Les hymnes religieux connaissent un regain d’intérêt depuis qu’ils ont été chantés aux grandes cérémonies célébrant l’Egypte Ancienne. Ainsi, l’hymne d’Isis a connu le succès à la parade des momies en avril 2021. L’inauguration de l’Allée des béliers à Louqsor s’est également illustrée par trois hymnes, dont deux étaient adressés à Amon-Rê et Hatchepsout, alors que le troisième était récité lors de la fête d’Opet. Le public s’intéresse désormais à ces hymnes et leur origine religieuse, comme l’hymne d’Amon ou celui d’Isis.
« Ces hymnes religieux sont inscrits sur la façade des temples, on peut y voir des prêtres rappelant au peuple égyptien les qualités et le pouvoir des dieux. L’hymne commence à l’accoutumée par une invocation divine (Ô Mon dieu …) puis évoque ses qualités, et enfin l’adore (sa majesté … sa majesté … sa majesté) », explique Abdallah Miyssara, professeur à la faculté des antiquités à l’Université du Caire. C’est à lui que l’on doit le choix, la révision et la traduction des chants entonnés à la parade des momies et à celle des béliers. Selon Miyssara, chaque hymne a sa tonalité musicale, comme celui d’Isis gravé sur les parois du temple Dendera, où l’on y découvre les instruments et les sons. « Quand l’orchestre symphonique du Caire a pensé à l’hymne d’Isis, j’ai dû me rendre sur la rive gauche de Louqsor pour y étudier ce chant gravé sur le temple de Deir Chelouit. C’était relativement aisé, car il était en très bon état de conservation », se souvient Miyssara, ajoutant que comme il s’agissait d’une parade funéraire, le chef d’orchestre a utilisé deux mélodies, l’une copte et l’autre remontant au XVe siècle.
Néfertari représentée avec un sistre et une fleur de lotus.
Les chants présentés à la cérémonie de l’allée des béliers étaient différents, il s’agissait d’une parade festive. « Pour célébrer la fête de l’Opet, il y avait des chants particuliers ; l’un à la sortie du temple de Karnak et à l’arrivée au temple de Louqsor, et l’autre sur le chemin du retour », souligne l’égyptologue Magdi Chaker. Il assure que tout le processus de cette fête est gravé en détail dans la chapelle rouge de la reine d’Hatchepsout située dans le complexe des temples de Karnak.
« Bien que la fête de l’Opet remonte à bien avant le règne de Hatchepsout (XVIIIe dynastie pharaonique, elle est le premier souverain à la faire graver en détail et à l’inclure aux chants qui ont marqué son règne », indique Miyssara.
A toi l’acclamation, ô Amon-Rê !
Dieu des deux terres !
Protège le roi de la Haute-Egypte et de la Basse-Egypte
Vois les offrandes ! Quel honneur de vous les offrir … dans ton temple … celui de Karnak.
Ces paroles adressées au dieu Amon marquent chaque année le départ du cortège du temple de Karnak à destination du temple de Louqsor. « Pour la parade d’Opet, nous devions ajouter une troisième chanson originaire de Deir Bahari sur la rive ouest du Nil. Alors, j’ai choisi celle du couronnement de la reine Hatchepsout, celle gravée dans sa chapelle rouge et sur son obélisque. Les chants d’Opet sont aussi gravés sur les 14 colonnes du temple de Louqsor », reprend Miyssara.
La fête d’Opet gravée sur les parois de la chapelle rouge.
Les hymnes et les chants occupaient une place importante dans les rites de l’Egypte Ancienne. « Il faut faire la différence entre les chants que tout le peuple entonne aux fêtes familiales, comme les chants romanciers, ceux adressés au Nil ou encore ceux chantés pendant la chasse ; très présents au Nouvel Empire, et les hymnes religieux à caractère sacré destinés à être récités lors des prières dans les temples, mais également à l’occasion des festivités du royaume », souligne le professeur Miyssara. Ce dernier ajoute que ce sont des textes spirituels écrits sous forme de poèmes. Ainsi le roi Akhénaton a transformé les chants du Nouvel Empire en poèmes louant son dieu Aton.
Ces chants auraient évolué au cours des différentes périodes pharaoniques. On retrouve trois types de chants sur la façade des temples et les parois des tombes. Le premier remonte aux IVe et Ve dynasties et perdure jusqu’au moyen empire. « C’est l’hymne qui accompagne, chaque matin, le dieu durant son voyage cosmique d’est en ouest. L’exemple le plus complet est gravé sur la chapelle d’Hatchepsout. Tandis que l’hymne d’Aton, à Tell Al-Amarna, est le parfait exemple de la transformation du dieu soleil en une divinité englobant toute la Terre », explique Abdallah Miyssara.
Le deuxième chant reprend les qualités du dieu Osiris, dieu des morts, des cimetières et du monde de l’au-delà. « Mais les chants osiriens ne mentionnent pas qu’il a été tué puis découpé avant d’être roi dans l’au-delà ».
Le troisième a pour thème les crues du Nil. Cet hymne connu dès le Moyen Empire évolue au Nouvel Empire et continue à être récité jusqu’aux débuts du christianisme en Egypte. Chaque année, au mois de juillet, les 16 chansons qui composent cet hymne sont récitées par 16 enfants debout au bord du Nil. Le nombre 16 marque le niveau atteint par le fleuve.
« Ces hymnes sont inscrits partout sur la façade des temples d’Edfou, Dendera, Esna ou Kom Ombo », indique Miyssara. « On y retrouve tous les types de chant. Même les hymnes internes que les prêtres du temple chantaient chaque matin pour réveiller les dieux. Ces hymnes matinaux sont décrits en détail au temple de Dendera : les paroles récitées, le rôle des prêtres et des prêtresses qui composent la choral, la musique douce et les instruments utilisés », ajoute-t-il.
« L’histoire des hymnes religieux et leur richesse nous montre à quel point les anciens Egyptiens adoraient leurs divinités et leur pays. Nous devons remercier les équipes des deux dernières parades qui ont ressuscité par leur travail la langue égyptienne d’antan et qui ont contribué à faire connaître les tendances religieuses de nos ancêtres à travers les âges », conclut Chaker.
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