Situé entre la berge du Nil et la rue Qasr Al-Aïni, le quartier de Garden City garde toujours un cachet particulier. Célèbre par son architecture élégante et ses rues serpentées et étroites, il est encore connu comme étant le quartier de la classe supérieure. L’ouvrage Garden City ; Cité-jardin ... Nom et synonyme retrace l’histoire patrimoniale et architecturale de ce quartier considéré comme l’un des plus sophistiqués du Caire. « Bien que le nom de Garden City ou Cité-Jardin paraisse européen imitant l’art patrimonial urbain de quelques villes du XIXe siècle de l’Europe, nous sommes franchement face à un quartier égyptien unique et authentique », explique Mohamed Hossam Eddine, chef d’une équipe formée d’experts en archéologie, en histoire et en architecture, qui a rédigé ce livre.
A savoir que le concept de cité-jardin n’a apparu qu’avec la période de la Révolution industrielle en Europe et avec l’expansion incontrôlée des villes comme Londres. C’est l’Anglais Ebenezer Howard (1850- 1928) qui a cherché à concevoir un modèle urbanistique combinant les avantages de la ville connue par ses bâtiments modernes avec ceux de la campagne et ses jardins. Un concept qui a attiré en premier les membres de la famille royale puis les riches commerçants, les hommes d’affaires, les ambassadeurs et, plus tard, les stars du cinéma.
Dès les premières pages de cet ouvrage, le lecteur navigue dans le temps dans une agréable excursion qui commence par la création de la place Al-Nasséri située entre la rue Mounira et la berge du Nil, en 1314, sous le règne du sultan mamelouk Al-Nasser Ibn Qalaoun. « Ce sultan, habitué à se promener tous les samedis au bord du Nil, y a planté de multiples arbres et y a créé des jardins et des parcs au bord du Nil de Garden City », raconte Hossam Eddine. Selon lui, vers la fin de l’ère ottomane et durant l’occupation française (fin du XVIIIe siècle et début du XIXe siècle), ce quartier a été négligé et beaucoup de ses jardins ont été détruits. En fait, c’est la famille alide qui s’est intéressée plus tard à ce quartier-jardin, spécifiquement les neveux et nièces d’Ibrahim pacha, fils du wali d’Egypte. Et avec l’arrivée du khédive Ismaïl (1863- 1879) au pouvoir, les vrais traits de ce quartier y apparaissent en fondant des jardins uniques entourant le Haut Palais d’Ibrahim pacha avec deux autres palais, à savoir Saraya Al-Ismaïliya et le palais de la fille d’Ismaïl, Zeinab. En fait, ce n’est que depuis la fin du XIXe siècle que ce quartier est bien planifié et a commencé par la suite à attirer au fil de l’histoire les familles non seulement royales mais aussi et surtout bourgeoises.
Place Simon Bolivar.
Statue de Mohamed Agha Lazughli.
Une architecture variée et harmonieuse
A travers ses 200 pages, le livre expose de façon agréable les différents styles architecturaux montrant la rivalité entre les architectes européens et égyptiens. Commençant par le néo-classique, passant par le néo-gothique, baroque et islamique jusqu’au style moderne, ce quartier est une zone urbaine pleine de diversité de styles architecturaux, exprimant les tendances et goûts des propriétaires des bâtiments. « L’ouvrage jouit de cartes et photos rares, colorées et en noir et blanc, qui font plonger le lecteur dans l’histoire de ce quartier », dit l’urbaniste Soheir Hawas, lors du colloque organisé pour présenter le livre, pendant lequel elle a raconté ses souvenirs personnels dans ce quartier. En racontant l’histoire de la fondation de ce quartier et son développement à travers les époques, le comité de rédaction a jeté la lumière sur le nom des grands architectes qui ont collaboré à sa construction et a de même mis en évidence ses célèbres habitants. « Au départ, l’équipe croyait pouvoir terminer cet ouvrage en peu de temps, mais la documentation et la recherche des anciennes cartes et photos des édifices nous ont pris plus d’une année. C’était un travail épuisant et dur mais à la fois agréable », souligne Haidi Chalabi, membre de l’équipe de travail.
L’ouvrage expose des exemples de différents édifices, à l’instar de la mosquée de Omar Makram et de l’église de Qasr Al-Dobara, et donne au lecteur des informations historiques et urbaines de presque toutes les rues et la plupart des bâtiments de Garden City. Il montre de même comment les palais et quelques résidences ont été transformés en écoles tels qu’Al-Ibrahimiya, qui était à l’origine le palais de Bassiouni pacha Kéchk, et Qasr Al-Dobara, que possédait la princesse Choweikar.
La mise en page de cet ouvrage montre aux spécialistes, ainsi qu’aux simples lecteurs la planification structurelle de quelques édifices, ainsi que l’idée urbaine de leur formation.
La dernière partie du livre est consacrée à la vie sociale, économique et culturelle à Garden City, en signalant des noms célèbres dans chaque domaine. Citant à titre d’exemple l’actrice Laila Mourad, les politiciens Moustapha pacha Al-Nahas et Fouad pacha Séragueddine, ainsi que quelques noms de la famille royale comme la princesse Choweikar. Les photos personnelles côtoient les illustrations des édifices où ces gens ont vécu.
Palais (villa Suares Casdagli).
L’état d’autrefois et celui actuel de ce quartier riche et vieux sont documentés sur les pages de cet ouvrage. « Ce qui est surprenant c’est que le quartier de Garden City est un écrin visuel particulier où se mêlent les bâtiments aux grands arbres. Ses rues sinueuses cachent des beautés en styles et architectures qui incitent l’intérêt des urbanistes », assure l’ingénieur Mohamed Abou-Seada, chef de l’Organisme national de l’harmonisation urbaine. L’ouvrage, en plus de ceux traitant de l’île de Zamalek et de l’oasis de Siwa, vient en continuité de la série de livres publiés par cet organisme, dont le but est de préserver les quartiers et endroits de l’Egypte à caractère particulier au niveau du style architectural et urbain, ainsi qu’au niveau social des habitants qui y résident.
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