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Vivre à la mode des ancêtres

Doaa Elhami , Dimanche, 29 janvier 2023

Comment était le mode de vie des Anciens Egyptiens ? Un colloque vient de jeter la lumière sur quelques aspects de leur quotidien.

Vivre à la mode des ancêtres
La cour de plein air du foyer a plusieurs fonctions. (Photo : Dr Fatma Keshk)

Architecture de maisons, salles de bains, cuisines, récipients et ustensiles : Des éléments nécessaires pour la vie quotidienne de l’être humain, et qui varient d’une époque à l’autre et d’une couche sociale à l’autre, y compris dans l’Egypte Ancienne. Si les égyptologues et historiens ont réussi à savoir les détails de la vie quotidienne dans les palais et la cour royale, ils sont encore à la recherche de ces détails pour les Anciens Egyptiens afin de comprendre leur mode de vie au quotidien.

Le colloque « Living in the House : Researching the Domestic Life in Ancient Egypt and Sudan » (vivre dans la maison : recherche sur la vie domestique en Egypte Ancienne et au Soudan), organisé par l’Institut Français d’Archéologie orientale (IFAO) et le Centre polonais de l’archéologie méditerranéenne, de l’Université de Varsovie, a donné un aperçu rapide sur quelques éléments du quotidien des maisons de l’Egypte Ancienne, dont l’architecture, l’hygiène et les jardins.

Composants architecturaux

L’architecture des maisons a beaucoup changé au cours des siècles. Elle est en fait l’un des facteurs essentiels qui révèlent la classe sociale des familles. « Il y a eu un grand développement dans l’architecture des maisons depuis la période prédynastique jusqu’à la fin de la XXXe dynastie. La plupart des maisons du grand public étaient bâties en brique crue tout au long des époques de l’Egypte Ancienne, et parfois elles étaient consolidées par des murs faits de blocs de pierre », explique l’égyptologue Fatma Keshk, membre des organisateurs du colloque. Egalement, la superficie des maisons est un indice important selon lequel la position sociale de son propriétaire est déterminée. Celles des hauts fonctionnaires sont plus vastes que celles de l’homme ordinaire, plus étroites et plus petites. Et ce, sans oublier le nombre des chambres à coucher et le luxe du mobilier utilisé. Malgré une telle variété, les éléments composant le foyer sont les mêmes. « Chaque maison se compose d’un espace consacré au bain, de chambres à coucher, d’une cuisine et d’une cour », explique Keshk, ajoutant que la cour du foyer était indispensable à cette époque lointaine, surtout qu’elle avait des fonctions variées. En effet, elle servait à aérer les différentes parties du lieu et était équipée de bancs pour servir les membres de la famille pendant l’après-midi et aussi pour accueillir les proches. C’est là où la dame du foyer faisait du textile et où elle préparait les légumes avant de se déplacer à l’intérieur devant le four principal de la maison pour les cuire.

Fours et combustibles

« La pièce qui renferme le four n’est pas nécessairement la cuisine de la maison », souligne l’égyptologue Menna Al-Dorri, de l’Université de Aïn-Chams. Selon elle, les Egyptiens pouvaient couper les légumes et les végétaux, voire préparer les repas loin de ces fours, puisque les maisons pendant les époques de l’Egypte Ancienne renfermaient plus qu’un four principal. Il y avait ainsi un four utilisé pendant l’hiver. « Il est couvert pour protéger la flamme et la chaleur de la pluie, notamment au nord de l’Egypte où la pluie était relativement dense. Ce four hivernal sert également de chauffage pour les membres de la maison, surtout pendant le soir. Il y avait aussi un four estival installé à l’ombre d’un arbre hors de la maison », renchérit Al-Dorri. Avis partagé par Pascale Ballet, égyptologue et professeure d’histoire de l’art et d’archéologie du monde romain à l’Université Paris Nanterre, qui fait des travaux de fouille à Bouto, dans le Delta égyptien. Elle affirme qu’« aux époques de l’Egypte Ancienne, et pendant la période gréco-romaine, il y avait dans les maisons des établissements en céramique pour broyer et moudre la farine, ainsi que pour préparer les pâtes », soulignant que la céramique était utilisée pour cuire, consommer la nourriture et boire aussi. Selon l’égyptologue Claire Malleson de l’Université américaine de Beyrouth, le combustible utilisé au temps de l’Egypte Ancienne variait entre le charbon, qui était rarement utilisé, ainsi que les foins et déchets des animaux, notamment de l’âne. « Les déchets de l’âne offrent une énorme énergie qui était surtout utilisée pour faire fondre les métaux. Alors que le mélange des déchets des bovins et des foins servait pour cuire la nourriture », explique Malleson.

Propreté et hygiène

Les Anciens Egyptiens accordaient un intérêt particulier à la propreté et l’hygiène en général. A savoir que l’Egypte a connu les bains publics depuis l’époque grecque, soit depuis le IIIe siècle av. J.-C. « Les salles de bains étaient des espaces installés à l’endroit le plus privé de la maison », souligne l’égyptologue Delphine Driaux, directrice du projet de recherche sur la pauvreté en Egypte Ancienne à l’Université de Vienne en Autriche. A Amarna, dans l’actuelle Minya (Moyenne-Egypte), la salle de bains se trouvait à l’arrière de la maison. « Se laver est une pratique privée, personnelle et intime. La salle de bains est placée toujours dans des espaces protégés des regards des autres », renchérit-elle. Les exemples que les égyptologues ont étudiés sont les salles de bains trouvées dans les maisons luxueuses qui appartenaient aux personnes riches et aisées ou dans les palais. Elles sont constituées le plus souvent de calcaire, alors que l’architecture domestique est en brique crue, qui est fragile et est abîmée par l’eau. « On se pose la question : est-ce que ces installations existaient dans les maisons les plus modestes ? Ou bien y avait-il d’autres installations ? Une série de questions à répondre », commente Driaux. Pour elle, les dernières recherches indiquent que 18 % des petites maisons des travailleurs de Amarna avaient une salle de bains, contre 98 % de celles de l’élite. « Une grosse différence. Ce qui veut dire que l’accès à l’hygiène n’est pas le même du point de vue social », renchérit-elle. Elle souligne l’absence de traces archéologiques et les textes n’indiquent rien. Quant aux toilettes, elles sont moins problématiques. On pouvait utiliser une céramique dans la maison, la mettre dans un coin, dans une pièce, la vider à l’extérieur et en remettre une autre. Pour les égyptologues, la vie domestique en Egypte Ancienne mérite une série infinie de fouilles, de recherches et d’études, afin de livrer ses secrets.

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