« Aujourd’hui, le message de Bagdad, la terre de la Mésopotamie, est clair, nous allons préserver la civilisation et poursuivre ceux qui veulent la détruire. Nous promettons de n’épargner aucun effort pour retrouver le reste des pièces archéologiques volées », a déclaré le premier ministre iraqien, Moustapha Al-Kadhimi, lors de l’inauguration du Musée national iraqien, qui abrite l’une des plus importantes collections archéologiques du monde relatant plus de 7 000 ans d’histoire. Le musée renferme les plus importantes collections d’antiquités de l’histoire de l’ancienne Mésopotamie, berceau des civilisations de Sumer, de Babylone et d’Assyrie, auxquelles l’humanité doit notamment l’écriture, la loi écrite et les premières villes.
La directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, a félicité, dans un communiqué, les autorités iraqiennes pour la récente réouverture du musée. Selon elle, cette réouverture revêt une importance capitale. Elle confirme la volonté du gouvernement iraqien de mettre en valeur ce musée emblématique en tant que moyen de défense contre l’intolérance et l’ignorance.
Une inauguration plusieurs fois reportée
En fait, la réouverture du Musée de Bagdad avait été plusieurs fois reportée à cause des troubles politiques. Pourtant, elle a été accélérée en réaction à la destruction récente de sculptures préislamiques inestimables par des djihadistes de Daech à Mossoul, dans le nord de l’Iraq. « Les événements à Mossoul nous ont poussés à accélérer notre travail et nous voulions ouvrir le musée le plus tôt possible en réaction à ce qu’ont fait les criminels de Daech », a ajouté Al-Kadhimi.
Statues assyriennes remontant à plus de 5 000 ans.
En fait, ce groupe, qui contrôle Mossoul depuis juin dernier, la deuxième ville d’Iraq, a mis dernièrement en ligne une vidéo dans laquelle des djihadistes réduisent en miettes des sculptures antiques à la massue. On les voit aussi défigurer au marteau piqueur un colossal taureau ailé assyrien. Ces destructions ont déclenché une vague d’indignation internationale, ainsi que des craintes concernant le sort d’autres trésors situés dans des zones contrôlées par Daech, qui a profité de l’instabilité en Iraq et de la guerre en Syrie pour s’emparer de vastes territoires. Les destructions de Mossoul sont les pires subies par le patrimoine iraqien depuis le pillage du Musée archéologique national de Bagdad en avril 2003, quelques jours après la chute de Saddam Hussein, considéré comme la plus grande opération de pillage de biens historiques à l’époque moderne. Un djihadiste a dit devant la caméra, après le crime de Mossoul, qu’il détruisait les statues car elles favorisent « l’idolâtrie ». Mais des responsables et des experts estiment que Daech a détruit uniquement des pièces volumineuses, gardant les autres plus petites pour les vendre probablement en contrebande. Dans ce contexte, le premier ministre iraqien a déclaré que l’Etat traquerait les pièces vendues en contrebande. « Nous avons des informations sur chaque pièce à Mossoul, chaque pièce est marquée et nous allons traquer toutes les pièces vendues en contrebande par Daech et les groupes terroristes, nous allons les traquer et le monde est avec nous », a-t-il indiqué. Des réseaux criminels organisés avaient profité de l’intervention américaine et du chaos pour piller les musées iraqiens en 2003, dont celui de Bagdad où 15 000 pièces ont été volées. Seules 4 300 pièces ont été restituées à ce jour. « Nous recherchons toujours plus de 10 000 pièces sur les marchés et dans les ventes aux enchères. Les pièces que nous avons récupérées étaient les plus importantes », a déclaré Qais Hussein Rachid, vice-ministre iraqien du Tourisme et des Antiquités. Al-Kadhimi a affirmé espérer que la réouverture du musée au public aidera à apaiser la tristesse liée aux destructions de Mossoul et à envoyer un message de paix au monde entier.
Djhadistes détruisant des monuments colossaux à Moussoul.
Une histoire riche
Créé en 1926, le Musée national d’Iraq retrace l’histoire du pays à travers une collection constituée d’objets datant de plus de 7 000 ans. Ces objets remontent aux époques sumérienne, akkadienne, assyrienne, babylonienne et islamique qui sont représentées à travers divers matériaux, comme le verre, la poterie, le métal, l’ivoire et des parchemins.
Ayant subi d’importants dégâts pendant la guerre du Golfe en 1990-1991, le musée a été fermé jusqu’en avril 2000. Le conflit armé en mars 2003, suivi du pillage du musée en avril, a conduit à la perte de plusieurs objets. Le nombre total de biens pillés fait l’objet d’un débat, mais la direction du musée l’estime à 15 000 objets environ dont 5 000 sceaux cylindriques précieux. Selon la direction du musée, 4 300 objets sur les 15 000 pillés ont été récupérés.
Depuis la fermeture du musée en 2003, les autorités et l’Unesco se sont efforcées de coordonner l’aide internationale, avec les Etats membres, les communautés d’experts et les partenaires pour redonner vie au Musée national. Grâce au financement du Japon, le laboratoire du musée a été restauré et un personnel spécialisé a été formé. Ce musée a en fait rouvert ses portes aux visiteurs en 2009, mais c’était une ouverture symbolique puisque seules 8 salles ont été aménagées et seules 6 000 pièces ont retrouvé leur place, avant d’être fermé à nouveau en 2011. Depuis, les efforts se poursuivent pour récupérer les trésors archéologiques qui restent afin de rendre au Musée de Bagdad tant sa richesse que sa beauté d’antan .
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