cadeaux offerts par ses proches comme le roi Fouad. Le prince s’est éteint en 1954 et est enterré au mausolée du khédive Tawfiq, connu par Qobbet Afandina, près de l’actuel quartier de Manchiyet Nasser.
Un palais aux styles multiples
(Photo : Doaa Elhami)
Dressé majestueusement au nord de l’île de Roda sur le Nil, le Palais de Manial est l’un des plus magnifiques palais érigés en Egypte. Il se compose de 5 bâtiments, en plus de la mosquée et la tour de l’horloge. Ces bâtiments sont érigés au milieu d’une vaste superficie de verdure, composant les jardins de Manial dont la superficie est de 34 000 m2. L’acquisition du terrain a eu lieu en 1902, lorsque le prince Mohamad Ali Tawfiq a acheté un jardin historique abritant un édifice appartenant à l’un des héritiers du notable français le duc d’Aumont de Villequier. Un an plus tard, précisément le 24 décembre 1903, le prince commence la construction du palais qui a pris fin en 1937. Il occupe 61 711 m2, soit 5,7 ha. Son architecture présente un mélange de styles ottoman, mauresque, perse et rococo européen.
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