Aslı Çavuolu, Gordian Knot, 2013 .Céramique. (Photo : Hadiye Cangökçe)
Alexandrie reste une ville mythique dans l’imaginaire collectif. Mais cet aspect se limite souvent à la seule antiquité. Elle est souvent présentée comme la ville cosmopolite idéale, carrefour entre les cultures et la Méditerranée orientale, berceau d’un savoir partagé, véritable centre historique des arts et de la science, lieu de prouesses architecturales telles que la Grande Bibliothèque, le phare et le temple du dieu Sarapis (le Serapeum), datant tous de l’époque ptolémaïque. Or, cette image mythique d’Alexandrie occulte les multiples dimensions de la ville qui s’est transformée au fil des siècles. Cette ville, ayant joué un rôle central dans la modernisation de l’Egypte au XIXe siècle, porte toujours des marques de son histoire, de ses propres mythes, du colonialisme, de la mondialisation et du tourisme de masse.
Relief avec signe ânkh dans lequel est intégrée une croix chrétienne, Ve-VIe siècle apr. J.-C. Calcaire Hildesheim Roemer-und Pelizaeus-Museum (Photo : Sh. Shalchi)
C’est pour présenter ces différentes facettes que se tient au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) à Marseille, du 8 février au 8 mai, l’exposition « Alexandrie : futurs antérieurs ». C’est le passé revisité : telle est l’approche originale et innovante adoptée par l’exposition pour aborder la ville, en confrontant temps historique, temps réel et temps imaginaire. En recourant à l’archéologie et en interrogeant les vestiges, l’exposition présente la ville réelle et non seulement la ville mythique. Et ce, en plaçant des pièces archéologiques dans un studio pour photos portraits, comme si les artistes étaient en train d’interroger la statue. Ou à travers une peinture, une maquette d’une citerne, laissant le public interpréter selon son imaginaire. Il ne s’agit donc pas tout simplement d’une exposition ordinaire, mais d’une mise en scène, une sorte d’un musée à l’intérieur du musée.
Statue équestre d’Alexandre le Grand (détail), IIIe-IIe siècle av. J.-C. Bronze Genève, Fondation Gandur pour l’art. (Photo : André Longchamp)
L’idée est d’explorer ce lieu de rencontre de cultures, ce mariage réussi entre l’Orient et l’Occident, et de dépasser les stéréotypes habituels : Grecs, Egyptiens, le phare, la bibliothèque et aller à la découverte d’une ville pleine de nuances. Un lieu de pouvoir, de savoir et de culte. Mais aussi, à travers les thèmes abordés, montrer son rayonnement dans le monde. Et ce, à travers un dialogue entre un patrimoine exceptionnel mis en perspective avec des oeuvres d’art contemporain. L’objectif de cette exposition est d’inviter le visiteur à puiser dans l’histoire, la mythologie et les réalités d’Alexandrie pour aider à une meilleure compréhension de l’Europe et de ses histoires fondatrices.
Titulature latine de l’empereur traduite en grec et inscrite en hiéroglyphes égyptiens Milieu du IIe siècle apr. J.-C. Or massif Amsterdam, Allard Pierson, Université d’Amsterdam
Une plongée dans l’histoire
L’exposition présente des oeuvres couvrant une période de 8 siècles, entre la fondation de la ville par Alexandre le Grand en 331 av. J.-C. et l’avènement du christianisme en l’an 381 de notre ère. Elle propose également des incursions dans des vestiges datant des temps byzantins, arabes, islamiques et modernes. A travers une sélection de quelque 200 oeuvres et objets issus des plus importantes collections muséales européennes, ainsi que d’une vingtaine d’oeuvres d’art contemporain, l’exposition jette la lumière sur le patrimoine et l’héritage d’Alexandrie, tout en abordant son rayonnement philosophique et scientifique, ainsi que son organisation urbaine, politique et religieuse. L’exposition s’intéresse également à l’Alexandrie contemporaine. Seize artistes contemporains présentent des oeuvres qui explorent la ville d’aujourd’hui, sa complexité et ses paradoxes. A travers sculptures, peintures, photographies, installations audiovisuelles et une sélection d’oeuvres d’art, nous faisons de constants allers-retours entre temps historique, temps actuel et temps imaginaire.
Horus légionnaire, 30 av. J.-C.-395 apr. J.-C. Alliage cuivreux Paris, Musée du Louvre, Département des Antiquités égyptiennes
En parcourant l’exposition, le visiteur est appelé à se poser des questions : A qui appartient l’héritage laissé par Alexandre le Grand ? Quelle population peut-elle prétendre descendre du roi de Macédoine ? L’artiste Asli Çavusoglu s’attaque à cette question, réinterprétant la statuaire liée à Alexandre alors que la Grèce et la Macédoine du Nord ne cessent de se disputer la paternité de cet illustre personnage : une oeuvre artistique coupée en deux, symbole d’un passé commun empreint de dualité.
Jarre aux motifs de sphinx, de Bès et d’oeil oudjat, IVe-Ier siècle av. J.-C. Faïence verte et bleue. Genève, Fondation Gandur pour l’art (Photo : Grégory Maillot)
Que reste-t-il de la ville ancienne ? Qu’est-il arrivé au phare et aux statues colossales ? Quelle influence cette ville portuaire a-t-elle exercé ? Quelle est la pertinence de l’image de cette ville cosmopolite dans l’ardente Méditerranée d’aujourd’hui ? Telles sont les questions que pose cette exposition sur Alexandrie, dont l’histoire et l’avenir se conjuguent au futur antérieur.
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