Le ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités vient de recevoir le plan muséal et les travaux exécutés de la première phase du développement et du réaménagement du Musée égyptien du Caire. Ces travaux, surveillés et subventionnés par l’Union Européenne (UE), sont exécutés — en présence d’experts égyptiens — par un consortium d’institutions européennes, à savoir le Musée égyptologique de Turin, le Louvre, le British Museum, le Musée égyptien de Berlin, le Musée national des antiquités de Leyden, l’Office fédéral allemand du génie civil et de l’aménagement du territoire (BBR), l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) et l’Institut Central italien pour l’Archéologie (ICA).
Ce projet, qui a coûté 3,1 millions d’euros, a duré trois ans. Non seulement il comprend le développement des 14 galeries du musée, mais aussi il confirme son identité thématique en tant que musée représentant l’art de la civilisation égyptienne à travers les différentes époques. « Le Musée égyptien de la place Tahrir renferme dans ses multiples galeries des chefs-d’oeuvre incomparables dans le monde entier, mais depuis sa création en 1902, les pièces s’y entassent jour après jour remplissant non seulement ses galeries d’exposition, mais aussi ses entrepôts », explique Hassan Sélim, professeur à la faculté des antiquités de l’Université du Caire et membre du comité chargé du développement du musée. Il assure que le Musée du Caire restera le musée national de l’Egypte.
Entrée de la salle de l’Ancien Empire où figurent les rois Chéops, Kephren et Mykérinos, ainsi que leurs hauts fonctionnaires.
Définir une vision stratégique
Le projet de développement a commencé en 2019 par une étude approfondie de l’état du musée avec un objectif principal de tracer une vision stratégique future pour le musée en matière de gestion et de conservation des collections, de programmation culturelle, de communication, de développement des ressources et de gestion des infrastructures. Cette stratégie avait pour objectif principal d’améliorer l’expérience du visiteur, en attirant davantage les citoyens égyptiens et les touristes pour accroître l’empreinte économique du musée. « Suite à cette étude détaillée, les différentes institutions muséales ont travaillé sur la restauration des pièces, l’achat des supports, le développement d’une base de données numérique, la fondation d’un site Internet, et tout cela en parallèle avec la scénographie des galeries qui est la plus remarquable », souligne Islam Ezzat, professeur à la faculté des antiquités de l’Université de Aïn-Chams et coordinateur du projet de développement.
Les travaux de développement apparaissent dès l’entrée du musée par l’installation de nouvelles portes électroniques, de grands panneaux et cartes explicatifs qui montrent le circuit chronologique des galeries. Juste en face de la porte d’entrée, l’histoire pré et post-dynastique se raconte à travers des pièces dont la plupart s’exposent pour la première fois. « La stèle du roi scorpion de la dynastie zéro qui marque le point de départ de la visite du musée est un chef-d’oeuvre et marque le génie des Egyptiens en sculpture. En tant qu’égyptologue, je la considère plus belle et plus importante que celle de Narmer », estime Sélim, qui déclare que les vitrines qui se trouvent à gauche de la palette de Narmer, située au centre de l’atrium, montrent la vie royale, alors qu’à droite, des récipients en différentes formes et tailles expriment les activités et le mode de vie à cette époque lointaine.
La statue du roi Djoser retrouve enfin les carrelages en céramique découverts au sein de sa pyramide à Saqqara.
Défis à relever
Au départ, les travaux de scénographie et le choix des pièces représentatives étaient le sujet le plus controversé pour les membres du Comité égypto-européen. Il était impératif de choisir des pièces à la fois représentatives de l’époque et offrant une information particulière. « Pour représenter le monothéisme à l’époque pré-dynastique, on a choisi la tête d’un dieu, dont le nom est anonyme, provenant de la région Mérimdé Béni-Salama de la Basse-Egypte. Celle-ci est exposée pour la première fois au public, parce qu’elle montre non seulement que les Egyptiens ont un esprit religieux depuis bien longtemps, mais aussi c’est le premier chef-d’oeuvre sculpté de l’antiquité », explique Sélim, ajoutant que la variation des dimensions des vitrines et leur position (horizontale, verticale ou contre les murs), ainsi que les pièces choisies pour chaque vitrine étaient un grand défi affronté par les conservateurs. « A cet égard, je salue les efforts des conservateurs et restaurateurs qui ont pris la charge de restaurer et arranger toutes les pièces de la salle gréco-romaine et qui ont aidé à fournir des vitrines convenables aux pièces choisies », affirme-t-il.
