La boucherie dans tous ses détails.
La gastronomie de l’Egypte Ancienne est bien riche et vit encore aussi bien en ville qu’en campagne. Elle offre toute une palette de pâtes, fruits, plats variés de viande, de volailles, de poissons, et plus de 200 genres de pain, sans parler des sucreries. La plupart de ces plats existent dans l’Egypte d’aujourd’hui. « Beaucoup de scènes décoratives des tombes de l’Ancien et du Nouvel Empires montrent les étapes de préparation de ces plats et les moyens de les cuisiner », souligne l’égyptologue Amira Seddiq. Depuis la récolte des céréales, le blé, l’orge et le maïs, qui sont broyés pour obtenir de la farine qui est ensuite mélangée avec de l’eau, laissée pour pétrir et enfin mise au four pour obtenir le pain. « Parfois, on gardait un morceau de la pâte comme levure pour s’en servir à la pâtisserie du lendemain », reprend Seddiq. Toutes ces étapes sont reproduites sur les parois des tombes, ainsi que sur de petites maquettes en bois découvertes dans la tombe du chancelier Meket Rê de la XIe dynastie. Elles sont exposées actuellement au Musée égyptien du Caire, à la place Tahrir et au Musée national de la civilisation égyptienne. Les résidus de nourriture découverts dans des sites archéologiques ont été soumis à des examens aux laboratoires.
Ces étapes de base produisaient plusieurs types de pain qui varient en forme et en méthode de cuisson. « La plupart du temps, la pâte est liquide et est versée dans des moules ronds, rectangulaires, carrés, triangulaires ou encore en forme d’animaux et mise dans le four pour produire du pain ou de la baguette, ou d’autres types de boulangerie », explique l’égyptologue Mennat-Allah Al-Dorri de l’Université de Aïn-Chams. Elle ajoute que la pâte finement étalée sur une pierre donnait une sorte de crêpe dure ou molle. Parfois, la pâte est faite de la farine du blé, d’orge, de maïs, de souchet ou encore d’un mélange de deux farines broyées de deux céréales. Selon les égyptologues, les Anciens Egyptiens pétrissaient leurs pâtes avec des raisins frais ou secs, des figues, des grenades et les farçaient avec des dattes. « Les fouilles ont mis au jour des sortes de cookies, cupcakes et des waffles qui étaient sucrés au miel », souligne fièrement Seddiq, assurant que l’origine de ces galettes en vogue aujourd’hui est l’Egypte Ancienne. Ajoutant qu’à ces époques lointaines, les fruits frais étaient bien appréciés. « Les raisins et les dattes étaient utilisés dans la fabrication de la bière et du vin », reprend l’égyptologue Al-Dorri.
La table de l’Egypte Ancienne renfermait également de l’oignon, de la laitue, symbole de la divinité Min, du concombre, de la citrouille et du taro. L’Ancien Egyptien cuisait les lentilles et en faisait une soupe, qui est servi jusqu’à présent. La fève, qui est le plat essentiel pour les Egyptiens aujourd’hui, faisait partie du salaire des ouvriers bâtisseurs des pyramides. L’Ancien Egyptien a aussi connu les dérivés du lait comme la crème et le beurre et fabriquait le fromage cottage. Ce type de fromage est conservé dans le musée d’Imhotep à Saqqara près du Plateau des pyramides. « Dans la campagne, les paysannes suivent l’ancienne méthode de fabrication de ce fromage », reprend l’égyptologue Seddiq, ajoutant que les Egyptiens élevaient les bovins, les moutons et les chèvres qui donnaient du lait et de la viande qui était mangée grillée, bouillie ou séchée. Le plus surprenant est que la maquette en bois dérivée de la tombe de Meket Rê explique les étapes de la boucherie. « La boucherie représente l’égorgement de la bête, la séparation de la tête, l’écorchage de sa peau et la trancheuse de sa viande. Le boucher tranchait les parties diverses et les séparait. Ce qui explique la présence des recettes pour cuire chaque partie afin d’en faire différents plats. La maquette présente également le vétérinaire qui supervise toutes ces étapes avant de la vendre au grand public », explique Seddiq, assurant que la maquette montre aussi la présence du personnel qui supervisait les règles d’hygiène dans toutes les étapes d’égorgement. Il y avait encore les magasins de vente des volailles égorgées et nettoyées. A savoir que les volailles qui se trouvaient à l’époque étaient les pigeons, les cailles, les canards et les oies. Toutes ces volailles sont farcies d’oignon, offrant alors un goût plus délicieux que le riz utilisé actuellement. Quant aux poissons, ils étaient salés, grillés et bouillis, comme c’est le cas aujourd’hui.
Les récoltes étaient minutieusement répertoriées. (Photo : Doaa Elhami)
Revivre le patrimoine
« La consommation de ces plats a diminué au cours des 15 dernières années, vu le changement du mode alimentaire des nouvelles générations qui ne connaissent pas un nombre considérable des recettes de l’Egypte Ancienne », souligne Seddiq. Ce mode culinaire, qui a commencé à disparaître en Egypte, voire au monde entier, malgré son utilité, a besoin d’être préservé en tant que patrimoine. « Le patrimoine culinaire, qui est un patrimoine immatériel important, attire une clientèle de par le monde en quête d’une cuisine possédant une identité claire. Cette clientèle se déplace d’un pays à l’autre pour goûter les plats des différents pays », explique l’expert en tourisme Magdi Sélim, ajoutant que la culture de la gastronomie est un genre de tourisme bien connu, apprécié et en vogue.
Malheureusement, la cuisine égyptienne n’a pas de particularité précise, comme c’est le cas de la gastronomie libanaise ou chinoise. « Mais nous avons des plats qui ne se trouvent nulle part, comme le kochari et la mouloukhiya », renchérit-il. Néanmoins, selon l’égyptologue Seddiq, les plats étrangers introduits en Egypte acquièrent un goût égyptien. Par exemple, les farcis sont à l’origine un mets turc. Les Egyptiens les ont modifiés en changeant les ingrédients pour convenir à leur propre goût. Ainsi, le patrimoine culinaire est flexible et pourrait être développé pour préserver l’identité gastronomique du pays. « Le patrimoine culinaire peut aider à la promotion touristique, surtout qu’actuellement, il y a des tournées touristiques basées sur l’expérience de vie en recréant le mode de vie des époques lointaines avec tous ses détails. On invite ainsi le touriste à vivre l’histoire plutôt qu’à l’écouter », reprend-elle, ajoutant que ce mode touristique est facilement réalisable, avec l’enregistrement et la reproduction du patrimoine culinaire égyptien.
Lien court: