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Bénédicte de Montlaur : Nous voulons promouvoir le tourisme culturel en Egypte

Hala Fares , Samedi, 01 avril 2023

Bénédicte de Montlaur, présidente du Fonds mondial pour les monuments, revient sur l’importance de cette organisation internationale pour la préservation du patrimoine et sur les travaux de préservation exécutés en Egypte.

Bénédicte de Montlaur

Al-Ahram Hebdo : Vous êtes à la tête du Fonds mondial pour les monuments (WMF) depuis trois ans. Pouvez-vous nous expliquer le rôle de cette organisation dans la préservation des monuments à travers le monde?

Bénédicte de Montlaur : Le WMF est la principale organisation internationale privée de préservation du patrimoine dont le siège est à New York. Elle a été créée en 1965 et s’est progressivement répandue partout dans le monde. On a commencé par des projets à Venise, puis très rapidement on est intervenu à Lalibela en Ethiopie et à l’île de Pâques au Chili. Et au fur et à mesure, on a développé des branches au Pérou, en Inde, en Angleterre, au Portugal et en Espagne. Et au-delà de ces branches, on a actuellement 50 projets actifs dans 30 pays. On a à peu près un portefeuille de 800 projets déjà terminés.

— Quel est le but de votre visite actuelle en Egypte ?

— Il y a deux buts pour cette visite. D’une part, il s’agit de visiter les projets que nous menons actuellement en Egypte. Mais c’est également une visite pour notre conseil d’administration et nos principaux donateurs, pour qu’ils voient le travail accompli en Egypte, mais aussi pour qu’ils découvrent la civilisation égyptienne.

— Le WMF opère dans combien de sites en Egypte ?

— Nous avons mené de nombreux projets dans le passé, principalement en tant que donateur. Aujourd’hui, nous intervenons directement en partenariat avec d’autres organisations, notamment avec le ministère du Tourisme et des Antiquités, que nous souhaitons appuyer. Nos deux sites actuels sont Takkiyat Ibrahim Al-Gulshani, situé en face de Bab Zoweila dans Le Caire historique, et l’autre est dans le temple de Séthi 1er à Abydos dans le gouvernorat de Sohag, qui est annoncé dans notre plan de travail en 2023. Le projet du complexe Ibrahim Al-Gulshani a commencé en 2018-2019. Il se poursuivra pendant au moins cinq ans encore. L’idée est non seulement de restaurer le mausolée et les structures adjacentes, mais on travaille aussi avec la communauté locale. On réfléchit avec Integrated Management of Cultural Tourism (IMCT), fondé par l’Agence USAid, sur la réutilisation de la partie qui est devant le site. On espère à terme qu’il y aura un café, qu’une des pièces servira comme une salle polyvalente pour la communauté, soit pour vendre de l’artisanat local, soit pour organiser des événements. On discute avec la communauté pour faire un plan qui soit adapté à ses besoins.

A Abydos, on est en partenariat avec le ministère du Tourisme et des Antiquités et avec American Research Center, en plus des missions archéologiques qui travaillent sur le temple. Ce projet comprend la restauration et la conservation du site. On va faire le scanning d’une partie des temples de Séthi Ier, la documentation, mais aussi une partie de la conservation physique et des mesures urgentes de stabilisation du site. Par ailleurs, on va travailler avec l’ensemble des acteurs impliqués à Abydos sur un plan de gestion du site pour attirer plus de touristes, mais aussi pour être sûrs que le tourisme se fait d’une manière durable pour le site. On veut participer à cet effort de développement du tourisme culturel en Egypte parce qu’on sait que c’est une priorité importante d’amener les touristes dans d’autres endroits, et pas seulement ceux connus. On réfléchit sur le meilleur accueil possible des touristes, mais aussi pour que le site soit développé de la bonne manière pour le préserver. C’est aussi une partie importante pour la nomination du site au patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco.

— Est-ce que vous avez un rôle dans l’inscription des sites sur la liste du patrimoine de l’Unesco ?

— Notre vision est d’accompagner les Egyptiens, s’ils souhaitent que le site d’Abydos devienne patrimoine mondial de l’Unesco. On est là pour appuyer.

— Selon quels critères choisissez-vous les sites où vous opérez ?

