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Les métamorphoses de la vallée d’Al-Soboue

Doaa Elhami , Dimanche, 08 octobre 2023

Musée égyptien de la place Tahrir organise une exposition sur le règne du roi Amenhotep III, qui met l’accent sur l’évolution religieuse et artistique de l’Egypte Ancienne.

Les métamorphoses de la vallée d’Al-Soboue
Les stèles du temple restaurées après plusieurs années de négligence.

« Les scènes colorées du temple d’Amenhotep III dans la vallée d’Al-Soboue » est le titre de l’exposition inaugurée la semaine dernière dans la salle 13 du Musée égyptien de la place Tahrir. Dès que le visiteur franchit le seuil du musée, il se trouve devant la double statue colossale représentant le roi Amenhotep III (1390-1353/52 av. J.-C.) et son épouse la reine Tiyi, dans l’atrium. Il n’aura qu’à franchir l’atrium et à monter quelques marches d’escalier pour se trouver devant la salle 13. Celle-ci abrite des statues, des panneaux explicatifs accompagnés de photos, ainsi que des scènes colorées. « Cette exposition reflète la coopération entre le Conseil Suprême des Antiquités (CSA) et les égyptologues allemands. Elle est également le fruit d’un projet établi au Musée égyptien depuis 2010 (», a annoncé Moemen Osman, directeur général du secteur des musées, ajoutant que le choix de la salle 13 pour exposer ces pièces n’est pas un hasard, puisqu’elle se situe juste derrière la statue colossale d’Amenhotep III, placée dans l’atrium du musée et à proximité de la salle 3, consacrée à la période amarnienne. L’exposition des scènes de l’époque d’Amenhotep III et de sculptures de la fin de son règne s’intègre donc parfaitement dans cet espace.

Les panneaux explicatifs racontent au visiteur l’histoire des pièces exposées. « La première découverte du temple d’Amenhotep III, dans la Basse Nubie, a eu lieu en 1910. Néanmoins, des fouilles plus détaillées ont eu lieu pendant la campagne internationale pour la sauvegarde des monuments de la Nubie dirigée par l’Unesco au début des années 1960. Mais les résultats n’ont pas été complètement publiés jusqu’à l’inondation du temple sous les eaux du lac Nasser en 1964. Ainsi, dans le but de sauvegarder ce monument, des conservateurs et restaurateurs égyptiens ont pu enlever habilement les scènes colorées qui ornaient les parois et le saint des saints du temple, de les ramener et de les conserver dans les dépôts du Musée égyptien », lit-on sur les panneaux de l’exposition.

Ainsi, le visiteur pourra admirer sept scènes exposées qui ornaient les parois et le saint des saints du temple d’Amenhotep III. Chaque scène est accompagnée d’un fichier explicatif. « Nous avons pu reconstituer ces scènes grâce à l’imagerie de la nouvelle technologie », souligne l’égyptologue Regine Schulz, du Musée Roemer, et Pelizaeus, de Hildesheim. Parmi les scènes présentées figure celle qui ornait le mur est de l’entrée du saint des saints sur lequel sont inscrits des cartouches royaux du nom d’Amenhotep III, l’aimé de la divinité Amon.


La statue de la reine Tiyi, chef-d’oeuvre de l’exposition.

Evolution religieuse et artistique

« Ces scènes sont d’une grande importance archéologique et historique », souligne Ali Abdel-Halim, directeur du Musée égyptien, expliquant qu’elles expriment la domination exercée par le roi Amenhotep III sur le sud de l’Egypte, puisque le temple est érigé à Wadi Al-Soboue, dans la Nubie. Avis partagé par l’égyptologue Martina Ullmann, qui considère la scène du mur ouest du sanctuaire du temple comme étant le chef-d’oeuvre de l’exposition. « Elle illustre particulièrement bien l’importance de ces peintures du Wadi Al-Soboue, surtout que ces inscriptions montrent la domination du roi sur la Basse et la Haute-Egypte, ainsi que le mythe de la naissance et de l’éducation du dieu Horus, qui est le roi. Ce mythe reflète le concept religieux sur lequel est fondé ce temple », renchérit-elle.

Le visiteur rencontre également une scène dégagée du mur nord du temple présentant le roi Amenhotep III debout à droite devant la divinité Amon, installée sur le trône, coiffé d’une grande couronne à plume. Au milieu se trouve une grande table d’offrandes. « On peut remarquer également les modifications faites sur le visage et la couronne de la divinité Amon », renchérit le directeur, expliquant que le visage humain d’Amon a été transformé en celui de la divinité Ra-Hour-Akhti à tête de faucon qui dominait la région de la vallée d’Al-Soboue, au cours des premières années du règne d’Akhénaton qui a permis la liberté de la croyance religieuse. Mais la divinité a repris ultérieurement son allure d’origine, celle d’Amon, pendant l’époque des Ramessides. Raison pour laquelle les égyptologues assurent que les peintures murales du temple d’Amenhotep III de Wadi Al-Soboue nous renseignent sur l’évolution des croyances religieuses entre la fin du règne d’Amenhotep III et la période amarnienne.

L’exposition renferme également plusieurs statues du roi Amenhotep III et de son épouse la reine Tiyi. Deux parmi celles-ci représentant le roi Amenhotep III étaient utilisées pendant la fête Hep-Set qui célébrait la 30e année de son règne. Les deux statues sculptées de diorite, et privées de tête, montrent le ventre gros du roi, à l’inverse de la tenue idéale connue en Egypte Ancienne. « Probablement, cette forme de sculpture est le début de l’art réaliste qui était répandu ultérieurement pendant la période amarnienne », lit-on sur les panneaux descriptifs.

Selon les égyptologues, l’exposition vise à contextualiser les objets à différents niveaux afin de permettre aux visiteurs de s’informer sur le site antique de Wadi Al-Soboue, son temple, l’histoire et la signification des peintures et de les replacer dans le contexte général de l’époque d’Amenhotep III.

Une restauration laborieuse

En 2008, la conservatrice du Musée égyptien d’alors, Sabah Abdel-Razeq, et l’égyptologue Martina Ullmann, de l’Université Ludwig-Maximilians de Munich, spécialiste des temples égyptiens de Nubie, ont redécouvert les scènes colorées d’Amenhotep III. Du coup a été lancé un projet de restauration, d’étude et de documentation de ces scènes. C’était un projet conjoint entre le Musée égyptien du Caire, l’Université Ludwig-Maximilians de Munich, le Musée de Reomer et le musée Pelizaeus Hildesheim, ainsi que le Centre de conservation du patrimoine et de technologies à l’Université de Bamberg. Ce travail de conservation était financé par le programme Kulturerhalt du ministère des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne.

« A cette époque, les scènes n’étaient pas claires et avaient partiellement disparu. Ainsi, une équipe de conservateurs du musée et un spécialiste d’Oxford ont travaillé à conserver ces peintures fragiles et multicouches », se souvient l’égyptologue Regine Schulz, du Musée Roemer, et Pelizaeus, de Hildesheim. « Nous avons travaillé pendant plusieurs années sur l’analyse des nombreuses couches picturales et à la reconstitution des différentes scènes de certaines parties des peintures », souligne l’égyptologue Martina Ullmann. « Pour ce faire, nous avons utilisé différentes techniques d’imagerie qui nous ont révélé des séquences très complexes de couches picturales dans certaines parties des peintures et nous ont permis de reconstituer les scènes ». Les restaurateurs ont réussi à restituer la beauté et la valeur estimée de ces scènes décoratives du temple d’Amenhotep III qui sont actuellement exposées dans la salle 3.

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