1905.
C’est l’année de la fondation de l’actuel édifice administratif de la faculté de polytechnique de l’Université du Caire dont le troisième étage a été entièrement brûlé lors de l’évacuation du sit-in de la place Al-Nahda.
Ce bâtiment centenaire est pour les professeurs de la faculté « la boîte à souvenir » selon les termes de Saïd Al-Touni, professeur d’architecture et d’urbanisme au sein de la faculté et rapporteur de la commission d’architecture au Conseil suprême de la culture. Cela est dû à son importance architecturale, historique et archéologique, sans oublier l’emplacement exceptionnel des bâtiments de cette faculté. Cette localisation a cependant été la source d’énormes dégâts.
Bordé par la place Al-Nahda, dans le gouvernorat du Guiza, théâtre du sit-in des pro-Mohamad Morsi, le bâtiment est devenu le refuge des manifestants lors de leur évacuation musclée par les forces de l’ordre le 14 août dernier. L’incendie qui en a découlé est considéré comme « une catastrophe » pour les professeurs, notamment les architectes. « Tout le troisième étage est parti en fumée, sans exception », affirme Chérif Mourad, doyen de la faculté de polytechnique.
Pour professeur Al-Touni, cet édifice est d’une valeur inestimable. Par son style architectural néoclassique simplifié et aussi éclectique, il reflète une période délaissée, celle de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. A cette époque, le style néoclassique était en vogue dans le monde entier. Malgré la richesse des reliefs de ce style, l’édifice se distingue par sa simplicité. Ainsi, des dalles couvrent les façades au lieu de la finesse des reliefs caractéristiques du style néoclassique. « Cette simplicité s’explique par le modeste budget consacré à sa construction », explique le professeur Al-Touni.
Rénovations sans nuisance

La faculté de polytechnique en 1958.
L’importance de cette construction ne se limite pas à son style architectural. En effet, elle représente un excellent exemple de la rénovation sans nuisance des anciens édifices. Aux environs de la moitié du XXe siècle, le troisième étage, aujourd’hui brûlé, était réparti en seulement deux salles consacrées aux dessins. « Il comprenait des tables de géométrie sur lesquelles les étudiants exécutaient leurs schémas et passaient leurs examens », se souvient le professeur Al-Touni. Plus récemment, et après la construction d’un nouvel édifice adjacent, le troisième étage était divisé en plusieurs locaux pour la commission consultative formée de professeurs de la faculté et qui apportaient du conseil architectural aux différents entreprises et organismes gouvernementaux. Le revenu de cette activité était utilisé pour la restauration et la préservation des édifices de la faculté. Pour Al-Touni, cette réutilisation de l’ancien bâtiment, qui ne pouvait plus accueillir le nombre d’étudiants grandissant, a contribué à le protéger.
Cet édifice administratif s’inscrit dans une enceinte séparée de celle de l’Université du Caire, qui incarne l’évolution architecturale en Egypte au cours du siècle dernier. Celle-ci est passée par trois étapes : la première est néoclassique, du début du XXe siècle aux années 1940 ; la deuxième « est la période transitoire entre le néoclassique et la modernité. Les édifices de cette période sont privés de toute valeur esthétique », explique le professeur Al-Touni. Quant à la troisième étape, elle reflète la modernité de la fin des années 1970 et du début des années 1980.
Il est de même important de mentionner la participation des étudiants de la faculté et de ses professeurs aux événements politiques, à l’instar des émeutes des pilotes suite à la défaite de 1968, suivies de celles de 1973 et 1977. Ces révoltes n’ont toutefois pas été nuisibles à la faculté et ses édifices.
Mais en raison de son poids historique, le gouvernorat de Guiza et certains pays du Golfe sont vite venus en aide pour contribuer à la remise en état du bâtiment. Un don de deux millions de dollars a par exemple été accordé par l’émir de Sharjah (Emirats arabes unis). Ce trésor architectural devrait donc bientôt renaître de ses cendres.
Dates d'inauguration des plus anciens édifices de l’Université du Caire

Le roi Fouad au sein de la salle Al-Sawi, premier doyen égyptien de la faculté de polytechnique.
1837 : Facultés de médecine, de pharmacie et de sciences vétérinaires. Toutes ces facultés ont été fondées avant cette date dans d’autres bâtiments. Elles ont été transférées en 1837 dans leur bâtiment définitif.
1872 : Dar Al-Oloum (maison des sciences).
1882 : Faculté de droit.
1890 : Faculté d’agriculture.
1905 : Faculté de polytechnique.
1911 : Faculté de commerce. Ces édifices existent encore aujourd’hui et continuent d’abriter des facultés, ou ont été voués à d’autres fonctions.
Au début était le cadastre
Les sciences polytechniques (terme définissant ce qui embrasse plusieurs sciences) ont vu le jour dans l’Egypte moderne en 1816, lorsque Mohamad Ali pacha a fondé l’école intitulée « madrasset al-mohandes khana » au sein de la Citadelle du Caire. Son objectif était de former les spécialistes du cadastre. Quelques années plus tard, l’école, transférée à Boulaq, s’est tournée vers la formation de spécialistes des projets militaires et civils. Fermée pendant quatre ans, avant de rouvrir en 1858, elle a été alors divisée en deux entités : la première spécialisée dans l’irrigation et située à Al-Qanater Al-Khaïriya, et la deuxième dédiée à l’architecture et localisée dans la citadelle. Ce sont en effet deux spécialités auxquelles Mohamad Ali accordait une importance capitale. Réunies sur leur emplacement actuel à Guiza, près de l’Université du Caire, elles ont été renommées en 1923 et ont porté à cette époque le nom de « madrasset al-mohandes khana al-malakiya ».
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