« L’Etat doit garantir le soutien, la protection et le développement de l’industrie du tourisme comme étant l’un des piliers majeurs de l’économie nationale. Il doit aussi garantir la liberté du touriste dans ses déplacements et dans ses choix de nourriture et de boissons ».
Cet article, c’est ce que les professionnels du tourisme aimeraient pouvoir lire dans la nouvelle Constitution, en cours d’amendements par le comité des 50.
Pour en discuter, un colloque a réuni la semaine dernière l’Union des chambres de tourisme, Amr Moussa, président du comité des 50, Hicham Zaazoue, ministre du Tourisme, et Mohamad Ibrahim, ministre d’Etat pour les Affaires des antiquités.
Amr Moussa a assuré qu’il penchait pour la formulation d’un article dédié à la protection du patrimoine égyptien et peut-être du tourisme : « Le projet de la nouvelle Constitution prend en considération l’industrie du tourisme, car c’est un secteur crucial pour l’économie du pays. L’article 24 considère l’agriculture, l’industrie, le tourisme et les activités qui se rapportent à ces secteurs comme les piliers fondamentaux de l’économie nationale ».
Hicham Zaazoue rappelle que « les professionnels du secteur touristique attendent beaucoup de la nouvelle Constitution. Ils espèrent qu’elle exprimera les droits et les besoins du secteur de façon claire et profonde, surtout après la marginalisation du tourisme dans la Constitution de 2012. Cette industrie contribue, en temps normal, à environ 12 % du PNB et constitue la première source de devises étrangères ».
Zaazoue précise que le ministère a lancé un sondage parmi les professionnels du secteur pour connaître leurs désirs quant à la nouvelle Constitution. La plupart des sondés se disent en faveur d’une reformulation de l’article 24. « Cet article doit affirmer que l’Etat doit parrainer l’activité touristique et la protéger afin qu’elle ne soit pas affectée par l’ascension d’un courant politique, surtout par certains qui sont contre cette industrie vitale pour l’économie du pays », assure le ministre du Tourisme.
C’est pratiquement la même idée suggérée par le syndicat des Guides touristiques, qui insiste sur un article particulier pour le tourisme, absent dans celui traitant des activités économiques importantes comme dans le cas actuel. « Le tourisme a beaucoup souffert ces 3 dernières années, non seulement à cause des troubles politiques et des violences, mais aussi à cause des dirigeants islamistes qui ne rassuraient ni les touristes étrangers, ni les professionnels du tourisme en Egypte, ce qui a beaucoup affecté le mouvement touristique. Sur les 236 articles du projet de Constitution, aucun n’a été consacré au tourisme, alors que certains sont consacrés à l’agriculture et à l’industrie. C’est la preuve que les islamistes, qui ont rédigé ce texte, ne s’intéressaient guère au secteur du tourisme », explique Moetaz Al-Sayed, président du syndicat des Guides touristiques.
Elhami Al-Zayat, président de l’Union des chambres de tourisme, estime, lui, que l’essentiel dans la Constitution ce n’est pas de rédiger un article spécialement pour le tourisme. L’essentiel est de faire une bonne Constitution qui érige les fondements d’un Etat moderne avec des articles qui assurent une bonne éducation, un système de santé performant, une protection des libertés et des droits des femmes et des minorités. « Une telle Constitution rassurerait les touristes sur la nouvelle Egypte et ils visiteront sans aucun doute le pays », assure Al-Zayat.
Mais l’économiste Ahmad Al-Naggar, directeur des études économiques au Centre des études Al-Ahram, se demande pourquoi il faudrait citer le secteur du tourisme dans la Constitution. « L’article 24 considère l’agriculture, l’industrie, le tourisme et les activités qui se rapportent à ces secteurs comme les piliers fondamentaux de l’économie nationale. Cet article reflète l’ignorance de celui qui l’a formulé. Les secteurs qui constituent une économie sont l’agriculture, l’industrie et les services. Et le tourisme est un secteur relevant du secteur des services. Ce dernier compose à lui seul 53 % du PIB. La contribution du tourisme dans ce chiffre est de 3,3 % seulement », explique Al-Naggar.
Il ajoute que des domaines plus importants comme l’agriculture, par exemple, les droits des paysans et la responsabilité de l’Etat envers eux ont été également totalement ignorés dans les amendements constitutionnels.
Richesse des antiquités
Le patrimoine égyptien a, lui aussi, occupé une bonne part des discussions. Mohamad Ibrahim, ministre d’Etat pour les Affaires des antiquités, a beaucoup critiqué la négligence du secteur dans la Constitution qui se prépare en l’absence d’un représentant du secteur de l’archéologie dans le comité des 50. « On compte beaucoup sur les représentants du secteur du tourisme pour plaider la cause du patrimoine surtout que les deux secteurs sont fortement liés », indique le ministre. Le tourisme en Egypte repose, en effet, et en premier lieu, sur la richesse patrimoniale et des antiquités. « On demande un article clair dans la Constitution qui garantisse la protection du patrimoine et des antiquités », ajoute Mohamad Ibrahim.
L’article, suggéré par les archéologues, doit également garantir la prépondérance de la culture patrimoniale ainsi que la protection de la propriété intellectuelle en ce qui concerne les antiquités égyptiennes. « Si on réussit à inclure cet article dans la Constitution, cela nous facilitera beaucoup la tâche. En se basant sur cet article, on pourra par exemple demander la rectification d’un nombre de traités internationaux », assure Ibrahim.
Cet article concernant l’archéologie est débattu par le juge Achraf Al-Achmaoui, ancien conseiller juridique auprès du Conseil suprême des antiquités. Il estime qu’un article évoquant la protection du tourisme ou de l’archéologie dans la prochaine Constitution sera inutile. « Tous ces articles seront de la langue de bois. C’est la loi qui organise ces activités et on a une bonne loi pour le patrimoine, la loi numéro 3/2010 qui organise les moindres détails dans le secteur des antiquités. De même, en ce qui concerne le tourisme, on a la loi numéro 11/1983. L’essentiel vraiment en Egypte c’est l’application stricte des clauses de ces lois », explique Al-Achmaoui. Il ajoute que si on désire vraiment protéger le tourisme et le patrimoine en Egypte par la Constitution, il faudra inclure un article interdisant tout changement de législations concernant ces deux secteurs sans pendre l’avis du peuple par un référendum. « C’est la seule garantie pour la protection du tourisme et du patrimoine. Ces affaires seront relatives à la sécurité nationale du pays », conclut Al-Achmaoui.
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