— On intervient sur tous les sites du patrimoine mondial, mais le principal programme qui nous sert à sélectionner les projets s’appelle « Watch List ». Ce programme est très important parce que c’est un procédé qui part vraiment du terrain et c’est une nomination qu’on reçoit de partout dans le monde. Ce sont des gens très divers qui peuvent nominer les sites, qu’il s’agisse d’individus, de professeurs, d’organisations locales de préservation du patrimoine ou de gouvernements. Par exemple, pour la dernière Watch List, on a reçu 257 nominations dont 25 sites ont été sélectionnés, ensuite examinés par notre équipe et par des experts de l’ICOMOS, qui est un groupe d’experts internationaux du patrimoine qui nous donnent leurs recommandations. Ensuite, on effectue un examen au sein de l’équipe. Puis un panel international d’experts nous aide à faire la sélection finale. L’idée est de sélectionner des projets où on pense qu’on peut faire une différence en tant qu’organisation et aider la communauté locale à faire avancer le projet d’accord. Ensuite, on commence à faire un travail de collecte de fonds pour les sites qui sont sur la liste. Par exemple dans le cas de l’Egypte, on a proposé le projet de Takkiyat Ibrahim à l’ambassade des Etats-Unis dans le cadre d’un programme qui s’appelle « US Ambassador Fund for Cultural Preservation » (AFCP), qui est le principal programme du Département américain pour soutenir la préservation du patrimoine. Là, on a reçu la subvention la plus importante possible pour réaliser ce projet. En plus, on a d’autres donateurs comme le programme IMCT qui contribue avec des aides sérieuses pour améliorer la situation du tourisme dans Le Caire historique. Il faut aussi souligner que la nomination est toujours faite en fonction des priorités du pays. On est là toujours pour soutenir le plan du gouvernement.

— Une fois le site choisi, comment procédez-vous ?

— On a un rôle catalytique. C’est-à-dire qu’on examine les nominations, les projets. On regarde si on peut faire une différence et une fois que le projet est sélectionné, on parle avec l’ensemble des donateurs, que ce soit des gouvernements comme le Département d’Etat américain, des fondations privées ou des donateurs individuels. On parle avec tous ceux dont on pense qu’ils pourraient être intéressés et avec lesquels on est déjà en contact pour essayer d’obtenir leur soutien financier à ce site en particulier. On a un réseau international de donateurs, mais aussi un réseau international d’expertise, ce qui nous permet d’amener de l’expertise quand c’est nécessaire.

— Vous venez d’annoncer le portfolio pour 2023. Quelle est la vision des travaux de cette année°?

— On essaie de choisir des projets qui traitent les grandes menaces globales pour le patrimoine à l’exemple du changement climatique. Il faut qu’on développe des solutions pour aider les directeurs de sites à s’adapter au changement climatique ou parfois aussi à réhabiliter des techniques traditionnelles qui permettent de réduire l’impact du changement climatique sur le patrimoine. On essaye toujours de choisir des projets qui soient importants en termes architecturaux, mais aussi qui ont un impact social sur les gens qui habitent autour des sites. On accorde une grande priorité en faveur du management du tourisme pour réussir à apporter des revenus aux sites et s’assurer de leur bonne préservation. On a une priorité de préserver différents types de patrimoine et de ne pas se concentrer sur le grand patrimoine que tout le monde connaît, mais parfois sur du patrimoine moins connu, mais très important pour la communauté locale. C’est ce qu’on appelle avoir une vision inclusive du patrimoine.

— Quel est le rôle du WMF face aux catastrophes naturelles ? Avez-vous par exemple un plan pour la Turquie et la Syrie après le tremblement de terre ?

— On a un rôle de plaidoyer très important. On a ce qu’on appelle un « Crisis Response Program » qui nous permet d’intervenir très rapidement en cas de catastrophe. Par exemple, on a tout un programme pour l’Ukraine afin de soutenir les professionnels du patrimoine. En Syrie et en Turquie, on regarde l’impact du tremblement de terre et comment on peut soutenir les professionnels locaux du patrimoine. On a fait cela aussi au Mexique où il y a eu un grand tremblement de terre et on a lancé un très grand projet sur la pyramide de Monte Alban pour sa restauration. On a aussi de nombreux projets à Babylone, à Erbil et au Musée de Mossoul.

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