Al-Ahram Hebdo : Vu la guerre Russie-Ukraine et les bombardements russes sur les villes ukrainiennes, quels sont les risques qu’encourent les antiquités égyptiennes conservées au Musée archéologique d’Odessa ?
Ahmad Badran: Dans toute l’Ukraine, il n’y a que le Musée national d’archéologie d’Odessa qui conserve des pièces égyptiennes antiques. Il possède une collection inestimable qui fait face actuellement à un destin incertain, notamment avec l’intensification des combats et l’arrivée des Russes dans diverses villes ukrainiennes et la destruction de nombreux bâtiments civils.
— Pouvez-vous faire l’inventaire de cette collection égyptienne ?
— Cette collection compte presque 800 pièces datant de la période prédynastique jusqu’à l’ère ptolémaïque. Elle comprend des sarcophages en pierre et en bois ornés, des momies humaines et animales, des papyrus, des statues en bronze d’Osiris et des meubles funéraires, en plus de bijoux. Ces pièces constituent la plus ancienne collection d’antiquités égyptiennes dans toute l’Ukraine et la troisième plus grande collection d’antiquités égyptiennes dans les pays de l’ex-Union soviétique.
— Quand et comment ce musée a été créé ?
— Le Musée d’Odessa se trouve au sud de l’Ukraine. Son histoire remonte à 1825, quand le pays faisait partie de l’Empire russe. C’est en fait l’un des plus anciens musées ukrainiens. Son premier directeur fut l’archéologue et historien d’origine néerlandaise Ivan Blaramberg (1772-1831), un des fondateurs du musée qui abrite actuellement environ 170 000 pièces antiques variées de différents pays dont la Grèce, Rome, Chypre, et l’Egypte Ancienne.
— Comment le Musée d’Odessa a collecté ces pièces antiques égyptiennes ?
— Il est très probable que Blaramberg, qui a passé toute sa vie à se déplacer entre de nombreux pays, a collecté ces pièces égyptiennes lors de ventes aux enchères en Europe, et peut-être aussi pendant ses voyages en Egypte. La collection des antiquités égyptiennes du Musée d’Odessa a augmenté au fil du temps, en raison du succès du musée à ajouter des pièces supplémentaires, soit par acquisition et achat, soit à travers des dons. L’un des plus éminents donateurs d’antiquités égyptiennes au Musée d’Odessa était le médecin français Antoine Barthelemy Clout-Bey (1793-1868), qui a travaillé comme organisateur et directeur des services médicaux en Egypte à l’époque de Mohamad Ali (XIXe siècle). Le dernier ajout important à la collection égyptienne remonte à 1959, lorsque différents musées ukrainiens ont rassemblé les pièces égyptiennes qu’ils possédaient pour les déposer toutes au Musée d’Odessa, devenu depuis cette date le propriétaire de la seule collection d’antiquités égyptiennes en Ukraine.
— Comment peut-on protéger ces pièces des menaces qu’elles encourent ?
— L’Egypte doit suivre les voies diplomatiques et politiques afin de s’assurer que ces pièces sont mises à l’écart des bombardements et des risques de destruction. On veut protéger cette collection magnifique et lui éviter le sort des centaines de pièces perdues en 2018 lors de l’incendie du Musée national de Rio de Janeiro, au Brésil.
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