Suite au choix des pièces vient celui des vitrines appropriées. Aussi anciennes qu’elles soient, à bordures en bois, les vitrines ont subi d’importants travaux de restauration: désinfection, réparation des bois et remplacement des vitres par d’autres plus épaisses et plus transparentes qui s’accordent avec les normes et les conventions du Conseil international des musées (ICOM). Les petites pièces sont, par contre, installées sur des supports dont la plupart sont métalliques achetés à la société française Arnold. Chaque pièce antique a son panneau explicatif détaillé bilingue, en arabe et en anglais, en unifiant le caractère d’écriture et leur endroit dans chaque vitrine. « Ces anciennes vitrines caractérisent le musée et identifient son authenticité. La direction des musées s’est alors mise d’accord pour les conserver et les restaurer », note Sabah Abdel-Razek, directrice du musée, soulignant que ce dernier n’a jamais fermé ses portes lors des travaux de restauration. « Le comité était forcé de travailler de 17h jusqu’à l’aube pour exécuter le reste du travail », déclare-t-elle, assurant que cette nouvelle muséologie est saluée par les visiteurs.
La nouvelle muséologie des bustes gréco-romains attire les regards des visiteurs.
Restauration et formation
A part la nouvelle muséologie exécutée dans quelques galeries du musée, 2400 pièces ont été restaurées pendant cette phase du projet, dont celles de la tombe de Nefermaat et Itet, et de Hessirê, en plus de la reconstruction de la scène de la frise représentant les Oies de Meidoum. De même, la célèbre restauratrice britannique des murailles antiques, Bianca Mele, du British Museum, a restauré puis conservé, dans une vitrine à la salle 43, la première muraille décorée de l’histoire égyptienne, celle de la tombe 100 portant le nom Al-Zaïm, remontant à la civilisation Naqada à Nekhen en Haute-Egypte.
La formation des conservateurs du musée fait aussi partie du nouveau plan de développement. « La stratégie du développement durable consiste en la formation méthodologique du personnel, l’éducation muséale, l’application d’une base de données de toutes les pièces et les galeries du musée et la gestion des plans touristiques, ainsi que les expositions temporaires », renchérit Islam Ezzat, coordinateur du projet. Et d’ajouter que les travaux ont commencé en retard à cause du Covid-19. « Le report de l’inauguration du Grand Musée égyptien (GEM), et par conséquent le transfert du reste de la collection du roi Toutankhamon, a causé un délai dans l’exécution de notre plan de travail dans les salles restantes où la collection du jeune roi est exposée », explique Ezzat. A noter que les responsables du projet ont pris en charge le déplacement de la collection du jeune roi afin de pouvoir exposer les trésors de Tanis de manière logique dans les salles de façon à respecter la chronologie historique. Ainsi, avant de passer dans les galeries de Tanis, figure une maquette montrant la nécropole royale conservant les trésors des rois de la XXIe dynastie au gouvernorat de Charqiya.
Bien que le projet ait touché au réaménagement d’importantes galeries, le bâtiment du musée et son sous-sol sont restés en dehors des travaux. « En cas de disponibilité d’une subvention, le reste des galeries du musée peut jouir de chances similaires de développement. Vu la taille des salles, de même que le nombre des pièces, je crois que le Musée égyptien a besoin de deux ou trois autres phases de développement », conclut Sélim. En effet, le projet de partenariat égypto-européen, de 36 mois, a tracé un plan non seulement des salles aménagées, mais aussi du reste des galeries du musée qui attendent le financement pour être rénovées. En attendant, le projet a permis de poser les bases d’une candidature du musée à une inscription au patrimoine mondial de l’Unesco.
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